Entreprise de demain : quand les robots “bossent” et que les humains philosophent
Par Mabrouk Hiba
Professeure de lettres et de philosophie Fondatrice et CEO de MindBridge-Edtech
Tu débarques au bureau, ton café te sourit (enfin, façon de parler… ou pas ! Je n’ai plus aucune certitude) et c’est un robot qui te le sert. Tu t’assois, et devine quoi ? Ton agenda est vidé de toutes ces réunions interminables grâce à des IA prédictives qui anticipent tes besoins et ceux de ton entreprise. J’exagère un peu mais… le travail pénible, c’est quand même du passé, merci l’ASI (la superintelligence artificielle) ! Mais qu’est-ce qui reste à faire pour les humains ?
Bonne question. Peut-être est-il temps pour nous de devenir les grands penseurs de l’entreprise, on pourrait même sauver la planète au lieu de l’exploiter de manière inconsidérée !
Quand les tâches ingrates disparaissent… et nous avec !
Les outils d’intelligence artificielle feront désormais tout ce que l’humain a toujours voulu éviter : tâches répétitives, traitements administratifs, calculs fastidieux… Ah, oui ! J’oubliais… les deux lauréats du Prix Nobel de physique 2024, Geoffrey Hinton et John Hopfield, qui ont révolutionné l’IA grâce à leurs découvertes sur les réseaux de neurones artificiels. Ça promet ! Ce n’est donc pas que les tâches ingrates soient voués à disparaître, ce sera même notre rôle actuel lui même au sein de l’entreprise traditionnelle qui vacillera.
Notre cerveau, autrefois notre atout unique face au monde, est maintenant en passe de devenir le sous-traitant des objets connectés autour de nous, qui, grâce au biomimétisme, semblent bien partis pour remporter le concours de l’intelligence ! Bref, on part du principe que tout va bien se passer pour éviter les dépressions nerveuses en tout genre ; les avancées technologiques libèrent du temps, un besoin d’ailleurs fondamental pour beaucoup d’employés, aujourd’hui submergés par le travail et même atteints de «l’épidémie du burn-out» qui d’après certains chiffres, touche 42% des salariés. Donc, libérer du temps, soit ! Mais pour faire quoi exactement ? Se recentrer sur la créativité ? Oui, mais encore… Le défi de l’entreprise du futur semble ne plus se cantonner à maximiser l’efficacité, mais à donner aux individus de vraies missions à sens. Pas évident quand l’humanité se comporte comme un groupe sans GPS, chacun partant dans sa propre direction sans jamais se mettre d’accord sur la destination !
Posséder ou ne plus posséder ? Telle est la question
Dans ce nouveau monde d’abondance technologique, à quoi bon posséder quoi que ce soit ? Si l’entreprise devient une immense coopérative en open source où les ressources sont partagées et où la réussite de l’un profite à tous, est-il encore nécessaire d’accumuler ? En théorie, cela semble l’apothéose de la collaboration humaine, presque comme l’harmonie de Leibniz, où tout est optimisé pour le meilleur des mondes possibles. Mais en réalité, la course aux ressources reste un comportement ancré dans nos esprits. Prenons l’exemple de Hobbes et son concept de l’état de nature : sans régulation, les humains sont condamnés à une lutte incessante pour les ressources, dominée par la méfiance et l’avidité.
Dans ce contexte, même si la technologie promet à terme un partage équitable, notre tendance naturelle à la compétition refait surface. Alors, la question persiste : ce modèle d’entreprise ultra-collaboratif est-il vraiment une utopie à notre portée, ou juste une nouvelle version de la fameuse lutte hobbesienne, avec des serveurs et des robots en guise de Leviathan ?
Quand l’argent ne suffit plus
Lorsque l’IA sera omniprésente, l’appât du gain perdra son pouvoir de motivation. Pourquoi ? Parce que l’humain n’aura plus besoin de se battre pour maximiser sa productivité ou son efficacité — nous serons stratégiquement sur un pied d’égalité étant donné que tout le monde aura accès à des outils ultra-puissants, capables d’analyser des données, de prendre des décisions optimisées et même de prédire les tendances.
