L’interview confinée… du chef d’orchestre Omar El Jamali
Après avoir fait de brillantes études à la prestigieuse Université de musique de Berklee à Boston, le Marocain Omar El Jamali se rapproche du pays en optant pour la ville des lumières : Paris. Il est l’un des chefs d’orchestres les plus prometteurs de sa génération. Rencontre avec un travailleur acharné, un musicien méticuleux.
Pourquoi avoir choisi Paris comme destination de carrière ?
En 2015, après avoir passé 5 ans à Berklee College Music à Boston pour étudier de la composition de musiques de films et un peu de direction d’orchestre, j’avais le choix entre aller à Los Angeles et devenir compositeur ou compositeur assistant et percer dans cette industrie là ou plutôt continuer à étudier la direction d’orchestre tout en me rapprochant du Maroc. J’ai décidé d’aller à Paris, cela semblait être la ville idéale. L’éducation musicale en France est très bonne. Je suis un peu plus proche de ma famille au Maroc, dans le même fuseau horaire surtout ! (Rires).
Comment est née votre passion pour la musique ?
Je me rappelle de mon premier concert live, c’était Hoba Hoba Spirit ! À leur tout début, à la sortie de «Bienvenue à Casa» ! Je me rappelle d’une ambiance incroyable, de la joie et de l’énergie ! Et je me souviens maintenant à quel point le groupe s’était imprégné de l’énergie du public. Plus le public chantait, criait, dansait et plus Hoba était à fond. Je pense que la passion est née de la scène. Le caractère physique de la musique surtout. J’ai fait partie de beaucoup de groupes de rock, j’ai fait beaucoup de théâtre. J’aime la scène. Cette sensation de se produire devant un public qui est incroyable ! Ce qui est assez ironique puisque aujourd’hui, en étant chef d’orchestre, je donne plutôt mon dos au public. Je fais face à la musique plutôt qu’à la foule !
Quand avez-vous décidé de devenir chef d’orchestre ?
Au lycée, avec ma coiffure à la Kurt Cobain et mon style grunge, je n’aurais jamais imaginé devenir chef d’orchestre. C’est arrivé très tard. J’avais 21 ans, c’est au cours de ma 3e année à Berklee, pour un cours de musique de films, pour un projet, on devait apporter nos compositions. À enregistrer dans leur studio à diriger nous-mêmes. Il y avait un orchestre de musique de chambre, peut-être 25 musiciens, deux ingénieurs du son, des professeurs et le film projeté sur un écran où on devait poser le son. Il y avait des micros partout ! Donc beaucoup de pression. Je me suis senti sur scène. C’était aussi le sentiment de donner vie à la musique qui n’existait avant que sur papier. La sensation de diriger plusieurs personnes dans la même direction, de jouer. C’était incroyable. Il faut avouer que je n’étais pas très bon en musique de film, ce cours a été un désastre. Un de mes professeurs m’a orienté vers la direction d’orchestre.
À quoi ressemble votre journée type ?
Parfois, je peux avoir des journées typiques mais aucune de mes journées ne se ressemble. La seule routine, ce sont mes cours et mes sessions de coaching que je prends encore au Conservatoire. Une fois toutes les deux semaines avec mon mentor Pierre Michel Durand. Même si les jours et les heures ne sont jamais les mêmes, lui-même étant chef d’orchestre. On ne sait jamais ce que nous réserve le jour d’après. Et j’ai une répétition avec mon orchestre «Musique en scène» tous les jeudis soirs. Juste avant le confinement, je préparais un concert en Russie donc c’était un échange constant de contrats, d’études de partition. C’est important de bien connaître le nouvel orchestre que l’on va diriger. C’est beaucoup de travail. Généralement j’enchaîne les répétitions. J’ai une association aussi : l’AJMADAC pour aider de jeunes chefs d’orchestres à se former par des ateliers.
À quel point le confinement a changé votre quotidien ?
À 100% ! Complètement ! Mes journées sont différentes et s’appuient sur les besoins de certains projets. Tout a changé avec l’annulation de tous ces projets.
Quelle est votre nouvelle routine ?
Au début, rien n’avait changé, on se disait que tout allait bientôt rentrer dans l’ordre. J’avais préparé pour mon orchestre «Musiques en scène» un dossier d’étude pour chaque œuvre avec des tâches hebdomadaires pour que les musiciens continuent à se préparer et à se motiver même s’il n’y avait plus de répétitions. Je préparais mon début en Russie et c’était limite une bonne nouvelle car j’avais plus de temps pour le faire bien. Avec la confirmation que ça allait durer, tout s’est arrêté. Au début j’ai commencé à prendre plaisir à m’ennuyer et à remplir mon temps de lecture et cuisine. À un moment donné, j’ai mis sur papier des projets auxquels je n’ai jamais eu le temps de réfléchir. Je replonge le nez dans des vieux cours. Je prépare aussi de futurs concerts en ne sachant pas si cela va se faire ou pas.
Quelles leçons tirer de cette crise ?
Sincèrement, je ne sais pas encore. Je n’ai pas assez de recul pour savoir comment cela va affecter le monde, le secteur de la culture ou moi personnellement. Par contre, ce que je peux observer, c’est que notre besoin pour la culture n’a jamais été aussi fortement relevé. Aller voir un concert ou aller au musée était presque chose acquise. Je n’étais pas très expos mais là je n’ai qu’une seule envie, aller découvrir des artistes dès que l’état d’urgence sera levé. Ce sont des aspects fondamentaux de la vie. Et j’apprends à organiser mieux mon quotidien. Ce confinement m’a ouvert les yeux.