Intelligence artificielle générative : un outil pédagogique, éthique et légal pour l’éducation de demain
Par Safa BAYA
Professeure-chercheuse en management à l’ISGA Rabat
L’intelligence artificielle générative (IAG) bouleverse les pratiques éducatives traditionnelles grâce à ses capacités uniques de génération de contenus sur demande. Elle peut produire des textes, des images et même des supports multimédias qui facilitent le travail des enseignants et enrichissent les apprentissages.
Cependant, son utilisation soulève des interrogations majeures sur ses implications éthiques, légales et pédagogiques. Le Guide 2024-2025 publié par le ministère de l’Éducation du Québec propose des directives claires pour adopter cette technologie de manière responsable dans le milieu éducatif, tout en maximisant ses avantages et en atténuant ses risques.
Les bénéfices pédagogiques de l’IAG
L’IAG se positionne comme un outil révolutionnaire dans le monde éducatif, offrant de multiples possibilités. En matière de différenciation pédagogique, elle permet de créer des supports adaptés aux besoins variés des élèves, incluant ceux qui rencontrent des défis d’apprentissage ou des handicaps. Cela favorise une meilleure inclusion dans les classes, rendant l’apprentissage accessible à un plus grand nombre d’élèves. Les enseignants peuvent s’appuyer sur l’IAG pour produire rapidement des supports pédagogiques : présentations, scénarios d’apprentissage interactifs ou exercices spécifiques alignés sur leurs objectifs.
En outre, grâce à des fonctionnalités comme le tutorat virtuel, l’IAG peut guider les élèves dans leur compréhension de notions complexes, en les aidant à progresser de manière autonome et interactive. Cependant, le guide insiste sur l’importance d’une utilisation planifiée et réfléchie, structurée en trois étapes : avant, pendant et après l’utilisation de l’IAG. Cela garantit que la technologie ne se substitue pas à l’expertise humaine, mais qu’elle la complète de manière pertinente.
Les enjeux éthiques liés à l’IAG
L’intégration de l’IAG dans les écoles ne peut se faire sans une réflexion éthique approfondie. Tout d’abord, l’impact environnemental de cette technologie, lié à sa consommation énergétique importante, impose une sobriété numérique. Les enseignants doivent sensibiliser leurs élèves à cet enjeu en limitant l’utilisation de l’IAG à des tâches essentielles.
En termes de qualité, l’IAG peut produire des erreurs ou des contenus biaisés en raison de ses modèles d’apprentissage. Ces «fabulations» peuvent induire en erreur, d’où la nécessité pour les enseignants de vérifier scrupuleusement les contenus générés avant de les utiliser.
Sur le plan de l’équité, l’IAG risque de renforcer des stéréotypes ou de manquer de diversité culturelle, car elle est formée sur des bases de données massives, mais parfois incomplètes ou biaisées. Il incombe aux éducateurs de corriger ces biais et d’assurer que les contenus reflètent une pluralité de perspectives.
La transparence est également essentielle : toute utilisation de l’IAG doit être explicitement signalée, avec une mention claire de l’outil utilisé et de son rôle dans le processus. Enfin, il est impératif de préserver l’autonomie professionnelle des enseignants, en veillant à ce que l’IAG soit un outil d’appoint et non une substitution.
Les exigences légales autour de l’IAG
Le cadre légal encadrant l’utilisation de l’IAG dans l’éducation vise à protéger les individus et à garantir un environnement d’apprentissage conforme aux lois. La sécurité des informations est cruciale : les données transmises à un système d’IAG ne sont souvent pas sécurisées, ce qui nécessite une vigilance accrue pour éviter la divulgation d’informations sensibles.
La protection des renseignements personnels est également un enjeu central. Toute donnée permettant d’identifier une personne, directement ou indirectement, doit faire l’objet d’un traitement conforme aux règles en vigueur. Les enseignants doivent obtenir l’autorisation nécessaire avant d’utiliser ces données dans un système d’IAG.
Enfin, les droits d’auteur doivent être respectés. Lorsqu’un contenu protégé est introduit dans un système d’IAG, l’enseignant doit s’assurer qu’il dispose des droits nécessaires. Une attention particulière doit être portée à l’utilisation des données générées, car l’IAG peut facilement reproduire ou redistribuer du contenu sans tenir compte des contraintes légales.
Former enseignants et élèves à l’ère de l’IAG
Pour intégrer efficacement l’IAG dans l’éducation, une formation adaptée est indispensable, tant pour les enseignants que pour les élèves. Les compétences numériques deviennent une dimension incontournable, incluant la capacité à évaluer les productions de l’IAG, à identifier et comprendre les biais éthiques ou les impacts environnementaux, et à respecter les obligations légales en matière de sécurité et de confidentialité.
Pour les élèves, il est également crucial de développer une intégrité intellectuelle dans l’utilisation de l’IAG. Cela passe par une compréhension claire des limites de ces outils et par la reconnaissance de leur rôle comme soutien à l’apprentissage, et non comme un substitut au travail intellectuel.
Cette approche vise à renforcer leur esprit critique et leur autonomie dans un monde de plus en plus numérique. L’IAG constitue une avancée significative pour l’éducation, mais son intégration nécessite une approche réfléchie et équilibrée. En plaçant l’humain au centre des décisions, les établissements scolaires peuvent exploiter les opportunités offertes par cette technologie tout en minimisant ses risques.
Le Guide 2024-2025 fournit un cadre précieux pour naviguer dans cet écosystème complexe, en proposant des critères précis et des pistes de réflexion adaptées aux réalités pédagogiques. Alors que les systèmes d’IAG continuent d’évoluer rapidement, il est essentiel de maintenir une posture flexible et critique. Une adoption responsable permettra d’enrichir les pratiques éducatives et de préparer les élèves aux défis de la société numérique.
L’innovation, guidée par des principes éthiques et légaux solides, devient alors un levier puissant pour construire une éducation inclusive, équitable et tournée vers l’avenir.