Dans ce contexte, l’exclusivité des connaissances ou des compétences techniques perdra de sa valeur. Les barrières traditionnelles seront levées, rendant presque tout à portée de main de chacun, quels que soient son statut ou ses ressources.
L’innovation ne sera plus le privilège de quelques-uns, et la véritable différence viendra de l’inventivité, de la capacité à collaborer et à apporter des solutions uniques à des défis complexes. La reconnaissance, le sentiment d’appartenance à un projet commun, l’empathie ou encore la contribution à un monde meilleur deviendraient les nouveaux moteurs de l’engagement. Après tout, sauver la planète ou participer à une aventure spatiale, c’est quand même plus excitant que de courir après une prime ! Résultat : l’appât du gain seul ne suffira plus à motiver, transformant ainsi la compétition en quête de sens et d’impact global.
L’entreprise : vers une nouvelle ère
Dans un monde où la technologie gère la majorité des responsabilités, l’appartenance à un projet qui dépasse l’individu pourrait être un leitmotiv puissant. En d’autres termes, une fois que l’argent ne sera plus la seule finalité, la motivation se déplacera vers la contribution à des causes plus larges, comme perpétuer la race humaine ou explorer de nouvelles frontières technologiques et spatiales.
Au lieu de se contenter de maximiser les profits, et face aux défis environnementaux et sociétaux, l’entreprise de demain pourrait devenir un acteur majeur du changement. En s’unissant autour d’objectifs communs, comme la préservation de notre écosystème ou l’exploration de nouvelles frontières, elle redonne du sens à son existence. Et qui sait, peut-être que la prochaine grande révolution viendra d’une startup ayant décidé de déployer des influenceurs à travers l’espace, qu’on pourra «follower» en temps réel. Pourquoi se limiter à un modèle économique terrestre quand on peut conquérir l’univers ? Le futur appartient à ceux qui osent rêver grand ou même être un peu délirant ! #ElonMusk
Fini donc les guerres pour les primes ou les bonus de fin d’année, on entre dans une nouvelle ère ! Entre deux webinaires sur l’avenir de l’humanité (ou sur comment synchroniser ton agenda avec celui de l’IA du bureau), il va falloir trouver d’autres moteurs. Pourquoi ne pas imaginer que la reconnaissance devienne le Graal moderne ? Ou encore mieux, l’appartenance à un projet cosmique, un peu comme un concours où le gagnant voit son nom gravé sur une fusée prête à explorer la prochaine planète en zone habitable ? Adieu la course aux actions, bienvenue à la quête pour le titre de «meilleur contributeur interstellaire». Je m’égare peut être mais c’est une motivation comme une autre !
Innovation sans frontières et concurrence sans propriété
Et si la concurrence ne reposait plus sur la propriété exclusive et les chiffres absurdes, mais sur l’innovation et le bien-être collectif ? Dans un monde où les idées sont partagées et améliorées collectivement, «les entreprises-sapiens-sapiens» véhiculent leurs idées et chacun peut apporter sa pierre à l’édifice tout en se surpassant. Cela nécessite une révision complète de nos modèles économiques, mais bon, si on est prêt à coloniser Mars, cela me semble réalisable et le jeu en vaut peut-être la chandelle (éco-responsable, bien entendu !)
L’entreprise de demain est bien plus qu’une simple machine à profit. C’est un lieu où l’humain se redécouvre, se performe, se parachève en tant qu’être en phase avec son monde. Un environnement où l’on sauve des arbres, on lance des fusées et, entre deux projets fous, on trouve encore le temps de savourer un bon petit encas healthy servi par un robot. Alors, tu viens ? Parce que comme disait un grand philosophe (moi-même) : «L’avenir appartient à ceux qui ne se contentent plus de l’ordinaire».