Éco-Business

Budget de l’enseignement. Quelle marge de manœuvre pour les académies ?

Plus de 90% du budget du département de l’Éducation nationale est alloué aux AREF. Néanmoins, la marge de manœuvre des académies demeure limitée dans l’élaboration de leurs plans d’action. À l’heure de la mise en œuvre de la régionalisation avancée, il s’agit de renforcer le rôle des AREF dans l’amélioration de la gouvernance du secteur en mettant fin aux dysfonctionnements qui émaillent leur gestion. 

En cette fin d’année, les académies régionales de l’Éducation et de la Formation (AREF) approuvent l’exécution du budget de 2018 et adoptent le programme d’action et le budget de 2019, lors de leurs conseils d’administration. Il faut dire que l’exercice n’est pas de tout repos pour les AREF qui doivent assurer l’harmonie entre l’année budgétaire et l’année scolaire. Concrètement, plus de 90% du budget du département de tutelle en l’éducation est alloué aux AREF. Mais, le mode de transfert de la majorité des fonds sont assignés à des lignes budgétaires précises, réduisant, ainsi, la marge de manœuvre des académies. Chaque année, une note de cadrage du ministère est destinée aux AREF pour la préparation de leurs programmes d’action et leurs budgets. Au titre de l’année budgétaire de 2019, les orientations ont été définies et les priorités fixées : le développement de l’enseignement préscolaire, l’appui social, des projets et mesures à caractère pédagogique, l’accélération du rythme d’exécution des projets d’investissement…

Problème de ressources humaines
Le ministère a opté en 2019 pour une discrimination positive au profit des académies qui sont marquées par une prédominance du caractère rural en vue de lutter contre les disparités sociales et territoriales. Les montants alloués à chaque domaine (appui social, préscolaire, infrastructures, éducation non formelle…) sont clairement précisés par le ministère dans sa note de cadrage. L’adoption de la charte de la déconcentration administrative et la mise en œuvre progressive de la régionalisation avancée vont-elles permettre de s’acheminer, à moyen terme, vers une intervention limitée du ministère dans l’élaboration des plans d’action des AREF ? Les avis divergent autour de cette question. Passer la main aux académies pour l’élaboration de leurs priorités nécessiterait quelques préalables dont des ressources humaines qualifiées et un leadership responsable. Cette condition, précisons-le, n’est pas, pour le moment, remplie dans l’ensemble des académies. L’insuffisance des ressources humaines dans certaines académies est parmi les problématiques soulevées par l’organisation de coopération et de développement économiques. Ce handicap empêche quelques AREF d’accomplir, comme il se doit, les tâches qui leur sont dévolues. Cette lacune pourrait être comblée par le renforcement de la formation continue des ressources humaines dont dispose déjà les AREF.

Levée de fonds : actions limitées
Parmi les capacités à développer figure celle ayant trait à la levée des fonds auprès des autorités locales et des donateurs nationaux et internationaux. Actuellement, il s’avère que la plupart des académies n’ont pas encore les capacités techniques pour mener à bien cette mission qui pourrait donner un véritable coup de fouet à l’investissement dans le secteur. Les moyens privés et les collectivités territoriales représentent moins de 5% du budget des AREF, selon les données de l’OCDE. Certaines académies font mieux que d’autres dans ce domaine et arrivent à signer des conventions intéressantes de partenariat notamment avec les conseils régionaux. Aujourd’hui plus que jamais, les académies sont appelées à jouer un rôle important pour dynamiser le secteur de l’enseignement qui constitue l’une des priorités nationales. Mais en dépit de la volonté nationale de décentraliser l’éducation, plusieurs contraintes limitent les capacités des AREF à assumer un rôle moteur dans la gouvernance du secteur, comme le souligne l’OCDE qui préconise de doter ces établissements d’une marge de manœuvre plus large qu’à l’heure actuelle.

