Opinions

Guerre en Ukraine : la menace nucléaire de Poutine

Par Jawad Kerdoudi
JAWAD KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut marocain des relations internationales)

Rappelons que, le 24 février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine. Deux ans après le déclenchement de cette guerre, l’Ukraine connaît une passe difficile, qui permet quelques avancées de l’armée russe sur la ligne de front, avec la prise des villes de Avdiivka et Lastotchkyné.

Cette situation est due au retard des livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine, notamment les munitions, les avions de chasse F16, et les chars Abrams. L’Ukraine consacre une grande partie de ses dépenses au volet militaire.

Or, la promesse d’une aide de 60 milliards de dollars de la part des États-Unis est bloquée par le Congrès américain au niveau de la Chambre des Représentants, où le parti républicain est majoritaire. À cela, s’ajoute la possible réélection de Donald Trump, en novembre 2024, qui n’est pas favorable à l’aide à l’Ukraine. C’est au vu de cette situation que le président Macron a convoqué une réunion à Paris, le 26 février 2024, qui a connu la présence de 27 Chefs d’États et de gouvernements européens, ainsi que des ministres européens, américains et canadiens.

Cette réunion avait pour but de réaffirmer le soutien des pays occidentaux à l’Ukraine face au régime de Vladimir Poutine. Les alliés de l’Ukraine ont déclaré ne pas vouloir laisser tomber l’Ukraine, et ont réitéré leur détermination à empêcher la victoire de la Russie.

En effet, ils craignent, en cas de défaite de l’Ukraine, que les russes attaquent d’autres pays de l’ex-URSS, notamment la Moldavie et les pays Baltes. Ils ont noté un durcissement du régime russe, notamment après la mort suspecte de l’opposant à Poutine, Alexeï Navalny, et la montée en puissance de l’industrie militaire en Russie. Les participants à ce sommet ont étudié la possibilité de doter l’Ukraine de missiles et de bombes capables d’exécuter des frappes en profondeur, à moyenne et longue portée. Ils ont admis de manière unanime que la défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et à la stabilité de l’Europe.

Le président Macron, qui a toujours prôné la nécessité d’une défense européenne propre, a demandé à ses homologues de produire plus d’armements, surtout qu’en cas de réélection de Donald Trump, l’Europe ne pourra pas compter sur les États-Unis en cas d’attaque russe.

Mais la phrase la plus importante du président Macron, en réponse à une question de la salle, a été «qu’il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer d’une manière officielle, assumée et endossée, des troupes au sol en Ukraine. Mais, en dynamique, rien ne doit être exclu».

En effet, jusqu’à maintenant, les pays occidentaux ont envoyé des armes à l’Ukraine, mais pas de soldats au sol pour combattre l’armée russe. Dès le lendemain, Jean-Luc Melanchon (de la France insoumise) a déclaré «qu’une guerre contre la Russie serait une folie». Quant à Olivier Faure, premier secrétaire du parti socialiste, il s’est dit «inquiet de la légèreté présidentielle». Le premier ministre slovaque a déclaré de son côté que «la présence de soldats de l’OTAN en Ukraine conduirait à une énorme escalade de la tension».

De plus, une conversation entre deux officiers allemands, qui a fuité en Russie, concerne la livraison à l’Ukraine de missiles de longue portée Taurus, en vue de détruire le pont de Kertch séparant l’Ukraine et la Crimée. D’autres responsables européens ont indiqué leur refus d’envoyer des soldats pour combattre en Ukraine, dont l’Allemagne, la Grèce, la Pologne, le Royaume-Uni, la Suède, la Tchéquie, ainsi que le Secrétaire général de l’OTAN.

Lors du discours annuel à la Nation, le 29 février 2024, le président Poutine a déclaré que «l’entrée de troupes occidentales en Ukraine n’est absolument pas dans l’intérêt de ces pays». Il a ajouté qu’«en cas d’escalade du conflit en Ukraine, nous avons, nous aussi, des armes capables d’atteindre les territoires des pays occidentaux. Tout ce qu’ils inventent en ce moment est une menace réelle de conflit avec utilisation de l’arme nucléaire, et donc de destruction de la civilisation». Les États-Unis ont, de leur côté, indiqué que ce n’est pas la première fois que nous assistons à une rhétorique irresponsable de la part du président russe. Ce n’est pas une façon de parler pour le dirigeant d’un État doté de l’arme nucléaire.

Pour rappel, trois jours avant l’invasion de l’Ukraine, le président russe avait annoncé avoir mis les forces de dissuasion de l’armée en régime spécial d’alerte au combat. Paris et Washington ont qualifié les propos de Poutine d’irresponsables, indiquant que la Russie joue à l’escalade, et qu’il n’y a pas de menaces de la part de l’Occident qui pèserait sur la Fédération de Russie.

En conclusion, le monde vit actuellement une ambigüité stratégique, qui peut être très dangereuse. Nul ne peut prévoir la réaction de la Russie en cas d’entrée en guerre de soldats de l’OTAN en Ukraine. Pour le moment, les États-Unis déclarent n’avoir reçu aucun signe que la Russie se prépare à utiliser une arme nucléaire.

Pour éviter une telle éventualité, susceptible d’aboutir à la destruction de la planète, il serait plus sage pour l’Occident, tout en envoyant le maximum d’armes à l’Ukraine, de s’abstenir d’y acheminer des troupes au sol. Le seul moyen d’amener Poutine à la table de négociations serait la victoire totale de l’Ukraine.


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