Opinions

Cryptomonnaies : un tigre virtuel qui mord !

Par Tazi Hind
Avocate – Docteur en Droit

Àl’ère de la virtualité, la cryptomonnaie (ou monnaie virtuelle) est considérée comme une conséquence normale de la globalisation des échanges. Elle vient heurter la conception traditionnelle de la monnaie, commercialisée selon un système reconnu comme d’intérêt général. Quand bien même le parallèle est intéressant, s’agissant d’une alternative monétaire virtuelle, nul ne saurait ignorer qu’elle ne répond pas aux critères reconnus dans les systèmes d’échanges. Elle n’est ni sûre ni assurée ! D’autant plus que la virtualité y afférente véhicule des valeurs qui ne correspondent pas aux références légales et officielles sur le marché de l’échange. La théorie du capital fictif de Karl Marx, qui semblait être désuète, retrouve avec la cryptomonnaie toute son ampleur. Elle n’a pas besoin d’un capital de départ, et c’est l’usage qui lui attribue la valeur d’échange sur une base complètement superficielle, voire même inexistante. Malgré cet aspect abstrait et immatériel, la cryptomonnaie a connu un vrai essor grâce à deux facteurs décisifs, à savoir la promesse d’obtenir des profits, et SURTOUT la non-réglementation.

État des lieux au Maroc
L’échange de la cryptomonnaie connait son heure de gloire au Maroc depuis une dizaine d’années, ce qui lui a valu une position très avancée dans le ranking mondial des consommateurs de ce produit, et en termes de volume d’échange. Néanmoins toute gloire cache une face obscure, qui a très sérieusement alarmé et les juristes et les financiers. Si le dicton chinois «ce n’est qu’un tigre en papier» résumait très bien l’idée de menace peu pesante, ce raisonnement est désormais obsolète, puisque les conséquences se feront sentir ! La cryptomonnaie est devenu une réalité fuyant à toute emprise légale, dans un environnement virtuel opaque, propice à tous les excès. Les scandales ayant éclaté un peu partout dans le monde, USA, Égypte, Canada… , n’ont fait que confirmer cette angoisse. Tout se passe dans un espace immatériel, selon des principes abstraits. Et dans le secret ! Le droit, peut difficilement inventer des règles techniques aussi complexe que le blockchain, qui a été justement créé pour se soustraire à tous les contrôles et règles de toutes sortes. Il s’avère actuellement que la problématique est beaucoup plus complexe ! La ministre des Finance avait très bien exprimé, dans son allocution du 10 janvier 2022, l’urgence de créer – obligatoirement et très spécialement – un cadre légal pour l’échange de ces monnaies. À partir de ce constat, comment peut-on légiférer en la matière ? S’agissant d’une création purement virtuelle, les règles juridiques ne peuvent être conçues qu’au vu de cette virtualité, et doivent être créées pour l’opération en soi, non pas pour ceux qui la réalisent, contrairement aux règles classiques du droit, puisque l’anonymat est garanti par le système informatique. D’autant plus que l’échange de la cryptomonnaie ne repose pas sur une valeur d’investissement réel, mais uniquement sur un espoir de revente avec plus-value, en dehors de toute réalité économique.

Comment sanctionner l’espoir ?
Un autre problème se pose au niveau de la définition du champ juridique concerné. D’où le plus grand obstacle ! Est-ce que les dépassements sont d’ordre civil ou pénal, ou tous les deux ? Prenons par exemple le «mining» ou minage  portant sur des médiations sur la monnaie virtuelle. S’agit-il d’un délit de contrebande virtuelle ou d’une simple médiation moyennant une contrepartie accordée peer to peer ? Ou plutôt d’un délit de change, si l’on considère que beaucoup de plateformes sont étrangères ? Quel régime fiscal appliquer ? Selon quelles règles de droit définir les aspects principaux du délit, ou crime, et comment le juger ? Quelques arrêts de la cour d’appel, et principalement deux de la cour de cassation, ont accentué le sentiment d’égarement du législateur marocain face à ce fléau indomptable. Sur les deux arrêts, la cour a considéré un aspect criminel différent l’un de l’autre. Ces contradictions prouvent que jusqu’à présent la monnaie virtuelle demeure fuyante à toute répression. À mon humble avis, il faudra sortir de l’impasse en imaginant un montage légal, plus qu’une loi précise, qui commencerait premièrement par une codification de l’arsenal juridique financier et monétaire, et qui servirait de base à la création d’une législation propice à la régulation de l’échange de la cryptomonnaie au Maroc. Ne l’oublions pas, ce tigre, bien que virtuel, sait mordre !


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