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Abdoulaye Sy : inflation, facture de la compensation,…“Il sera nécessaire de contenir les subventions pour améliorer l’espace budgétaire”

Abdoulaye Sy
Économiste principal à la Banque mondiale pour les pays du Maghreb

À l’heure où l’augmentation et la volatilité des prix du pétrole sont sources de tensions pour la balance commerciale et le budget du Maroc,  Abdoulaye Sy, Économiste principal à la Banque mondiale pour les pays du Maghreb, dresse son diagnostic de la situation du Royaume et livre des pistes de solutions.

Sachant que 90% des besoins énergétiques du Maroc sont, aujourd’hui, couverts par des importations, principalement de pétrole, et au vu de la crise et de la hausse du prix du baril, qui dépasse les 100 dollars, quel impact cela risque-t-il d’avoir sur la Caisse de compensation? Concrètement, à combien pensez-vous que la facture va s’élever ?
Nos analyses sont basées sur les estimations du gouvernement marocain qui a récemment annoncé qu’il maintiendrait les subventions du GPL et de certains produits alimentaires et qui estime les coûts de cette mesure à 10 milliards de dirhams (MMDH) pour le GPL et à 3 MMDH pour les produits alimentaires concernés. Il s’agit là d’efforts financiers significatifs de la part de l’État, visant à stabiliser les prix suite au déploiement de ressources budgétaires importantes pour répondre à la crise du Covid-19 et à la sécheresse.

Comment le Maroc pourrait-il se prémunir le plus efficacement possible, sachant que la facture énergétique du pays va flamber en termes d’importation ?
L’augmentation et la volatilité des prix du pétrole sont sources de tensions pour la balance commerciale et le budget des pays importateurs nets, tels que le Maroc. Néanmoins, plusieurs facteurs peuvent aider le pays à amortir ce choc. Les marges de flexibilité du dirham ont été élargies à +/-5 %. Les réserves de change ont augmenté durant la crise du Covid-19. Les taux d’intérêt sont relativement bas, ce qui laisse une marge de manœuvre et d’ajustement au cas où les tensions inflationnistes viendraient à s’intensifier. Pérenniser la relance économique reste, en effet, une priorité.

Sur le plan budgétaire, le gouvernement met l’accent sur la stabilisation des prix et la réponse à la sécheresse. À moyen terme, il sera nécessaire de contenir les subventions pour contribuer à l’amélioration de l’espace budgétaire destiné au financement des priorités de développement du Maroc. Il s’agira, également, d’améliorer l’efficacité énergétique et d’accélérer la transition vers des énergies renouvelables plus propres afin de réduire la dépendance aux importations d’hydrocarbures.

D’où peuvent provenir les ressources qui permettront de faire face à la hausse de cette facture de la compensation ? Quels sont les différents leviers que l’État peut activer pour financer cette augmentation ?
Du côté des recettes budgétaires, le rebond significatif des recettes fiscales en 2021 et la normalisation de la situation sanitaire augurent d’une amélioration graduelle des ressources de l’État. Cependant, la croissance risque de ralentir cette année, du fait de la sécheresse et de l’envolée des prix du pétrole, ce qui pourrait freiner le rebond des recettes budgétaires. En outre, des incertitudes demeurent, qu’elles soient liées à la possibilité d’émergence de nouveaux variants de Covid-19, à l’augmentation des prix du pétrole et des matières premières ou encore à la guerre en Ukraine et ses effets sur la croissance en Europe et le commerce international.

En matière de décaissements, des mesures de rationalisation des dépenses courantes de l’État pourraient atténuer l’augmentation du déficit budgétaire. Enfin, en termes de financement du budget, le Maroc bénéficie d’un bon accès aux marchés financiers internationaux et d’un taux d’intérêt relativement bas sur le marché national grâce à une politique macroéconomique et budgétaire prudente. Cependant, l’augmentation des taux d’intérêt aux États-Unis et la réponse des autorités monétaires, si les risques inflationnistes venaient à s’intensifier, pourraient contribuer au renchérissement du coût de la dette.

L’impact de cette hausse sur les agents économiques commence à provoquer des remous, notamment chez les transporteurs. Quels sont les leviers que l’État doit mettre en place pour que le pouvoir d’achat des ménages ne soit pas impacté ?

Le gouvernement a lancé un dialogue avec les transporteurs, visant à identifier des mesures pour atténuer l’impact de l’augmentation des prix des hydrocarbures à la pompe, qui sont libéralisés depuis 2015. Ce type d’initiative pourrait constituer une plateforme d’échange importante, entre l’État et la société civile, en matière de réalités et contraintes socio-économiques et budgétaires. Elle peut, également, contribuer à donner la priorité aux réformes visant à améliorer l’efficacité et la résilience économique du Maroc.

La Banque mondiale souligne l’importance d’une fixation des prix qui obéit aux lois du marché

En visite au Maroc les 23 et 24 mars dernier, David Malpass, président du Groupe de la Banque mondiale, a rencontré plusieurs membres du gouvernement dont Aziz Akhannouch, Chef du gouvernement, et Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Économie et des finances. A l’ordre du jour, le Chef du gouvernement et David Malpass ont évoqué l’impact de la crise en Ukraine sur le Maroc, notamment sur les prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Alors que le Maroc s’emploie à remédier à cette situation complexe exacerbée par la sécheresse, le président du Groupe de la Banque mondiale a souligné l’importance d’une fixation des prix qui obéit aux lois du marché, assortie d’une aide sociale ciblée.

Le visiteur a souligné l’importance des réformes complémentaires promouvant la concurrence, les réformes des entreprises publiques ainsi que les réformes institutionnelles profondes dans les secteurs de l’énergie et de l’eau pour relever d’un cran la croissance du Maroc tirée par le secteur privé. Avec la ministre Alaoui, il a été question du programme de réformes du gouvernement visant à améliorer les registres nationaux, à protéger durablement les populations vulnérables de l’instabilité des prix des produits de base et à accélérer la transition verte.

Le visiteur a souligné l’importance d’accélérer la mise en œuvre de la réforme des entreprises publiques et de permettre au secteur privé d’investir dans les actifs de ces dernières afin d’améliorer la compétitivité et de créer davantage d’emplois.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO



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