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Souveraineté Économique : l’intégration financière africaine peine à s’imposer

Alors que le continent multiplie les initiatives pour fluidifier ses échanges économiques, les obstacles structurels freinent encore son intégration financière. C’est l’un des principaux enseignements du Baromètre de l’industrie financière africaine 2024, réalisé par Deloitte, dont une première ébauche a été révélée lors de l’Africa Financial Summit 2024.

À l’heure où l’Afrique cherche à affirmer sa souveraineté économique, le continent mise sur une interconnexion accrue de ses marchés financiers. Le Maroc voit dans l’intégration régionale un levier stratégique, notamment à travers Casablanca Finance City, qui ambitionne de devenir une plateforme de financement panafricain.

Lors de l’Africa Financial Summit 2024, tenue courant décembre à Casablanca, cette volonté d’arrimer des économies africaines s’est cristallisée autour de trois initiatives majeures : le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et le Projet de liaison des bourses africaines (AELP).

Ces mécanismes, censés fluidifier les échanges intra-africains, peinent toutefois à s’imposer. En cause, des infrastructures inégales, une réglementation hétérogène et une adhésion encore timide des acteurs du marché. C’est dans ce contexte que le Baromètre de l’industrie financière africaine 2024, réalisé par Deloitte en partenariat avec l’AFIS, vient éclairer les mutations du secteur.

Les résultats de l’étude, dévoilés lors de l’Africa Financial Summit 2024, soulignent un continent en pleine transformation, où la digitalisation et la finance durable s’imposent comme des axes stratégiques. Si les fintechs apparaissent comme les plus optimistes, avec une confiance de 9,25/10 quant à leurs perspectives économiques à trois ans, les marchés des capitaux, eux, affichent davantage de prudence.

L’adoption du cloud et des infrastructures de données progresse, mais seuls 2% des établissements financiers africains ont déployé un projet d’intelligence artificielle, tandis que 71% y réfléchissent encore. Un retard technologique qui limite la compétitivité du secteur face aux standards internationaux.

Game changer
L’intégration financière africaine reste, elle aussi, à un stade embryonnaire. Le PAPSS, perçu comme un «game changer», affiche un niveau d’opérationnalité de 20%, contre seulement 8% pour la ZLECAf et 7% pour l’AELP. Cette lente progression s’explique par un manque d’interopérabilité des plateformes et une fragmentation persistante des flux financiers.

Un constat qui fait écho aux propos de Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa bank, appelant à une interconnexion des systèmes de paiement sur le modèle du SWIFT, mais adaptée aux spécificités africaines. La souveraineté financière, leitmotiv des débats, ne pourra se concrétiser sans un cadre réglementaire harmonisé et une mobilisation plus efficace de l’épargne africaine, encore sous-exploitée.

L’étude met également en lumière un paradoxe. En dépit de l’essor des marchés financiers, l’attractivité du secteur recule. Près de 67% des acteurs estiment que l’industrie financière africaine est «moins séduisante» qu’auparavant pour les investisseurs.

En cause, un environnement réglementaire jugé inadapté à l’innovation par 66% des sondés, ainsi qu’une «inflation persistante», désormais considérée comme la première préoccupation des institutions devant l’instabilité politique et la cybersécurité.

Face à ces défis, les établissements financiers africains réorientent leurs stratégies, privilégiant la maîtrise des coûts et l’optimisation opérationnelle, tout en renforçant la gouvernance. Les conseils d’administration voient ainsi leur composition évoluer, avec une progression des administrateurs indépendants et une montée en puissance des enjeux ESG, bien que la parité reste encore timide.

Dans ce paysage en recomposition, le Maroc semble avoir une carte à jouer. Casablanca Finance City se positionne comme un hub régional qui ambitionne de faire le trait d’union entre les marchés africains et les investisseurs internationaux. Mais pour que l’Afrique réalise pleinement son ambition d’intégration financière, une accélération s’impose. L’enjeu n’est plus seulement de connecter les infrastructures, mais il est tributaire de l’émergence d’un espace financier africain intégré.

Méthodologie

Le Baromètre de l’industrie financière africaine repose sur une enquête menée auprès de 60 acteurs du secteur financier africain, incluant des banques, des fintechs, des institutions de microfinance et des marchés de capitaux.

Chaque participant a évalué les dynamiques du secteur selon plusieurs axes : stratégies de croissance, gouvernance, risques et inclusion financière.

L’étude combine des données quantitatives et des analyses qualitatives, afin d’identifier les tendances structurantes et les défis émergents. Une attention particulière a été portée à la digitalisation, perçue comme un facteur clé de transformation dans un continent marqué par les disparités sectorielles et géographiques.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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