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PLF 2025 : un virage écologique assumé

Hausse de la taxe intérieure de consommation sur les houilles, le fioul lourd et les produits pétroliers utilisés pour la production d’électricité, fin des exonérations sur les énergies fossiles… Le PLF 2025 met le cap sur la transition énergétique verte. Coup de projeteur sur les mesures énergétiques phare.

Taxe intérieure de consommation en hausse, fin des exonérations sur les énergies fossiles. Le Projet de loi de finances 2025 prévoit des modifications majeures concernant la taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits énergétiques. La suppression de l’exonération de la TIC sur les houilles et le fuel-oil lourd utilisés pour la production d’électricité, ainsi que l’augmentation progressive des taux pour certains produits pétroliers, auront des répercussions significatives sur les différents acteurs économiques. Les principaux produits concernés sont les houilles (hausse de 6,48 à 12,48 DH/100kg), le fuel-oil lourd (de 18,24 à 24,24 DH/100kg), les bitumes (de 45 à 51 DH/100kg) et les huiles lubrifiantes (de 228 à 234 DH/100kg).

Rappelons que ces mesures fiscales visent à encourager la transition vers les énergies renouvelables en renchérissant les coûts des énergies fossiles. En effet, au-delà de l’aspect purement budgétaire visant à dégager de nouvelles recettes fiscales, la suppression des exonérations de la TIC sur les houilles et le fuel-oil lourd, ainsi que les hausses des taux pour les produits pétroliers, s’inscrivent dans une logique de transition énergétique.

En renchérissant les coûts des énergies fossiles pour la production électrique et l’industrie, ces mesures fiscales visent à rendre progressivement ces sources d’énergie moins compétitives par rapport aux énergies renouvelables comme le solaire, l’éolien ou l’hydraulique. De quoi créer un signal prix incitatif pour que les acteurs économiques, qu’il s’agisse des compagnies d’électricité, des industriels ou des ménages, accélèrent leurs investissements et leur passage vers des solutions énergétiques plus propres et durables.

En rendant le charbon, le fioul lourd et les produits pétroliers plus chers à l’usage, via la fiscalité, l’enjeu est d’améliorer la compétitivité relative du solaire, de l’éolien et permet de raccourcir les temps de retour sur investissement de ces énergies vertes.

Cette stratégie fiscale «verte» s’inscrit pleinement dans les objectifs de la stratégie énergétique nationale du Maroc visant à porter la part des énergies renouvelables dans le mix électrique à 52% d’ici 2030. Elle permet également de réduire la dépendance aux importations d’énergies fossiles, source de vulnérabilité en termes de sécurité énergétique et de balance commerciale. Bien que pouvant entraîner des surcoûts initiaux, ces mesures fiscales ambitieuses sont un signal fort pour accélérer la transition vers un modèle énergétique plus durable au Maroc, en adéquation avec les engagements climatiques du Royaume.

Impact budgétaire et enjeux économiques
Ces mesures fiscales annoncées dans le PLF 2025 auront indéniablement un impact budgétaire significatif pour l’État. Ces mesures permettront également à l’État de dégager de nouvelles recettes budgétaires substantielles, estimées à plusieurs milliards de dirhams.

En effet, en supprimant les exonérations sur les houilles et le fuel-oil lourd utilisés pour la production d’électricité, puis en augmentant les taux de TIC sur ces produits ainsi que sur les bitumes et huiles lubrifiantes, l’État élargit considérablement l’assiette fiscale de ces énergies fossiles. À titre d’exemple, pour les houilles, le taux passe de 6,48 à 12,48 DH/100 kg, soit une hausse de 92%.

Sur les volumes importés en 2023 de 11,571 millions de tonnes, selon l’Office des Changes, cela représenterait des recettes fiscales supplémentaires de l’ordre de 700 millions de dirhams rien que sur ce produit. Cependant, si ces hausses fiscales doperont les rentrées à court terme, leur impact inflationniste devra être étroitement surveillé pour éviter de peser sur le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises.

De fait, en renchérissant les coûts de l’énergie fossile pour les compagnies d’électricité comme l’ONEE et les industriels gros consommateurs, ces hausses fiscales risquent d’être répercutées en partie sur les prix à la consommation finale. C’est un pari à double tranchant, concède un analyste. D’un côté ces taxes vont accélérer la transition vers le solaire et l’éolien en améliorant leur compétitivité. Mais, de l’autre, elles risquent aussi d’importer une poussée inflationniste que le gouvernement devra gérer.

Évolution des importations marocaines en 2024, selon les chiffres clés de l’Office des changes
Cependant, l’ampleur de hausses potentielles sur les tarifs dépendra étroitement de l’évolution des cours internationaux du pétrole, du gaz et des produits pétroliers raffinés. Comme le montrent les chiffres détaillés de l’Office des changes, la facture énergétique du Maroc, à fin octobre 2024, s’est établie à 95 milliards de dirhams, en baisse de 5,5% sur un an.

Cette diminution s’explique essentiellement par la baisse des approvisionnements en houilles, cokes et combustibles solides similaires de -25% sous l’effet prix, en recul de -18,5%, conjugué à une baisse des quantités importées de -7,9%. On constate donc qu’une partie significative de la réduction de la facture énergétique provient de la chute des cours mondiaux des houilles et combustibles solides de près de 20% en valeur.

Cette baisse des prix internationaux et des volumes importés a permis au Maroc de réduire substantiellement sa facture énergétique pour ces combustibles fossiles solides. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce recul des importations en volume, comme une moindre demande des centrales thermiques au charbon, une plus grande utilisation d’autres sources d’énergie (renouvelables, gaz naturel) ou encore des efforts d’efficacité énergétique.

Cependant, malgré cette baisse de 25%, les houilles, cokes et combustibles solides restent un poste important de la facture énergétique marocaine, d’où l’impact significatif des hausses de la TIC prévues sur ces produits dans le PLF 2025. Un constat similaire peut être fait pour les importations de gaz de pétrole qui ont reculé de 14,3% en valeur.

À l’inverse, les importations de gas-oils et fuel-oils ont légèrement augmenté de 1,4%, malgré la baisse des volumes, du fait de la remontée des cours pétroliers. L’on constate que les compagnies énergétiques et les producteurs d’électricité ont bénéficié d’un répit sur leurs coûts d’approvisionnement grâce au repli des cours mondiaux en 2023-2024. Mais si ces cours repartent à la hausse, l’impact des hausses de taxes sera nettement plus fort sur les prix finaux.

De fait, si les prix du baril, du gaz naturel ou du charbon venaient à s’envoler à nouveau, les entreprises devraient non seulement absorber la hausse des coûts des énergies fossiles, mais aussi la hausse de la fiscalité sur ces produits. C’est un scénario où les deux effets se cumuleront, engendrant de fortes pressions inflationnistes qui pourraient être difficiles à contenir.

Dans ce contexte, l’enjeu sera de trouver le bon calibrage entre l’accélération de la transition énergétique par le signal prix, et la préservation du pouvoir d’achat face à d’éventuels chocs pétroliers.

Le défi du juste équilibre entre transition énergétique et pouvoir d’achat

Le point soulevé est effectivement crucial pour le Maroc. D’un côté, les hausses de la fiscalité énergétique visent à accélérer la transition vers les énergies renouvelables en renchérissant les coûts des énergies fossiles, comme indiqué plus haut, c’est un signal prix fort pour inciter les industriels à opter pour le solaire, l’éolien ou l’efficacité énergétique dont les coûts deviennent relativement plus compétitifs.

Le défi pour les autorités sera donc de trouver le juste dosage permettant d’enclencher une dynamique de sobriété et d’investissements dans la transition énergétique, sans pour autant étouffer la croissance économique par un renchérissement excessif des coûts de production.

«Il faudra peut-être envisager des mécanismes d’amortissement temporaires, comme un lissage progressif de la hausse des taxes ou des aides ciblées aux secteurs les plus exposés en cas de nouveau choc pétrolier», suggère un fiscaliste.

L’objectif sera d’éviter un choc de compétitivité trop brutal. La transition énergétique est certes une priorité cruciale, mais elle ne doit pas se faire au détriment de l’économie réelle et du niveau de vie de la population. Trouver le rythme et l’ampleur optimale des hausses de la fiscalité énergétique sera donc un exercice d’équilibriste délicat pour le gouvernement.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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