Opinions

Bilan de la Cour des comptes pour 2019 et 2020. 287 arrêtés et jugements, 665 missions de contrôle

Par Abdeslam Seddiki
Économiste et ex-ministre de l’Emploi et des affaires sociales

Le rapport annuel de la Cour des comptes vient d’être publié, conformément aux dispositions constitutionnelles. Une nouveauté cependant à retenir: il porte sur les années 2019 et 2020 et ce, pour une raison qu’on devine aisément. Le confinement instauré en mars 2020 et les mesures restrictives au déplacement, mises en œuvre tout au long de cette période, ont imposé aux juges de la Cour l’ajournement de la publication du rapport relatif à l’année 2019.

Une version biannuelle est donc désormais disponible dans ses deux versions, à savoir une synthèse de 132 pages et un document exhaustif de 533 pages, en arabe. Conformément aux missions de la Cour des comptes, telles que définies par la loi 62-99 formant Code des juridictions financières, ledit rapport est structuré autour des points suivants : vérification et jugement des comptes, discipline budgétaire et financière (DBF), contrôle de la gestion, audit des comptes des partis politiques et contrôle de la déclaration obligatoire de patrimoine.

Pour ce qui est de la discipline budgétaire et financière, une fois que la Cour relève des infractions graves, la procédure judiciaire est enclenchée, aboutissant à des sanctions ou à des mesures disciplinaires. Ainsi, les juridictions financières ont prononcé 287 arrêts et jugements, variant de la condamnation à l’amende, pour un montant global de 5.228.700,00 DH, au titre des deux années considérées.

Ces arrêts ont comporté, également, dans certains cas, des condamnations pécuniaires consistant en le remboursement d’un montant de 1.338.237,05 DH, destiné à couvrir les pertes subies, du fait des irrégularités commises, par les organismes concernés. «S’agissant des infractions répréhensibles en matière de DBF, la très grande majorité des faits et griefs, objet des affaires en cours ou jugées, au titre des années 2019 et 2020, correspondent à des irrégularités liées à la méconnaissance de la réglementation des marchés publics ainsi qu’au non-respect des règles d’exécution des recettes et des dépenses publiques.

Il s’agit, notamment, des normes relatives à l’établissement et au recouvrement des taxes communales, du recours aux marchés de régularisation (réception de travaux ou services préalables au visa des marchés), de la non application des pénalités de retard, de la modification des spécifications techniques en cours d’exécution, en méconnaissance des procédures légales, ainsi que de la fausse certification de réception des travaux ou prestations». (p.15) Au demeurant, étant donné que les faits susceptibles de poursuites devant les juridictions financières peuvent également être qualifiés de crimes financiers, l’article 111 du Code des juridictions financières dispose que «les poursuites devant les juridictions financières ne font pas obstacle à l’exercice de l’action pénale».

Dans ce cadre, au cours des années 2019 et 2020, le Parquet général près la Cour des comptes a été saisi de 28 dossiers au sujet de faits susceptibles d’aboutir à des sanctions pénales, dont vingt émanant des Procureurs du Roi près les Cours régionales des comptes. Après quoi, le parquet général près la Cour a saisi le procureur général du Roi près la Cour de cassation, en sa qualité de président du ministère public, de 22 affaires en vue de prendre les mesures qu’il juge appropriées.

Toutefois, au cours de la même période, et à défaut de charges suffisantes à l’encontre de certaines personnes, le procureur général du Roi près la Cour a pris six décisions de non-lieu. (p.19) Au niveau du contrôle de la gestion, y compris l’évaluation des projets et des programmes et l’emploi des fonds publics, la synthèse globale élaborée par la CDC comprend 34 synthèses thématiques élaborées à partir de 665 missions réalisées par les juridictions financières, dont 558 par les Cours régionales des comptes.

Lesdites synthèses ont été classées selon une approche sectorielle couvrant les secteurs financiers et administratifs, l’équipement et l’habitat, les secteurs productifs, l’éducation, la formation et le sport, la santé et l’action sociale ainsi que les sujets en relation avec la gouvernance territoriale et la gestion des services, des projets et des équipements publics communaux. Ces synthèses ont pris en considération les réponses des organismes publics concernés.

Sur chacun de ces aspects, la méthodologie suivie par les juges de la Cour est la même : un diagnostic pointu, suivi d’une évaluation, en distinguant les points forts et les faiblesses ou dysfonctionnements, puis en émettant des recommandations en vue d’améliorer la gouvernance et les performances du secteur.

C’est dire, en définitive, que l’objectif de la Cour des comptes n’est pas seulement de sanctionner mais plutôt de veiller à l’amélioration de la gestion et de responsabiliser davantage ceux qui ont la charge de diriger tel ou tel secteur. D’ailleurs, il est important de souligner que les recommandations émises par la Cour ne restent pas lettre morte, ce qui constitue un facteur de motivation.

Ainsi, en 2016 et 2017, sur un total de 751 recommandations, 78% sont déjà réalisées ou en cours. Quant à celles émanant des Cours régionales, et qui sont au nombre de 2.428 durant la même période, 85% d’entre elles ont été mises en œuvre contre 15 qui n’ont pas encore abouti. Reste à savoir, cependant, le niveau de pertinence des recommandations non appliquées afin de procéder à une appréciation plus qualitative que quantitative.

Il se pourrait bien que les 15 à 20% des recommandations non appliquées soient plus importantes que les 80% réalisées! Bien sûr, il est difficile de résumer en quelques lignes un rapport d’une telle richesse et d’une telle densité, que tous les responsables concernés, à différents niveaux, doivent prendre au sérieux pour agir et agir vite.

Systèmes de retraite au bord de la faillite, projets en difficulté et non achevés, qui dilapident des fonds publics et privent le pays des dividendes escomptés, gouvernance territoriale souffrant de dysfonctionnements divers, système de gestion basé sur les moyens et non sur les résultats… des exemples parmi tant d’autres analysés dans le rapport de la Cour des comptes, et qui montrent l’ampleur et l’urgence des problèmes identifiés.

Sur tous ces sujets, on mesure le chemin à parcourir pour parvenir à une gestion saine de nos ressources limitées et à une utilisation rationnelle de nos modestes moyens.. Bref, on doit désormais faire mieux et plus vite !


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