Transition verte en Afrique : qui sont les grands gagnants et les grands perdants ?
Selon l’OCDE, la transition vers les énergies renouvelables en Afrique pourrait se traduire par des gains économiques considérables, mais leur répartition entre les sous-régions du continent s’annonce inégale.
Pensiez-vous que la transition énergétique profiterait de la même façon à toute l’Afrique ? Détrompez-vous, certaines régions vont littéralement exploser leur PIB quand d’autres végéteront ! «Si les investissements dans les énergies renouvelables permettaient de limiter le réchauffement climatique global à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, conformément aux objectifs les plus ambitieux de l’Accord de Paris, cela entraînerait des gains économiques considérables par rapport au statu quo, avec une augmentation moyenne de 5% du PIB et de 2% de l’emploi en Afrique sur la période 2021-2050», souligne le rapport de l’OCDE intitulé «Dynamiques du développement en Afrique 2024 : Compétences, emplois et productivité».
Cependant, ces gains économiques ne seraient pas uniformément répartis entre les sous-régions africaines. Rappelons que le scénario visant à limiter le réchauffement climatique global à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, impliquerait des réductions drastiques des émissions de gaz à effet de serre, une transition rapide vers les énergies renouvelables et d’autres mesures d’atténuation du changement climatique. En revanche, le «scénario statu quo» ou «trajectoire au fil de l’eau» représente une poursuite des tendances actuelles, sans efforts supplémentaires majeurs pour réduire les émissions ou lutter contre le changement climatique.
Les sous-régions susceptibles de bénéficier le plus de la transition énergétique
Le classement par ordre décroissant des sous-régions, selon la différence projetée de PIB dans le scénario 1,5°C par rapport au statu quo, fait ressortir des écarts frappants : +15,5% pour l’Afrique centrale, +15% pour l’Afrique de l’Ouest, +5% pour l’Afrique du Nord, +10% pour l’Afrique australe, et +10% pour l’Afrique de l’Est. Le constat est que c’est l’Afrique centrale qui tirerait donc le plus grand bénéfice économique d’une trajectoire sobre en carbone, avec un bond de 15,5% de son PIB comparé au scénario inchangé. À l’inverse, l’Afrique du Nord afficherait la plus faible différence positive, soit 5%.
Ainsi, l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest apparaissent comme les sous-régions susceptibles de bénéficier le plus de la transition énergétique, avec des augmentations projetées de leur PIB de, respectivement, 15,5% et 15%. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces gains potentiellement élevés, notamment le potentiel hydraulique considérable en Afrique centrale, offrant des opportunités de développement de l’hydroélectricité à grande échelle ; les ressources éoliennes offshore prometteuses pour certains pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’un ensoleillement abondant dans la région du Sahel pour exploiter l’énergie solaire ; et le niveau de développement économique actuel relativement faible dans ces deux régions, offrant une marge de progression importante avec l’apport des énergies renouvelables.
À l’autre extrémité, l’Afrique du Nord affiche la projection de gains la plus modeste (+5% du PIB), malgré son important potentiel éolien et solaire. Cela pourrait s’expliquer par le niveau de développement économique déjà plus avancé de cette région, réduisant l’impact relatif de la transition énergétique. L’Afrique australe et l’Afrique de l’Est affichent des projections intermédiaires (+10% du PIB), reflétant leur mix de ressources renouvelables (solaire, éolien, géothermie) et leurs niveaux de développement économique actuels. Des écarts qui soulignent l’importance d’adapter les stratégies de transition énergétique aux réalités et potentiels spécifiques de chaque sous-région.
Il faut noter également que les pays côtiers comme le Maroc ou l’Égypte ont plus à perdre des impacts du changement climatique que les régions enclavées d’Afrique centrale, ce qui expliquerait en partie les moindres gains projetés d’une trajectoire sobre en carbone.
Cependant, ce classement ne reflète pas forcément les efforts actuels en énergies propres. Des pays comme le Maroc ou l’Égypte ont récemment accéléré leur transition énergétique, à la faveur d’engagements internationaux forts. Le niveau de développement économique global des sous-régions ne semble pas non plus être un facteur déterminant. L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, qui figurent en tête, ont des niveaux de revenus parmi les plus bas du continent, peut-on remarquer.
Les facteurs clés sous-tendant ces écarts
Il faut dire que la structure économique joue un rôle crucial. Les sous-régions les mieux classées comme l’Afrique centrale ont des économies très dépendantes de l’agriculture et des ressources naturelles, secteurs très vulnérables au stress climatique. Elles ont donc davantage à gagner d’une trajectoire sobre en carbone.
Par ailleurs, ces projections comportent des limites à ne pas perdre de vue, dans la mesure où elles ne prennent pas en compte certains facteurs comme le coût de la transition énergétique, les contraintes de financement ou les défis de la formation de compétences adéquates.
En définitive, une chose est sûre : la transition verte représente une formidable opportunité de création d’emplois verts et productifs pour toutes les sous-régions africaines. À condition d’adopter des stratégies énergétiques et de formation ambitieuses, et de mobiliser les investissements adéquats.
Quelques perspectives régionales potentielles
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO