L’interview confinée de… l’artiste visuelle Imane Elmoulihi
Imane Elmoulihi.
Artiste visuelle
Comment combinez-vous collage et photographie ?
D’abord, il faut faire la distinction entre une photo et un collage. J’ai commencé avec la photographie. La photo pour moi est toujours l’élément brut qui, seul, peut faire passer un message et être interprété de différentes manières. Cependant, l’assemblage de photos et donc le collage est une continuité qui traduit mes pensées et mon imagination. Puisque la photo se limite au monde physique et matériel, je passe par la technique du collage pour faire exister une partie de moi qui est surréelle et absurde. Et pourquoi pas donner naissance à une nouvelle réalité.
Quelles sont les particularités de vos photographies ?
Mes photos se concentrent majoritairement sur un sujet. Je trouve que l’Homme est un individu qui est explorable et fortement expressif. Il y a une évolution assez importante au niveau de mes photos puisque j’ai commencé par réaliser des photos en grande partie esthétiques et éditoriales pour ensuite capturer des photos qui reflètent ma propre vision, chose qui est assez difficile à réaliser. Ensuite, j’ai eu l’idée de reproduire une scène réelle et la lier à une expression qui peut être marocaine, américaine ou française. À contrario, mes collages n’ont pas de limite. La pluralité et la diversité de mes photos et collages en font la particularité. J’aime être une artiste car je peux m’exprimer librement.
Comment est née votre passion pour la photo ?
J’ai grandi dans une famille d’artistes. Mes parents m’ont beaucoup encouragés à développer un côté artistique parce que l’art est une sorte de thérapie et c’est aussi une manière de créer un équilibre dans ma vie. Depuis mon très jeune âge, j’adorais la photo. Je me rappelle très bien des moments où je me retrouvais dans le salon, devant moi, des valises remplies de photos et souvenirs de mes parents, frères et sœurs. Regarder ces photos m’a ouvert les yeux sur le monde de la photographie. À l’âge de 14 ans, j’ai acheté ma première caméra et à mon grand étonnement, j’ai eu le sentiment d’avoir enfin trouvé un objet qui me complète.
Quand avez-vous décidé d’en faire votre métier ?
Il y a 10 mois de cela, je suis rentrée au Maroc pour retrouver ma famille et me ressourcer. C’est à ce moment là que j’ai eu le déclic de nourrir ma passion et de le prendre au sérieux. J’ai fait des collaborations, rencontré plusieurs artistes et mannequins et j’ai réalisé deux expositions à Marrakech. Tout cela est le fruit d’un travail acharné dans lequel j’ai pris beaucoup de plaisir.
Quelle est la photographie parfaite pour vous ?
Autant qu’artiste, ce mot “parfait” m’a longuement taraudé l’esprit pour enfin comprendre qu’une photo, quelle qu’elle soit, n’a pas pour but d’être parfaite mais d’être expressive.
Qu’aimez-vous prendre en photo ?
Je pars du concept de “ ce que je vois est la chose que je prends en photo”. Mon oeil est ma boussole. Je me laisse guider par mon oeil et par ce qui m’entoure. Je prends absolument tout en photo puisque je regarde partout. Au début, je prenais des photos de la nature, ensuite des portraits. Mais au fil du temps, j’ai commencé à prendre des photos de tout et de rien, surtout pour mes collages. Je donne de la valeur a tout ce que je vois et j’aime cela. Il y a des choses et des endroits qui ne sont pas forcément perçus par la société. Mon rôle d’artiste est aussi de montrer ces figures qui peuvent paraître insignifiantes ou invisibles.
Est-ce qu’il y a un travail de préparation avant la naissance d’un shooting ?
Bien évidemment. Mon processus créatif consiste à trouver l’idée, l’endroit, le timing, les accessoires et costumes. Néanmoins, je laisse place à une part de spontanéité. Même si j’ai déjà une idée en tête, je suis toujours mon instinct et globalement j’obtiens un bon résultat. Je suis assez sérieuse pendant mes shootings mais j’aime construire un lien humain entre mes modèles et moi.
Qui sont les photographes qui vous inspirent ?
La liste des photographes qui m’inspirent est bien longue. Cependant, il y a des photographes marocain(e)s et français(es) que j’admire beaucoup, comme Hassan Hajjaj, Philippine Antoine, Idries Karnachi, Azamira et Style Beldi. Ils ont tous un style décalé et incroyablement imaginatif et osé.
Comment le confinement et cette crise ont-ils affecté votre art ?
Mes photos et collages sont généralement le résultat d’un vécu. Le confinement est une expérience assez particulière car on se retrouve dans un espace assez limité où l’on doit être créatif. C’est assez paradoxal sachant que je suis une personne qui vit pour le changement et qui aime le mouvement. J’ai besoin d’être stimulée par mon environnement et les personnes qui m’entourent pour créer mes oeuvres. Vivre seule, entre quatre murs et loin de ma famille est assez difficile et pèse sur mon état psychologique. Néanmoins, j’ai appris à dépasser mes limites et à m’adapter. J’ai appris par la suite que ce besoin de créer n’est pas du tout dépendant de certains éléments. La création vibre au fond de moi et l’inspiration naît dès que j’ouvre mes yeux chaque matin. Il faut juste creuser, chercher et le faire par envie et non par obligation. Le confinement m’a certainement poussée à améliorer mes techniques de collage. Comme je le dis toujours, il faut suivre ses instincts artistiques puisque c’est ce qui rend nos oeuvres personnelles et uniques..