Écosystème startups : un grand défi nommé cash

Avec un bond de quatre places, le Maroc s’est hissé au 88e rang mondial et dans le Top 10 continental. C’est ce qui se dégage du dernier rapport de la plateforme StartupBlink qui évalue les meilleurs écosystèmes de startups. Toutefois, le manque de financement reste un obstacle majeur à la croissance des jeunes pousses marocaines. Décryptage.
C’est un fait. Un écosystème entrepreneurial adéquat est indispensable pour favoriser l’éclosion des startups. Si les États-Unis et la Chine s’imposent comme deux leaders incontestés dans l’économie numérique, c’est parce qu’ils ont su ériger des pépinières numériques d’où ont germé des licornes (entreprises privées valorisées à plus de 1 milliard de dollars) comme Apple ou ByteDance, la maison-mère de TikTok, deux mastodontes de l’innovation.
Au cours de ces dernières années, le Maroc a entrepris plusieurs initiatives pour améliorer l’attractivité de son univers entrepreneurial et attirer des investissements locaux et étrangers à même de stimuler la croissance de ses pépites. Visiblement, ces mesures commencent à porter leurs fruits. Le Royaume a progressé de quatre places pour se hisser à la 88e place (sur 118 pays) dans le «Global startup ecosystem index 2025».
Parmi les plus fortes progressions en Afrique
Publié par la plateforme spécialisée StartupBlink, cet indice évalue les sphères entrepreneuriales de 118 pays à travers 33 indicateurs, notamment le nombre d’investissements dans les startups, le nombre de licornes, la présence de centres de R&D implantés par de grandes entreprises technologiques internationales, et celle de filiales de multinationales. Les dépenses en R&D, le nombre d’espaces de coworking et d’accélérateurs, les rencontres dédiées aux jeunes pousses, la vitesse et le coût de la connexion à Internet sont également passés au crible.
Ce bond a permis au Maroc d’intégrer le Top 10 continental, en se classant 9e, derrière l’Afrique du Sud (52e mondial), le Kenya (58e), l’Égypte (65e), le Nigeria (66e), le Cap-Vert (75e), le Ghana (81e), la Tunisie (82e) et la Namibie (85e). Mieux, le Royaume figure parmi les pays ayant enregistré les plus fortes progressions, avec la Tunisie (+8), le Ghana (+7) et le Kenya (+5). D’après les auteurs de ce rapport, l’écosystème marocain des startups offre une base stable et abordable aux entrepreneurs désireux d’étendre leurs activités sur le marché nord-africain.
«Avec une population jeune et technophile et une connectivité numérique croissante, le pays est en passe de devenir un centre d’innovation important dans la région», soulignent-ils, citant des success stories locales.
Ils prennent ainsi en exemple les 1,5 million de dollars levés en 2023 par la plateforme marocaine de distribution alimentaire B2B, Terraa , dédiés à un financement en pré-amorçage, (première étape de financement d’une startup). Les auteurs du rapport rappellent également que la plateforme de commerce électronique et de vente au detail B2B Chari avait atteint une valorisation de 100 millions de dollars en 2022, lors d’un tour de table.
Baisse du financement et des transactions entre 2023 et 2024
Pour autant, tout n’est pas rose. Malgré ces importants acquis, le Maroc doit relever plusieurs défis qui entravent la croissance de ses jeunes pousses. À commencer par le financement, l’un des talons d’Achille de l’écosystème depuis de nombreuses années.
«En 2024, le financement des startups au Maroc a diminué de 32,04% par rapport à l’année précédente. Au cours de cette période, le nombre de transactions y a baissé de 64,1%», révèle StartupBlink.
Et d’ajouter : «Depuis 2017, le financement total des startups dans le Royaume a dépassé 190,78 millions de dollars.»
Rappelons qu’en 2024, les startups marocaines, principalement celles spécialisées dans les technologies financières (Fintech), avaient réussi à lever 70 M$, sur les 2,2 milliards de dollars récoltés par les jeunes pousses du continent, selon la plateforme Africa :The Big Deal, loin derrière le «Big 4» formé par le Kenya (638 M$), le Nigeria (410 M$), l’Égypte (400 M$) et l’Afrique du Sud (394 M$), qui représentent près de 84% des financements levés en Afrique.
Outre le financement, le rapport recommande de renforcer le capital humain et d’améliorer la réglementation pour améliorer le tissu entrepreneurial. «Il est essentiel de s’attaquer à ces obstacles pour libérer tout le potentiel des entrepreneurs marocains et leur permettre d’avoir un impact substantiel sur leurs écosystèmes locaux», recommande-t-il.
Plusieurs initiatives pour renforcer le financement des startups marocaines
Pour réduire le gap de financement des startups marocaines, d’importants véhicules financiers comme le Fonds innov invest de Tamwilcom, Maroc numeric fund, ou encore UM6P Ventures, ont été lancés. Le 14 avril dernier, Tamwilcom avait signé un partenariat avec Flag6Labs, l’un des principaux accélérateurs de startups dans la région MENA.
Objectif : lancer un programme d’accompagnement dédié aux startups innovantes, particulièrement celles de l’agriTech, de la fintec, de l’industrie 4.0, de la cleantech/greenTech, de l’e-santé, du Big data, ou encore de l’intelligence artificielle, afin de leur faciliter l’accès aux financements.
Il faut ajouter à cela l’enveloppe de 240 millions de dirhams que le gouvernement prévoit de débloquer, dans le cadre du programme Maroc Digital 2030, pour stimuler l’innovation et soutenir les startups.
Elimane Sembène / Les Inspirations ÉCO