Sports

Sport : un énorme gisement sous-exploité

Le potentiel du secteur du sport demeure encore sous-exploité au Maroc. De plus en plus de voix s’élèvent pour faire de cette industrie un vrai business à même de créer des emplois plus conséquents et de contribuer de manière significative au PIB. 

C’est un secret de Polichinelle. Le secteur du sport n’occupe toujours pas la place qu’il mérite au sein de la politique de développement du pays. Dans un récent avis intitulé «L’économie du sport : un gisement de croissance et d’emplois à mettre en valeur» et rendu public, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) y confirme ce constat et dresse une perception économique biaisée du sport au Maroc.

Le sport dans le royaume est encore très largement perçu comme un secteur purement social géré par des associations dont l’offre est généralement destinée aux amateurs, sans réelle perspective de développement économique, d’après le CESE. Et de souligner que cette perception influe largement sur les flux monétaires, qui sont essentiellement d’origine étatique en dehors de la consommation directe des ménages, et sur un certain nombre de dysfonctionnements structurels.

A cela s’ajoute le non-professionnalisme dans la gestion de beaucoup de clubs, ligues et fédérations qui ne rassure pas d’éventuels investisseurs privés, lesquels ne voient dans le sport au Maroc qu’une source de dépense sans perspective de retour. Les chiffres de la billetterie donnent largement raison au CESE. En effet, les recettes au guichet des équipes de la 1re Division se sont établies, pour la saison 2019-2020, à 62 millions de dirhams, constituant ainsi près de 10% du budget total de ces clubs. En comparaison avec la France, ce pourcentage reste bien en deçà du potentiel des recettes.

Des recettes à booster
En France, les 20 clubs de la Ligue 1 ont cumulé 170 millions d’euros, soit environ 1,9 milliard de dirhams de revenus sur l’ensemble de la saison 2019-2020. En termes de modèle économique, et en l’absence d’équipes résidentes dans les grands stades au Maroc, l’organisation des matchs de football se fait, notamment, par l’intermédiaire de la SONARGES, qui perçoit 15% des recettes de guichet ou un minimum de 40.000 DH, poursuit le CESE pointant du doigt également le merchandising.

Si au Maroc, certains clubs sportifs professionnels ont pris conscience de la valeur de leur image et commencent à l’exploiter eux-mêmes directement à leur profit, cette pratique, qui a lieu notamment lors des événements, dans les boutiques de clubs ou à travers une distribution commerciale, reste encore peu développée. L’exemple du club du Raja de Casablanca illustre l’importance que peuvent atteindre les recettes de merchandising lorsqu’elles sont bien gérées. Elles se sont établies pour le club à 32,6 millions de dirhams durant la saison 2019-2020, en hausse de 35% d’une saison à l’autre.

Le football demeure roi
Pourtant, tout semble indiquer que tous les ingrédients sont réunis pour faire de l’économie du sport un levier de développement dans le pays. «Depuis 2011, la Constitution donne à tous les Marocains la possibilité de pratiquer du sport. S’y ajoutent la lettre royale témoignant de la vision qui ambitionne de faire du sport un secteur porteur, et le Nouveau modèle de développement qui place le sport comme un vrai levier de développement économique», rappelle Mohamed Amine Zariat qui travaille sur le terrain du sport depuis plusieurs années.

Pour mettre en pratique la vision gouvernementale sportive, l’Ashoka Fellow et président de l’ONG Tibu Africa est convaincu qu’il faut partir de la promotion des métiers qui sont liés au sport. «Il faut qu’on ait des startups championnes dans le secteur du sport. Ce qui nécessite une sensibilisation des jeunes dès le collège», explique-t-il rappelant la nécessité de travailler sur la mobilisation des masses autour des disciplines sportives outre le football masculin qui reste la principale attraction sportive des Marocains. La preuve, la Coupe d’Afrique des nations (CAN) féminine qui se déroule actuellement dans le pays mobilise peu de monde.

Pendant ce temps, les grands stades de foot se sont révélés des centres de dépenses budgétivores, compte tenu de leurs jauges dépassant les 45.000 places chacun, avec rarement plus de 1.000 spectateurs payants. Pire encore, aujourd’hui, le nombre de personnes inscrites dans des clubs tournerait autour du million, avec un nombre de licenciés se chiffrant à 334.700 en 2020. C’est encore très peu au vu du grand potentiel du sport qui entretient des liens très «forts» avec les autres secteurs.

Dans le domaine de l’agriculture et de la pêche, les écuries, l’élevage de chevaux, les centres équestres, principalement les petites structures, les produits alimentaires pour sportifs, notamment la nutrition-sport, sont des niches dont le potentiel reste encore sous-exploité. Idem pour les industries manufacturières et le BTP ou, respectivement, la fabrication d’habillement et chaussures sportifs, et la construction de piscines, de salles de sport ou stades, demeurent encore des gisements intéressants. Le président du CESE, Ahmed Réda Chami, a appelé, récemment, à la transformation de toute stratégie nationale du sport en une politique publique opérationnelle inscrite dans une loi-cadre.

Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO



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