Football africain : la profession d’agent en quête de restructuration face aux défis mondiaux

Réunis à Rabat pour la troisième édition de leur conférence continentale, les agents de football africains entendent structurer une profession en pleine mutation. À l’heure où la FIFA renforce ses exigences, les acteurs du secteur appellent à une meilleure régulation pour protéger les joueurs et assainir un marché sous tension.
«Construisons ensemble l’avenir du football africain.» C’est l’invitation lancée par les organisateurs de la 3e Conférence africaine des agents de football (AFAC25). Après Abuja (2023) et Nairobi (2024), c’est Rabat qui, depuis lundi, prête ses décors à la grand-messe des agents de football du continent, jusqu’à mercredi.
Une profession à structurer
«À l’heure où les règles évoluent à l’échelle mondiale, il est crucial que les agents africains puissent se structurer, faire entendre leur voix et agir ensemble pour défendre leurs intérêts ainsi que ceux des joueurs qu’ils accompagnent», a souligné Michael Sondeke, président de l’Association africaine des agents de football (AFAA).
La rencontre de Rabat est l’occasion de faire le point sur les grands enjeux entourant l’exercice de la profession d’agent de joueur, dans un contexte marqué par une hyperinflation du marché et par de nombreuses failles juridiques. Les défis sont nombreux et leur portée transversale.
Pour les agents, il s’agit d’établir des règles claires afin de préserver les intérêts des joueurs et de limiter l’intervention d’intermédiaires non autorisés. Pour les joueurs, l’enjeu est de se protéger contre l’attention négative suscitée par leur valeur marchande.
Pour les clubs, il s’agit de valoriser les talents formés, tandis que, pour la FIFA, l’objectif est de rehausser les standards professionnels et éthiques de la profession d’agent.
Un processus rigoureux sous l’égide de la FIFA
Le dénominateur commun entre ces différents enjeux est l’instauration d’un cadre réglementaire capable de limiter les abus et de protéger les droits de tous les acteurs. Or, de l’avis des participants, c’est précisément sur ce point que l’Afrique accuse un retard, avec un environnement juridique encore fragile, propice à la prolifération des agents non licenciés et aux conflits d’intérêts.
La FIFA a pris le taureau par les cornes en adoptant, en décembre 2022, le Règlement national sur les agents de football (FFAR). Ce texte impose à tout représentant de joueur d’obtenir une licence FIFA, délivrée après la réussite d’un examen supervisé de bout en bout par l’instance internationale. Désormais, seuls les agents agréés par la FIFA sont autorisés à intervenir dans les transferts de joueurs.
En parallèle, la FIFA a mis en place en février 2023 un Groupe de travail des agents de football (FAWG) pour accompagner la mise en œuvre de ces nouvelles réglementations. Ce groupe a déjà tenu quatre sessions, la dernière en décembre 2024.
Une formation pour les agents de football au Maroc
Si un important travail de structuration a été réalisé au niveau international, beaucoup reste à faire localement.
«Aujourd’hui, le métier d’agent, ce n’est pas juste un examen. Il implique une transversalité des compétences et des connaissances», souligne Hicham Gabriel Guedira, CEO de la Juventus Academy Morocco.
Une allusion aux différentes dimensions du métier : au-delà de la conclusion de transferts, l’agent doit entretenir des relations avec les clubs, les familles et les sponsors, et faire preuve de solides compétences managériales.
Consciente de ces exigences, la Fédération royale marocaine de football a signé lundi une convention avec l’Université internationale de Rabat pour la création d’un cursus spécifique destiné à la formation des agents de football. Mais au-delà de la formation, un autre défi reste à relever : mettre en place des relais locaux capables d’appliquer les directives de la FIFA et de sanctionner les contrevenants.
«Il faudrait des dissuasions assez fortes pour décourager les clubs de recourir à des agents non licenciés. Aujourd’hui, lorsque des jeunes ont du talent, ils sont perçus comme des monnaies d’échange. Beaucoup de personnes mal intentionnées tentent de profiter de la situation, ce qui nuit gravement à la profession», confie Moustapha Diop, président de l’Association des agents de football du Sénégal.
Pas sûr qu’une solution miracle émerge d’ici la fin du rendez-vous de Rabat, mais la rencontre aura au moins permis d’établir un diagnostic clair des maux qui minent une profession désormais sous haute surveillance, à l’heure où le football africain attire des investissements record.
Darryl Ngomo / Les Inspirations ÉCO