Agriculture : le secteur bio dans la politique “Génération Green”
Slim Kabbaj
Entrepreneur bio
D’après bon nombre d’institutions spécialisées internationales, la production alimentaire serait responsable de plus de 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Le secteur de l’agriculture (agriculture et élevage) est en effet en interaction continue avec l’environnement et influence la variabilité du climat, il constitue aujourd’hui un des thèmes essentiels du débat sur la préservation de la nature et de la lutte contre le changement climatique.
De plus en plus d’opérateurs commencent à être conscients que les méthodes conventionnelles de production agricole et d’élevage, dominantes, basées essentiellement sur la productivité et le rendement, et l’utilisation intensive des produits chimiques, présentent des limites critiques sur le plan environnemental : sol, air, eau et biodiversité.
De plus, les émissions totales de gaz à effet de serre (CO2) provenant de l’agriculture et de l’élevage augmentent significativement et les chiffres des experts prévoient des effets conséquents sur le changement climatique, dès 2030.
Dans le sol, les produits chimiques provoquent un appauvrissement continu de la terre et ne se dégradent que très lentement. Les pertes de terre, arable, peuvent atteindre des dizaines de tonnes/ha par an. Les vers de terre et autres micro-organismes qui jouent un rôle essentiel dans les couches de surface disparaissent, au fur et à mesure des traitements.
De plus, si les sols sont mal gérés ou cultivés selon des pratiques non durables, le carbone présent dans le sol est libéré dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone, à travers la minéralisation de la matière organique dans le sol. Ainsi, le sol, qui représente un puits de carbone efficace, peut dégager, lors des labours intensifs, des centaines de tonnes/ha de gaz à effet de serre, appauvrissant la fertilité du sol et le taux d’humus.
N’oublions pas également les conversions croissantes des prairies et forêts en terres cultivées et en pâturages. Il faut savoir ainsi qu’un sol privé de matière organique est un désert.
Selon certaines études scientifiques, dans les régions fortement traitées, il arrive que 90 % des eaux superficielles et 60 % des eaux souterraines soient contaminées de résidus de pesticides. Au-delà de la destruction des écosystèmes, cette contamination chimique par des familles multiples d’herbicides, d’insecticides, de fongicides, se retrouve dans les océans et les rivières, perturbant la vie des poissons et du plancton.
Sur le plan de la biodiversité, les évolutions sont alarmantes sur la faune et sur la flore, que ce soit au niveau des insectes et des animaux, ou des variétés de semences qui font la richesse alimentaire et permettent d’obtenir les volumes nécessaires pour nourrir les populations et les bétails, sans parler de la souveraineté alimentaire.
Enfin, l’élevage en plein air sur des prairies permanentes, comme c’est souvent le cas dans le bio, a le bénéfice de fixer le carbone et de compenser les émissions de méthane des animaux. Les atouts environnementaux du bio sont donc multiples, pour les sols, l’eau, l’air et la biodiversité.
Les avantages viennent clairement des techniques et des méthodes agricoles en usage dans cette filière: rotation des cultures, cultures intercalaires, associations symbiotiques, engrais biologiques variés et labour superficiel des terres. Il en résulte une diminution des pertes de substances nutritives et une moindre exposition aux facteurs d’érosion.
De plus, l’utilisation de compost, de fumier et d’engrais vert réduit les risques de pollution. La fertilité améliorée du sol, notamment grâce à la culture des plantes légumineuses, conduit à une stabilisation de la matière organique, une meilleure séquestration du dioxyde de carbone et aussi à une meilleure capacité de rétention d’eau, ce qui est particulièrement important dans les pays les plus vulnérables aux défis du climat, comme au Maroc.
Sans oublier que l’utilisation conseillée en bio de semences locales génère plus de résistance aux maladies et moins de sensibilité aux chocs climatiques. Il reste à mettre à exécution dans notre pays des plans de développement public–privé d’envergure et des programmes d’action concrets afin d’atténuer l’impact de notre agriculture et élevage sur l’environnement, et entrer de plain-pied dans le développement durable au niveau de nos territoires.
Il est maintenant temps d’engager le plan «Génération Green» avec volontarisme dans sa dimension bio, qui représenterait le couronnement des efforts des décideurs publics et des opérateurs privés depuis des années, et qui impliquerait les agriculteurs, éleveurs, transformateurs, restaurateurs, distributeurs, exportateurs et enfin les consommateurs, bien sûr. Une grande ambition pour le Royaume, et une évidence aujourd’hui!