Batteries électriques : la GIZ engage une mission pour structurer l’industrie

Dans un contexte mondial marqué par l’électrification des transports, le Maroc se prépare à franchir un cap stratégique. Avec l’appui de la Coopération allemande (GIZ), une mission d’étude est engagée pour poser les bases d’un écosystème des batteries électriques, à la fois compétitif, durable et ouvert sur la coopération internationale.
Le monde s’accélère sous la pression de l’urgence climatique. Partout, les gouvernements, les industriels et les citoyens cherchent à réduire leur empreinte carbone, et l’électrification des transports apparaît comme une réponse incontournable. Mais derrière chaque véhicule électrique, il y a une pièce maîtresse, souvent invisible et pourtant décisive, la batterie. C’est elle qui concentre les enjeux technologiques, environnementaux et économiques.
Et dans cette course mondiale, le Maroc entend jouer bien plus qu’un rôle d’observateur. C’est dans cette perspective que la Coopération allemande au développement (GIZ) engage au Maroc une mission d’étude stratégique. Menée en étroite collaboration avec le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable, cette mission vise à dresser un état des lieux exhaustif du secteur, analyser les opportunités et définir des scénarios de coopération afin de bâtir un écosystème marocain des batteries électriques, solide, durable et compétitif.
Un tournant industriel stratégique
Selon les chiffres avancés par la GIZ, le Royaume dépend encore à 98 % des importations de carburants fossiles pour son secteur du transport, lequel pèse lourd dans le bilan énergétique national, 30 % des émissions de CO₂ et 38 % de la consommation totale d’énergie. En développant une industrie locale des batteries, le pays vise non seulement à alléger sa facture énergétique, mais aussi à construire de nouvelles chaînes de valeur et à renforcer sa résilience économique.
Ainsi, ce projet s’inscrit dans la continuité des grandes orientations nationales, Nouveau modèle de développement, Stratégie nationale de développement durable, Stratégie bas carbone 2050, Stratégie nationale d’efficacité énergétique, qui placent la transition verte au cœur de la compétitivité du pays.
Avec ses ressources renouvelables abondantes, sa stabilité macroéconomique et son ouverture internationale, le Maroc dispose d’atouts uniques pour devenir un hub industriel et technologique de premier plan dans ce domaine.
Une mission structurante portée par la GIZ
Trois grands volets structurent l’étude qui sera lancée. Le premier consiste en un état des lieux détaillé, à travers un atelier de lancement, la mise en place d’un comité de pilotage, l’analyse documentaire et la cartographie complète des acteurs. Cette phase inclut également un benchmarking international (Union européenne, Allemagne, Chine, États-Unis) et des entretiens avec institutions, entreprises et centres de recherche marocains.
Le deuxième volet approfondit l’analyse via des études de cas sur les acteurs et sites industriels déjà présents : COBCO S.A., Jorf Lasfar, Gotion High Tech, BTR à Kénitra, Tanger… Il évalue aussi la durabilité, les normes environnementales, les technologies de pointe (LFP, NMC, recyclage, seconde vie), sans oublier un examen des modèles économiques innovants comme la location ou la réutilisation de batteries. Un diagnostic SWOT viendra éclairer les forces et faiblesses du secteur national, tout en mettant en perspective les opportunités de coopération maroco-allemande.
Enfin, le troisième volet vise à traduire ces constats en recommandations opérationnelles. Celles-ci portent sur la gouvernance industrielle, la fiscalité incitative, l’intégration des critères ESG, le déploiement d’un système de traçabilité type Battery Passport aligné sur les standards européens, ainsi que sur la définition de modèles économiques viables. Un plan de communication, des actions de renforcement de capacités et même des podcasts de sensibilisation viendront compléter ce travail.
Coopération et durabilité au cœur de la démarche
Ce projet ne se limite pas à une ambition industrielle. Il porte en lui une vision durable et inclusive, où l’innovation technologique doit aller de pair avec le respect de l’environnement, la transparence des chaînes d’approvisionnement et l’amélioration des conditions de travail. Le partenariat avec l’Allemagne, pionnier de l’ingénierie et de la réglementation des batteries, est central et permettra au Maroc de s’aligner sur les meilleures pratiques internationales et de s’intégrer pleinement aux standards européens, notamment avec le Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM) et le Battery Passport.
Au terme de cette mission, un rapport final livrera les analyses et recommandations. Mais au-delà du document, c’est une vision qui s’installe, celle d’un Maroc acteur de la révolution électrique, capable de produire, recycler et innover dans un secteur stratégique. Loin de n’être qu’un fournisseur de main-d’œuvre ou de matières premières, le Royaume aspire à se positionner dans la chaîne de valeur mondiale des batteries, en tant que partenaire fiable, compétitif et tourné vers l’avenir.
Dans un monde où la transition énergétique redessine les rapports de force, l’enjeu est considérable. Pour le Maroc, chaque batterie produite demain ne sera pas seulement un objet technologique, mais aussi le symbole d’un choix stratégique : celui de la durabilité, de l’innovation et de la souveraineté énergétique.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO