Responsabilité sociale des entreprises au Maroc : quels enjeux et quelles perspectives ?
Par Dr. Zakaria Abbass
Enseignant-chercheur en stratégie d’entreprise et commerce international Euromed business school (EBS) – Université euro-méditerranéenne de Fès
Au Maroc, la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) prend une place de plus en plus centrale dans le paysage économique. Face aux défis globaux tels que le changement climatique, la transition énergétique et les inégalités sociales, les entreprises nationales se trouvent à l’intersection de la performance économique et de leur rôle dans la société.
La vision stratégique du Royaume, soutenue par des réformes économiques et des engagements internationaux comme les Objectifs de développement durable (ODD), impose aux acteurs économiques de repenser leurs modèles d’affaires en intégrant les dimensions éthiques, sociales et environnementales.
L’internationalisation des entreprises marocaines nécessite non seulement des compétences en stratégies de marché, mais aussi une conscience aiguë des pratiques de RSE. Ces dernières ne sont plus perçues comme un simple outil de communication, mais comme un levier de compétitivité durable sur la scène internationale.
En effet, dans le commerce mondial actuel, la conformité aux standards RSE devient un prérequis pour accéder à des marchés internationaux, en particulier en Europe, où les normes environnementales et sociales se durcissent.
Le rôle du secteur privé marocain dans le développement durable
Le secteur privé joue un rôle crucial dans l’atteinte des objectifs nationaux de développement durable. En 2021, le Maroc a lancé la Stratégie nationale de développement durable 2030, dont l’un des axes majeurs est la promotion de la RSE dans les entreprises.
Cette stratégie encourage les acteurs privés à s’engager dans des initiatives visant à renforcer la durabilité environnementale, l’inclusion sociale et la bonne gouvernance. Des entreprises opérant dans des secteurs stratégiques comme l’agriculture, le textile et l’industrie, sont appelées à adopter des pratiques plus responsables pour répondre aux attentes croissantes des consommateurs et des investisseurs.
Celles qui intègrent des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) voient leurs performances financières s’améliorer, notamment grâce à une meilleure gestion des risques et une meilleure réputation.
La RSE comme catalyseur d’innovation
La RSE est une opportunité d’innovation et de création de valeur. Un grand nombre d’entreprises marocaines pionnières montrent déjà la voie, notamment avec des programmes comme le Pacte mondial des Nations Unies qui regroupe plus de 120 entreprises engagées à aligner leurs stratégies sur des principes universels relatifs aux droits de l’Homme, aux normes du travail, à l’environnement et à la lutte contre la corruption.
Des initiatives d’entreprises telles que celles de l’Office chérifien des phosphates (OCP), qui investit massivement dans les énergies renouvelables et le développement durable, illustrent le potentiel de la RSE à transformer le paysage économique national.
En outre, le Plan Maroc Vert, lancé en 2008, a encouragé le secteur agricole à adopter des pratiques durables et à renforcer l’intégration des petites exploitations agricoles dans la chaîne de valeur, avec un impact direct sur l’amélioration des conditions sociales et économiques dans les zones rurales.
Défis et opportunités pour les PME marocaines
Cependant, la généralisation de la RSE au Maroc se heurte encore à plusieurs obstacles. Les petites et moyennes entreprises (PME), qui constituent l’essentiel du tissu économique national, peinent à mettre en place des politiques de RSE en raison d’un manque de ressources et de compétences spécifiques.
Afin de pallier cette contrainte, des initiatives telles que la Charte de la RSE de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc) offrent des lignes directrices pour aider les PME à structurer leurs engagements RSE. Il est également essentiel de développer des incitations fiscales et des programmes d’accompagnement pour ces entreprises afin qu’elles puissent pleinement intégrer les principes de RSE dans leur stratégie de croissance.
Perspectives d’avenir : un cadre législatif renforcé et une internationalisation des bonnes pratiques
Pour accélérer cette dynamique, le cadre législatif autour de la RSE au Maroc se renforce progressivement. La loi-cadre 99-12 portant sur la Charte nationale de l’environnement et du développement durable impose aux entreprises de prendre en compte les aspects environnementaux dans leurs activités.
De plus, la création de la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement a contribué à sensibiliser les entreprises à l’importance de réduire leur empreinte écologique. À l’échelle internationale, les entreprises marocaines doivent se préparer à répondre aux nouvelles exigences des partenaires commerciaux, en particulier dans les secteurs exportateurs. Des certifications telles que l’ISO 26000, qui encourage les entreprises à adopter des pratiques de RSE, deviennent de plus en plus essentielles pour accéder à des marchés internationaux compétitifs.
En conclusion, le Maroc se positionne progressivement comme un acteur régional engagé dans le développement durable, grâce à une convergence des initiatives publiques et privées en matière de RSE. Toutefois, pour maximiser les impacts positifs, il est crucial d’encourager une participation plus large des PME et de renforcer le cadre réglementaire pour une transition vers une économie marocaine véritablement durable.