Opinions

Medays de Tanger : multiplicité des crises dans un monde multipolaire

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut marocain des relations internationales)

Les Medays auxquels j’ai participés se sont déroulés à Tanger du 15 au 18 novembre 2023. Cette 15e édition avait pour thème «Multiplicité des crises dans un monde multipolaire». En effet, cette dernière décennie s’est caractérisée par de multiples crises qui ont donné lieu à un système de gouvernance mondiale très fragmenté.

Crises successives
La première crise, d’ordre sanitaire, a eu lieu à Wuhan, en Chine, sous forme d’une maladie infectieuse émergente, appelée maladie du Covid-19. Elle s’est déclenchée le 16 novembre 2019 en provoquant 697 millions de cas, et la mort, valeur aujourd’hui, de 7 millions de personnes. Le 30 janvier 2020, l’OMS proclame l’état d’urgence de santé publique, et, le 11 mars 2020, l’épidémie est déclarée pandémie. Les premières constatations est que cette maladie se transmettait par un contact physique, ce qui a entraîné la fin des attroupements, des déplacements et des voyages. Elle a donné lieu également à la fermeture des frontières, l’annulation des manifestations sportives et culturelles, et même au confinement. D’où des conséquences économiques, sociales et environnementales catastrophiques. Les scientifiques n’ont pas anticipé cette maladie, ce qui a entraîné une course contre la montre pour trouver des vaccins susceptibles d’immuniser les personnes vaccinées. Au départ, chacun travaillait pour soi, et beaucoup de pays, notamment africains, n’ont été vaccinés que tardivement. Finalement le 5 mai 2023, l’OMS a prononcé la fin de l’urgence sanitaire internationale de cette maladie infectieuse. La seconde grande crise a été la guerre en Ukraine. La Russie, considérant la Crimée comme partie intégrante de la Fédération de Russie, l’a annexé le 20 février 2014, en contradiction avec le droit international.

Depuis le renversement du président ukrainien pro-russe, Viktor Ianoukovitch, en février 2014, le Donbass est l’enjeu d’un conflit armé entre les séparatistes pro-russes – et, depuis 2022, l’armée russe – et le gouvernement ukrainien. Le 24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine dans le but de démettre le président ukrainien Zelenski. La résilience des Ukrainiens a été remarquable, aidée financièrement et militairement par les Etats-Unis et l’Europe. Les pertes sont très importantes : 5.768 morts russes et 4.619 Ukrainiens. L’Occident a, d’autre part, infligé des sanctions très importantes contre la Russie. La guerre entre la Russie et l’Ukraine est toujours en cours, la Russie ne contrôlant que 17,5% du territoire ukrainien. La troisième grande crise a concerné Gaza suite à l’offensive de Hamas le 7 octobre 2023 ayant causé la mort de 1.200 Israéliens et la prise de 240 otages. La bande de Gaza, d’une superficie de 360 km2, est gouvernée par le Mouvement Hamas depuis 2007, après sa victoire aux élections de 2016.

Dès cette date, Israël a imposé un blocus de la bande de Gaza. En réplique à l’offensive du Hamas du 7 octobre, l’armée israélienne a procédé à des bombardements intensifs ne ménageant ni les hôpitaux, ni les écoles, ni les camps de réfugiés. L’Occident a pris partie pour Israël déclarant qu’il «a le droit de se défendre», tandis que le «Sud global» s’est rangé du côté des Palestiniens. Les pertes sont énormes pour les Gazaouis : 15.000 morts dont plus de 5.000 enfants, 3.300 femmes et 30.000 blessés. Valeur aujourd’hui, la guerre est toujours en cours avec l’entrée terrestre de l’armée israélienne à Gaza. Israël refuse à ce jour tout cessez-le-feu, malgré les appels de la majorité de la communauté internationale. D’autres conflits armés se déroulent au Yémen, en Syrie, au Sahel, au Soudan ainsi que des coups d’Etat militaires qui ont concerné l’Afrique de l’Ouest.

Incertitude
On ne peut que déplorer cette situation du monde qui crée l’instabilité et un avenir incertain. Pour la pandémie du Covid-19, la leçon à tirer est l’approfondissement de la recherche pour anticiper toute nouvelle maladie infectieuse. Quant à la guerre en Ukraine, la Russie en est responsable du fait qu’elle n’a pas respecté le droit international, qui interdit toute invasion d’un pays dans ses frontières reconnues.

Pour ce qui est de la guerre à Gaza, elle est la conséquence du problème israélo-palestinien qui dure depuis 75 ans. Les Arabes et les Palestiniens n’ont jamais accepté la création par la force de l’Etat d’Israël en 1948, qui a entraîné l’exil de 750.000 réfugiés. La nouvelle guerre Gaza-Israël est la quatrième depuis la création d’Israël. Contrairement au droit international, Israël a installé des colonies en Cisjordanie sous tutelle de l’Autorité palestinienne, regroupant 500.000 Israéliens.

L’Occident est aussi responsable de cette catastrophe humaine à Gaza, car il n’a jamais pris de sanctions contre Israël, chaque fois qu’il a enfreint le droit international. Surtout, les Etats-Unis, qui ont toujours maintenu un soutien inconditionnel à Israël, notamment lors de la présidence de Donald Trump qui a encouragé la colonisation en Cisjordanie, et qui a transféré l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem qu’il a déclaré capitale de l’Etat d’Israël. En conclusion, on constate l’éclosion d’un nouvel ordre mondial que l’Occident ne domine plus. Le monde est devenu multipolaire, avec certes deux grandes puissances, les Etats-Unis et la Chine, mais également des pays émergents qui veulent avoir leur mot à dire : Brésil, Russie, Inde. Quant aux autres pays, ils ne suivent pas aveuglément l’Occident, considérant que les BRICS sont une alternative pour leur positionnement. On assiste également au multi-alignement où un même pays est membre de plusieurs coalitions.

En tout cas dans cette nouvelle gouvernance, chaque Etat défend avant tout ses propres intérêts. En définitive, il y a lieu de réformer la gouvernance mondiale, notamment l’ONU qui s’est montrée inefficace pour préserver la paix dans les zones de conflit. Il faudrait également modifier le Conseil de sécurité pour l’élargir aux pays émergents, et supprimer le droit de véto qui paralyse l’organisation.


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