Commerce extérieur. Le protectionnisme incontournable

L’aggravation du déficit de la balance commerciale est principalement due au différentiel de «vigueur économique» entre le Maroc et ses partenaires. Une révision des ALE est recommandée.
Une balance commerciale dans le rouge, voilà une réalité à laquelle se sont habitués tous les analystes économiques. La dernière note «Policy Brief» de la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) relevant du ministère de l’Économie et des finances va même jusqu’à considérer ledit déficit comme étant «essentiellement d’origine structurelle», cette composante constitue en 2017 près de 92% de ce solde et représente 9% du PIB nominal. Une situation dont les facteurs sont principalement exogènes car si cette situation reflète les faiblesses structurelles révélées en matière de compétitivité- prix de l’offre exportable, elle est surtout imputable à la fragilité économique des pays tiers. En effet, la croissance structurelle du PIB, plus vigoureuse au Maroc, entraîne une augmentation plus rapide de la demande nationale pour les produits étrangers en comparaison avec la demande étrangère adressée au Maroc. Ainsi, une hausse du PIB marocain de 1% entraîne une dégradation du solde nominal des biens et services, exprimé en taux de couverture, de 0,55% tandis qu’une augmentation du PIB étranger et des termes de l’échange de 1% induit une amélioration de ce solde de 0,75% et de 0,51% respectivement.
Une ouverture internationale mal négociée
Autant dire que l’aggravation de ce déséquilibre pousse les plus libéraux à remettre en question le maillage important d’accords de libre échange (ALE) conclus par le Maroc. «Les résultats obtenus jusque-là ne semblent pas être à la hauteur de l’effort de libéralisation tarifaire consenti», indiquent les analystes du DEPF qui expliquent que pour redresser cette situation défavorable, le Maroc gagnerait, sans se soustraire à ses engagements commerciaux, «à oeuvrer activement en faveur de l’optimisation de sa politique commerciale extérieure à travers une triple action». Une révision globale des accords de libre-échange conclus est donc souhaitable, tout comme un rééquilibrage des relations commerciales avec les partenaires. Pour cela, rien n’empêche de faire du protectionnisme en renforçant le dispositif de défense commerciale dans le but de «lutter vigoureusement contre la concurrence étrangère déloyale, notamment à travers un contrôle plus strict à la frontière (fraude, contrebande, sous-facturation…) de sorte à préserver l’intégrité du marché intérieur et favoriser son développement harmonieux». Une telle restructuration des échanges extérieurs implique donc une «nouvelle doctrine» en matière de conclusions d’accords commerciaux privilégiant davantage les groupements régionaux que l’approche bilatérale et en ciblant en priorité les pays du sud pour se prémunir contre les chocs concurrentiels asymétriques.
D’ailleurs, le nouveau positionnement institutionnel du Maroc en Afrique avec une réintégration en grande pompe de l’Union africaine offre des opportunités certaines pour édifier des partenariats mutuellement bénéfiques à travers la promotion de joint-ventures dans des secteurs névralgiques de l’économie africaine dont l’agriculture, l’industrie et l’énergie. À ce titre, «le Maroc ne devrait ménager aucun effort pour mener à bon port le projet de son adhésion à la CEDEAO, qui constitue une profondeur stratégique vitale pour le royaume de par l’histoire, les affinités culturelles et cultuelles ainsi que la présence économique déjà forte des opérateurs marocains au sein de cette zone», explique le rapport.
Ne pas oublier les facteurs endogènes
L’accélération de la transformation structurelle du système productif national semble être le seul raccourci possible pour édifier un profil de spécialisation économique dynamique apte à relever les multiples défis soulevés par un contexte concurrentiel en pleine mutation. Un tel objectif rendrait nécessaire d’assurer une articulation judicieuse de la stratégie industrielle avec la politique commerciale et celle relative à l’attractivité des investissements étrangers. Il supposerait aussi le relèvement du taux d’intégration local au niveau des principales filières industrielles pour élargir le spectre de la création de valeurs et des emplois et parvenir, in-fine, à capter en interne les effets de la sophistication du tissu productif. Cela passe inévitablement par le développement des capacités d’innovation du tissu productif pour favoriser l’éclosion d’avantages compétitifs dynamiques et permettre aux firmes marocaines d’affronter, dans des conditions favorables, la concurrence étrangère sur le marché domestique et sur les marchés tiers.