Les Marocains épargnent peu, et l’économie en souffre
À l’heure où l’économie, le secteur industriel intermédiaire en particulier, a un besoin croissant en financement, l’épargne nationale continue de se tasser. C’est ce qui ressort des interventions lors de la Journée mondiale de l’épargne, évènement organisé hier mercredi 31 octobre à Rabat. En effet, malgré les réformes mises en place et les progrès enregistrés, le niveau actuel de l’épargne «a connu un certain tassement, autour de 27-28%, et n’est guère suffisant pour répondre aux besoins de financement de l’économie», indique Abdellatif Zaghnoun, DG de la Caisse de dépôt et de gestion.
Ainsi, les chiffres disponibles au titre de l’année 2018, montrent que le taux d’épargne nationale a baissé de 28,7% du PIB en 2016 à 28,3% en 2017 et s’établirait à 28% en 2018. «La question, qui se pose aujourd’hui, est de savoir comment réduire l’écart grandissant entre l’épargne (en particulier interne) et l’investissement pour faire face aux besoins de financement de l’économie ? À titre comparatif, l’épargnant dispose d’un choix assez large de produits d’épargne dans les pays développés contrairement au choix réduit dans notre pays», continue Zaghnoun.
Pire encore, selon les comptes nationaux annuels publiés par le HCP, l’épargne des ménages se situe autour d’une moyenne de 14% de leur revenu disponible brut. Ce taux ressort élevé en comparaison avec plusieurs pays émergents et en développement comme le Brésil, le Chili ou la Tunisie (autour de 10,5%) ou encore l’Afrique du Sud (1,3%) et est proche des niveaux de certains pays développés comme la France (14,6%) ou la Belgique (13,9%).
«Ce constat est à nuancer toutefois pour deux principales raisons liées aux poids de certaines composantes du revenu des ménages. Ce dernier est marqué, dans le cas de notre pays, par la faiblesse des cotisations, en comparaison internationale, et surtout par le poids relativement important des transferts des Marocains résidents à l’étranger qui en représente en moyenne près de 15%», explique de son côté le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri. Compte non tenu de ces transferts, le taux d’épargne serait en effet beaucoup plus faible, un constat en ligne avec les données microéconomiques disponibles.
Cette situation est principalement due au succès relatif de l’inclusion financière. La dernière étude FINDEX, de la Banque mondiale, révèle que la faible pénétration des services financiers formels s’explique principalement par le faible niveau de revenu des Marocains, puisque plus de 72% des adultes, n’ayant pas de compte, considèrent l’insuffisance de fonds comme un des obstacles à la bancarisation. 48% des adultes non bancarisés déclarent d’ailleurs que le manque d’argent est l’unique raison pour laquelle ils n’ont pas de compte. Surtout, la culture de «l’informel» est toujours présente. En effet, 21% de la population a recours à des solutions d’épargne, mais plus des deux tiers de cette population utilise des solutions informelles. De même, 26% des Marocains ont recours à des solutions de financement dont 88% à des services informels (famille, tontine «daret», avances des petits commerces, etc).