Repenser le rôle des AREF
Les attributions techniques des académies régionales de l’éducation et de la formation prennent le pas sur leur rôle pédagogique. D’aucuns soulignent que les AREF doivent se concentrer sur le métier de base, à savoir la mission pédagogique. Or, les AREF doivent fournir un grand effort pour assurer la mission du renforcement des infrastructures. Le ministère de tutelle a essayé de résoudre cette problématique en 2016 à travers la signature de conventions de partenariat entre les académies régionales de l’éducation et de la formation et les directions régionales du ministère de l’Equipement. Cet accord portait sur la délégation des AREF de la maîtrise d’oeuvre des projets d’étude et de construction des établissements scolaires aux directions régionales de l’équipement, selon un protocole renouvelable chaque année entre les parties concernées. Mais, ces conventions sont restées lettres mortes. Selon nos informations, le département de l’Équipement ne veut pas concrétiser cet accord en raison de la difficulté d’exécuter les projets d’infrastructures des académies à cause de l’éparpillement géographique de ces projets et leur faible coût financier. 


Mohamed Aderdour
Directeur de l’AREF Rabat-Salé-Kénitra

«La création d’une agence spéciale d’exécution des projets s’impose»

Ne pensez-vous pas que la marge de manœuvre des AREF est très limitée dans l’élaboration de leurs plans d’action ?
Je ne pense pas que la marge de manœuvre des AREF soit limitée. Certes des montants sont fléchés dans la note de cadrage. Mais, il faut s’aligner sur le système éducatif national qui a des priorités visant à répondre aux grands défis. Il ne faut pas fausser les objectifs nationaux qui sont adoptés au sein du parlement. Sincèrement, la marge de manœuvre accordée aux académies est on ne peut plus suffisante, pourvu qu’on parvienne à la gérer. Le cadrage national pour répondre aux différents enjeux s’impose.

Pourquoi plaidez-vous pour la nécessité de la concentration des AREF sur leur mission de base ?
Il est grand temps de créer une agence spéciale pour les constructions et l’équipement pour soulager les académies et leur permettre de se concentrer sur le volet de la pédagogie. Cet avis n’est pas partagé par tous. Mais, je pense que chacun doit se focaliser sur son métier de base. D’ailleurs, l’expérience avec Rabat aménagement est réussie au niveau de la capitale. C’est un modèle pour ce qui doit se faire dans le secteur. On peut même créer une agence du secteur pour l’exécution des projets à l’instar de ce qui est fait dans les conseils régionaux. C’est l’approche à adopter pour promouvoir l’efficacité et la reddition des comptes.

La contractualisation est toujours pointée du doigt…Qu’en pensez-vous ?
On ne parle plus de contractuels mais de fonctionnaires de l’académie. D’ailleurs, toutes les promotions sont intégrées dans le nouveau système. Ils bénéficient de tous les privilèges des fonctionnaires du secteur. Il reste la question de la retraite, mais le gouvernement est en cours de préparation d’un projet pour l’unification des caisses de retraites. Nous tendons même à ouvrir la voie pour le recrutement par les AREF d’autres profils techniques et administratifs. 


Budget de l’AREF Rabat-Salé-Kénitra

Le taux d’engagements du budget de 2018 de l’AREF de Rabat-Salé-Kénitra a atteint 98%. En 2019, le budget alloué à cette AREF est de 1, 3 milliard de DH dont un montant de 828 millions dédié à l’exploitation (381 millions pour la gestion et 447 millions pour les dépenses des fonctionnaires de l’académie). Le budget de l’investissement est de plus de 473 millions de DH. Conformément aux orientations nationales, le préscolaire sera érigé en priorité en 2019. Le taux de couverture de cet enseignement dans la région est passé de 41% à 56% cette année, et l’on ambitionne de dépasser les objectifs nationaux dans les années à venir. En 2019, un budget de 34 millions de DH est accordé à la promotion du préscolaire dans la région. Il s’agit d’une première. Mais encore faut-il régler le problème du déblocage de ce montant au profit des associations œuvrant dans le domaine. L’AREF ne peut dépenser ce budget qu’à travers le partenariat avec la société civile pour le paiement des éducatrices. Aussi, l’académie doit-elle être très vigilante et renforcer le suivi pour éviter les dérapages. Pour le directeur de l’AREF, Mohamed Aderdour, la solution dans les années à venir est le recrutement par les académies des éducatrices à l’instar de ce qui se fait pour les enseignants.


whatsapp Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp

Évolution des prix des fruits et légumes à Casablanca



Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters



Bouton retour en haut de la page