Edito. Fiscalité prédictive
L’ère où l’on faisait la queue devant les centres d’impôts va bientôt appartenir à l’histoire. Ce n’est pas seulement une modernisation logistique, c’est un véritable changement de paradigme que subit actuellement la DGI.
En moins d’une décennie, l’administration fiscale est devenue l’une des plus digitalisées du secteur public. Mais ce qui se joue aujourd’hui va bien au-delà du confort des télé-déclarations. Le vrai tournant, c’est la montée en puissance d’une cellule jusque là méconnue mais redoutablement efficace, celle des data scientists du fisc.
Ce sont des profils hybrides, à mi-chemin entre l’informaticien et l’analyste stratégique, qui vont faire passer la DGI dans l’ère de la fiscalité prédictive. Il ne s’agira, en effet, plus uniquement de simples contrôles a posteriori, mais d’une capacité à anticiper les comportements et à détecter les anomalies avant même qu’elles ne deviennent des infractions. De quoi accroître l’efficacité dans la lutte contre la fraude, mais aussi confirmer le changement de posture vis-à-vis du contribuable. Plus proche de ses assujettis, l’administration des Impôts, désormais, observe, relie, cible, relance et contrôle.
Le chantier de la facturation électronique, les croisements avec les bases de données des douanes, de la Conservation foncière, ou encore les ambitions affichées pour la fiscalisation du numérique indiquent, d’ailleurs, une volonté d’étendre le périmètre de contrôle à des zones jusque-là mal couvertes, voire ignorées.
Ce virage technologique est de bon augure. Il ouvre la voie à la rationalisation des ressources, à la fiabilisation de l’information et, à terme, au renforcement de la justice fiscale. Il suppose, toutefois, un devoir de vigilance accrue. Car qui dit traitement de masse, dit risque d’automatisme. Et qui dit ciblage algorithmique, dit bugs potentiels.
La technologie ne suffira, évidemment, pas. Elle doit être accompagnée de pédagogie, de transparence, et, surtout, d’un climat de confiance avec les contribuables. L’enjeu n’est plus seulement de collecter, il faut, dorénavant, aussi convaincre.
Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO
