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Communes : le parent pauvre de la digitalisation

C’est un constat pour le moins alarmant. La majorité des communes ne respectent pas les exigences légales et réglementaires de publication des informations à caractère public. C’est, du moins, ce qui ressort des résultats d’une enquête menée par le centre de recherche Tafra.

Le respect des dispositions légales et réglementaires des engagements du Maroc, ainsi que les bonnes pratiques en matière de publication proactive de l’information par les administrations, butent encore sur de nombreux obstacles. Pour mesurer l’ampleur de ces goulots, et conformément au droit d’accès à l’information, spécifiquement introduit par la réforme constitutionnelle de 2011, le centre de recherche Tafra, dont la mission est d’améliorer la compréhension des institutions marocaines, a mis en place un «Solde minimum d’information institutionnelle garantie», ou «SMIIG-DATA».

Il s’agit d’un instrument de mesure qui permet d’observer le niveau de conformité d’une institution, d’une administration publique ou d’une collectivité territoriale avec les exigences légales et réglementaires, ainsi que les bonnes pratiques en matière de publication proactive d’informations publiques. Appliqué aux communes, le SMIIG-DATA prend en compte les critères édictés par les obligations légales et réglementaires, ainsi que les recommandations émises par les instances internationales (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International, OCDE et Nations Unies).

L’indicateur prend aussi en compte les bonnes pratiques en usage dans les pays où les principes du gouvernement ouvert et de publication proactive sont appliqués. Pour mener à bien son enquête, Tafra a d’abord identifié l’ensemble des communes de plus de 50.000 habitants (soit 81 communes, selon le RGPH 2014, représentant un total de 17.790.453 habitants) et vérifié si ces communes disposent d’un site web. Le cas échéant, ces sites ont été scrutés et les informations publiées examinées en vue de déterminer leur niveau de conformité avec le référentiel normatif, dont la méthodologie est présentée dans le présent document.

«Il existe un ensemble de critères de publication des données. Ces critères sont issus des différentes lois, des engagements internationaux du Maroc, et des meilleures pratiques internationales. Ce sont aussi des informations qui permettent d’améliorer la relation des communes avec les citoyens, procédures, concertations, budgets, organigrammes…), explique Karim El Hajjaji président de Tafra.

«Nous avons donc conçu cet indicateur à destination des collectivités locales afin qu’elles disposent d’un outil pour monitorer leur degré de respect du droit de l’accès à l’information», a-t-il expliqué aux Inspirations Eco. Les résultats de ce travail sont édifiants.

En effet, l’indicateur SMIIG-DATA montre que sur les 81 communes traitées, seulement 37 (46%) disposent d’un site web où les informations peuvent être publiées. Sur ces 37 communes, dont Tafra a pu évaluer les sites web, aucune n’était conforme à ses obligations légales en matière d’accès à l’information. Le principal fait marquant de cette analyse est que pas une seule n’obtient la note seuil du SMIIG-DATA. Le top 5 est composé des communes de Salé (61%), Ait Melloul (60%), Taroudant (53%), Agadir (50%) et Dragar (46%). En bas de liste, on retrouve les mauvais élèves, à savoir Oujda (4%), Martil (12%) et Guercif (14%).

Concernant le niveau de publication proactive des données financières, le document révèle que seulement 13 communes publient leurs budgets annuels et aucune n’émet les rapports d’audit. Quant aux états comptables et financiers des gestionnaires délégués, aucune d’entre elles ne les communiquent. Le constat est sans appel : «Il apparaît clairement que la majorité des communes observées ne respectent pas les exigences légales et réglementaires de publication des informations à caractère public», soulignent les rédacteurs du document de 28 pages, constatant notamment «que les informations sur les finances de ces collectivités sont très peu diffusées».

Ce n’est pas tout! «65% des citoyens résidant dans les communes étudiées, et représentant 11.651.446 d’habitants, n’ont pas accès aux budgets de leurs communes, 98% d’entre eux, soit 17.468 833 de personnes, n’ont pas connaissance des états comptables des gestionnaires des services publics et 74 communes totalisant 16.806.732 d’habitants ne publient pas de façon proactive les données relatives aux dons et subventions octroyés». Il est clair que la loi 31-13 n’est toujours pas, deux ans après sa promulgation, appliquée par la majorité des 81 communes examinées alors qu’elle est considérée comme un pilier central de la lutte contre la corruption et de la promotion de la transparence.

Fort de ces constants, le centre de recherche propose une série de recommandations à même de permettre de rattraper le retard constaté dans le respect des dispositions réglementaires et les bonnes pratiques en matière de publication proactive de l’information. Il est question de doter le plus grand nombre de communes de sites Internet, d’exiger la publication des éléments d’information prévus par les lois organiques et la loi 31-13, ainsi que la stricte application de l’arsenal légal et réglementaire relatif à la publication d’informations et, notamment, celles relatives aux finances publiques et à la participation citoyenne.

Tafra recommande aux mairies de sensibiliser les élus et cadres des administrations communales aux avantages de la publication proactive de toute information publique produite par les communes et, plus généralement, par les collectivités territoriales. Elle prône aussi la désignation d’un point focal (service dédié) chargé de répondre aux demandes d’informations ainsi que la promotion d’espaces de concertation publique et de communication permettant de tenir les citoyens informés des projets, des finances et des performances de leurs communes.

Ses autres recommandations ont trait à la promotion de la publication de toute information susceptible de renforcer le marketing territorial et les capacités des communes et autres collectivités territoriales, en matière de gestion documentaire et, particulièrement, au traitement exhaustif des archives, sans oublier l’usage par les communes d’outils de communication électroniques. Il faut noter que, depuis la publication de cet indicateur, 26 communes sur 81 ont amélioré leur score tandis que 16 autres ont vu le leur chuter, «ce qui démontre l’utilité de garder à jour les informations publiées», conclut le président de Tafra.

Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO


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