Investissement, réformes et emploi : Jouahri appelle à «un sursaut» économique
Le rapport annuel de Bank Al-Maghrib (BAM) décrypte la situation économique et financière du pays. Son patron tire la sonnette d’alarme sur les facteurs de vulnérabilité sociale et l’attentisme actuel.
La lecture de Bank Al-Maghrib (BAM) est essentielle pour comprendre l’évolution de l’économie marocaine entre deux années. À la lecture du bilan du «Maroc 2017» lors de l’audience royale du 29 juillet dernier, Abdellatif Jouahri, wali de BAM a tiré la sonnette d’alarme : «le Maroc a besoin aujourd’hui d’un véritable sursaut et d’une mobilisation de toutes ses forces vives pour réinstaurer un climat de confiance et d’apaisement social et remettre l’économie sur un sentier plus élevé de croissance et de création d’emplois».
Croissance «Rebond»
Merci au ciel, la croissance était au rendez-vous en 2017. Elle s’est améliorée de 1,1% en 2016 à 4,1% en 2017. Cette performance s’explique par des facteurs externes, «précisément le raffermissement de l’économie mondiale», souligne BAM. «La valeur ajoutée agricole a enregistré un rebond de 15,4% après une forte baisse une année auparavant et les activités non agricoles ont continué leur reprise bien qu’à un rythme toujours lent. Celles-ci ont affiché une progression de 2,7% après 2,2% avec en particulier une bonne performance des industries extractives, du tourisme et des services de transport», estime l’institution d’émission. En revanche, «l’atonie du BTP s’est poursuivie et la branche «éducation, santé et action sociale» a connu une contraction, la première depuis 2003», analyse BAM.
Marché de l’emploi «Insuffisant»
Au vu de la composition de la valeur ajoutée, le marché du travail a été porté essentiellement par le secteur primaire. Les services ne sont pas en forme alors que l’industrie continue de créer des emplois. Dans ce tableau, le BTP a réduit la création d’emploi de 25.000 postes en une année. Ces éléments mènent BAM à la conclusion suivante : «Bien que l’économie nationale ait généré 86.000 postes, ce niveau est resté insuffisant face à une entrée nette de 135.000 demandeurs d’emploi. En conséquence, le taux de chômage s’est accru de 0,3 point à 10,2%». L’institution s’inquiète en particulier d’une hausse prononcée parmi les jeunes citadins dont plus de quatre sur dix sont sans emploi». Au niveau sectoriel, après une perte cumulée de 151.000 postes les deux dernières années, l’agriculture en a créé 42.000 à la faveur d’une bonne campagne. Par contre, dans les services, «principaux pourvoyeurs d’emplois, 2.000 postes nets ont été créés contre une moyenne de 37.000 sur la période 2014-2016 et 90.000 entre 2000 et 2013. De même, la dynamique de l’emploi est restée faible dans l’industrie avec une augmentation de 7.000 postes portant le total des créations depuis 2015, première année de mise en œuvre du Plan d’accélération industrielle à 30.000. Dans le BTP, l’emploi a enregistré une hausse de 11.000 postes après 36.000 en 2016.
Finances publiques «Ajustement»
Le processus d’ajustement budgétaire bien qu’interrompu en 2016 a repris en 2017 de 4,5% à 3,6% du PIB, en dépassement toutefois de 0,6 point de PIB, l’objectif de la Loi de finances. Une performance expliquée par le rebond des recettes (l’IS et la TVA). «Du côté des dépenses, la masse salariale a connu une baisse, la première depuis 1994 et son ratio du PIB est revenu ainsi à 9,8%», précise BAM. Les finances publiques ont été alourdies par la charge de compensation qui a augmenté pour la deuxième année consécutive, atteignant 15,3 milliards. «Compte tenu d’une amélioration de 1,6 milliard du solde positif des comptes spéciaux du Trésor et d’une réduction de 866 millions du stock des arriérés de paiement, le besoin de financement s’est établi à 38,7 milliards, dont 91,4% financés par des ressources domestiques». La dette publique du Trésor s’est accrue de 0,2 point à 65,1% du PIB avec une baisse de 0,1 point à 50,7% du PIB de sa composante intérieure et un accroissement de 0,3 point à 14,4% du PIB de la dette extérieure.
Financement de l’économie «Allégé»
Par secteur institutionnel, le besoin des sociétés non financières se serait allégé en 2017 et a été couvert à hauteur de 52,3 milliards par des financements extérieurs. En revanche, les administrations publiques auraient connu une accentuation de leur besoin induisant une augmentation de 6,6 milliards de leurs engagements extérieurs. Concernant les ménages, leur capacité de financement se serait renforcée et s’est reflétée notamment au niveau de leurs dépôts qui ont été en hausse de 8,9 milliards de dirhams. «Les flux financiers entre les secteurs résidents ont été caractérisés par une importante hausse des placements des organismes de prévoyance et de retraite à régime obligatoire en titres d’OPCVM au détriment de leurs acquisitions de bons du Trésor», note BAM. Et d’ajouter : «En parallèle, les dépôts des ménages ont marqué une nette amélioration et l’encours des crédits aux sociétés non financières a de nouveau augmenté quoiqu’à un rythme moindre qu’en 2016».