Éco-Business

Consommation d’énergie. La voiture électrique, baromètre de 2050 ?

À l’horizon 2050, la consommation d’énergie du Maroc pourrait presque tripler et les besoins en électricité bondir à des niveaux sans précédent. Une étude d’Amin Bennouna, professeur à l’Université Cadi Ayyad, révèle l’ampleur du défi posé par la pénétration des véhicules électriques à batteries. Entre projections chiffrées, efficacité énergétique en baisse et question cruciale du coût de l’électricité, le Royaume se trouve face à une équation complexe qui engage son avenir économique et énergétique.

Le Maroc entre dans une phase décisive de sa transition énergétique. Porté par une croissance économique régulière et par l’essor des énergies renouvelables, le pays anticipe déjà une hausse importante de sa consommation d’électricité dans les décennies à venir. Mais un facteur nouveau pourrait bouleverser tous les calculs. L’arrivée progressive des véhicules électriques promet de transformer en profondeur la manière dont le Royaume consomme et produit son énergie. C’est principalement sur cette question que se penche l’étude menée par Amin Bennouna, enseignant-chercheur à l’Université Cadi Ayyad. Il a analysé l’évolution de la demande d’énergie au Maroc jusqu’en 2050 en intégrant différents scénarios de pénétration des véhicules électriques. Son travail s’appuie sur des données officielles et sur des corrélations établies depuis plusieurs décennies entre croissance économique, consommation d’énergie et demande d’électricité. Ces relations se révèlent particulièrement solides, notamment entre le PIB et la consommation énergétique, ou encore entre l’activité économique et la demande d’électricité. Les extrapolations qui en découlent sont éloquentes. La consommation totale d’énergie pourrait passer de 23,9 millions de tonnes équivalent pétrole en 2023 à 62,95 millions en 2050, tandis que les livraisons d’électricité de l’ONEE grimperaient de 37,8 TWh à plus de 135 TWh. Des chiffres qui traduisent déjà l’ampleur du défi énergétique national, avant même d’ajouter l’effet démultiplicateur de la voiture électrique, dont la généralisation pourrait faire exploser la consommation et contraindre le pays à repenser en profondeur son modèle.

Trois scénarios pour le Maroc
Le cœur de l’étude se concentre sur la substitution progressive des véhicules thermiques par des véhicules électriques à batteries. Le calcul est simple mais révélateur. Pour la même énergie mécanique à la roue, «l’énergie électrique nécessaire à un véhicule électrique à batteries est 2,43 fois moindre que l’énergie de combustible pour un véhicule à moteur à combustion interne». Ce rendement supérieur est un atout mais il a aussi son revers, car l’électricité devient le vecteur dominant.Dans un scénario où tout le parc automobile passerait à l’électrique, les besoins additionnels en électricité atteindraient 45 TWh en 2030 puis 85 TWh en 2050. Ces volumes s’ajouteraient aux besoins déjà anticipés par la croissance naturelle de l’économie. Pour traduire cette bascule en trajectoire concrète, l’étude propose trois scénarios de pénétration des voitures électriques. Le scénario A, dit précoce, suppose que la moitié du parc automobile est électrifié autour de 2040. Le scénario B place ce jalon à 2045, et le scénario C à 2050. Les résultats chiffrés sont impressionnants. Dans le scénario A, les livraisons additionnelles d’électricité pour les véhicules électriques atteindraient 75.123 GWh en 2050. Même dans le scénario le plus tardif, ce chiffre dépasserait encore 42.000 GWh. Au total, les livraisons que devrait assurer l’ONEE pourraient s’élever à plus de 210.000 GWh en 2050 dans le cas d’une transition rapide, contre 135.546 GWh dans un Maroc resté à l’écart de l’électrification. La puissance maximale appelée suivrait la même courbe. De 8.163 MW en 2025, elle grimperait à 38.553 MW en 2050 dans le scénario A, tandis que même le scénario le plus tardif dépasserait les 33.000 MW. Le réseau électrique national, déjà sollicité, devrait donc absorber une pression considérable.

Une équation nationale à résoudre
L’étude met en lumière un paradoxe. Malgré les gains de rendement des véhicules électriques, l’efficacité énergétique globale du Maroc poursuit sa lente dégradation. «Pour produire 1 dirham constant de valeur ajoutée, il faudra environ 4 fois plus d’électricité en 2050 qu’il n’en fallait en 1980», observe Amin Bennouna. Ce constat signifie qu’il faudra mobiliser de plus en plus d’énergie pour générer la même richesse. Les conséquences économiques sont évidentes. «Si, durant le prochain quart de siècle la croissance du PIB constant par habitant ne peut être portée à plus de 2,5% par an, il va absolument falloir que les prix de l’énergie soient baissés si l’on ne veut pas que le coût de l’énergie devienne économiquement insupportable» insiste le chercheur. L’étude n’intègre pas les véhicules hybrides ou l’hydrogène, jugés encore trop incertains pour figer des scénarios solides. Elle trace néanmoins des lignes claires pour les décideurs. Le Maroc doit se préparer à une croissance inédite de sa demande électrique, renforcer ses infrastructures et anticiper les investissements nécessaires. La conclusion est sans détour. La transition énergétique n’est pas seulement une question de technologie ou de choix de véhicules. Elle engage tout le système économique du pays. Produire davantage d’électricité, déployer des réseaux fiables et contenir les coûts sont trois impératifs indissociables. Sans cela, l’électrification du transport, censée réduire la dépendance aux hydrocarbures, pourrait devenir un fardeau financier pour l’économie nationale.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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