Maroc

Vers une abolition «progressive» de la peine de mort

Le projet du Code pénal, actuellement en débat au Parlement, prévoit en effet de réduire les délits passibles de la peine de mort en passant de 31 crimes à quelques crimes notamment les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.

«Nous avons entrepris la réforme et la refonte des principaux textes de loi, à savoir le Code pénal, le Code de la procédure pénale, entre autres. La réforme de ces deux codes se base essentiellement sur l’harmonisation de notre législation pénale avec les conventions et traités internationaux en matière des droits de l’Homme». Lors de sa participation au Forum mondial des ministres de la Justice, tenu à Rome, Mohamed Aujjar a déclaré vouloir faire de ces chantiers ces prochains domaines d’intervention prioritaires. Deux dossiers qui ont longtemps stagné depuis 2015 et la présentation de l’avant-projet de loi polémique de Mustapha Ramid. Mais tant que le débat sociétal autour des minorités religieuses et sexuelles n’a pas encore été tranché, un semblant de consensus apparaît au gouvernement autour de la question de la peine de mort. «Compte tenu de l’importance de la question de la peine de mort aux niveaux national et international et de la forte corrélation entre cette peine et le droit à la vie, qui constitue le fondement et le droit suprême des droits de l’Homme, ainsi que la clé pour en jouir, le Maroc est dans une dynamique d’abolition graduelle de la peine de mort», continue-t-il. Le projet du Code pénal, actuellement en débat au Parlement, prévoit en effet de réduire les crimes passibles de la peine de mort en passant de 31 crimes à quelques crimes notamment le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Le nombre est ainsi limité aux crimes les plus graves.

La peine du coauteur du crime passible de la peine de mort est également commuée en peine de réclusion à perpétuité. Quant au Code de justice militaire, le nombre de crimes passibles de la peine de mort est réduit des deux tiers. En parallèle, depuis août 1993, les décisions judiciaires rendues par les différentes juridictions du royaume prononçant la peine capitale n’ont pas été appliquées, et leur nombre n’a pas dépassé les 95 cas jusqu’à nos jours. Aussi et pour entourer le prononcé de la peine de mort de toutes les garanties pour l’accusé, le projet de Code de la procédure pénale prévoit qu’un jugement de peine de mort ne peut être prononcé qu’à l’unanimité des membres de la formation de jugement, en établissant un procès-verbal des délibérations faisant mention à l’unanimité des juges et signé par tous les membres de la formation. Cette tendance s’est reflétée sur le nombre de condamnations à mort au cours des dernières années qui a diminué, alors que certaines ont fait l’objet d’un recours en appel ou en cassation.

L’amnistie a également contribué à la commutation de plusieurs condamnations à mort en peines perpétuelles ou spécifiques. Néanmoins, la peine capitale continue à être prononcée même si les condamnations qui la comportent -qui atteignent rarement les 2% du total des condamnations pénales annuelles- n’ont jamais été exécutées depuis 1993 […]. «Un système pervers, parce que si la loi pénale tarde encore à consacrer les avancées enregistrées dans les faits, c’est la culture de l’irresponsabilité qui risque de se propager. La non-application de la peine de mort peut libérer la conscience du législateur et celle du juge. L’un peut être amené à ne pas en faire sa priorité, tandis que l’autre peut n’avoir aucun scrupule à la prononcer», explique le professeur Mohieddine Amzazi dans son essai sur le système pénal marocain.

Les démons de la loi de 2003…
Le Code de procédure pénale est également en voie d’amendement. La société civile, ainsi que le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) exhortent le législateur à fonder la «révision de la législation pénale sur une vision intégrée de la politique pénale». Cette vision doit, prendre en compte l’évolution de la criminalité, les avancées scientifiques et juridiques en matière d’investigation, de l’établissement des preuves et des peines alternatives. La nouvelle vision, dont les prémices, peuvent être identifiées dans les recommandations de la Charte de la réforme du système judiciaire, doit être basée sur l’approche droits de l’Homme, la prééminence de la logique préventive, la mise en œuvre des garanties constitutionnelles en matière de droits de justiciable et l’harmonisation de notre législation avec les conventions internationales que notre pays a ratifiées ou auxquelles il a adhéré. Dans ce sens, le conseil estime que l’introduction de l’avant-projet par une note de présentation peut non seulement rendre la future loi plus intelligible, mais également servir comme document de référence pour la nouvelle vision pénale souhaitée et largement partagée par les parties prenantes de notre système judiciaire.Le CNDH a estimé, dans sa communication écrite adressée au comité contre la torture, et à l’occasion de l’examen du 4e rapport périodique du Maroc, que les dispositions de l’article 66 du Code de procédure pénale (qui permettent l’accès à un avocat en cas de prolongation de la durée de garde à vue) constituent une interprétation limitative des dispositions du 3e paragraphe de l’article 23 de la Constitution.

À cet effet, le conseil a recommandé la révision de l’article 66, notamment son 8e paragraphe afin de permettre à toute personne placée en garde à vue de bénéficier immédiatement de l’assistance d’un avocat dès son placement. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a estimé, par ailleurs, que «la loi antiterroriste, adoptée à la suite des attentats de 2003 de Casablanca, qui est toujours en vigueur, est le cadre légal de nombreuses violations des droits de l’Homme. Cette loi doit être modifiée pour rendre les incriminations plus précises, réduire les délais de garde à vue et instituer une procédure qui garantit un procès équitable».


Lutte contre les inégalités, l’autre dossier chaud…

La modification du Code pénal ne concernera pas seulement la peine de mort. Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) presse le gouvernement à amender les dispositions «inégalitaires». En vertu de l’article 453 du Code pénal, l’avortement n’est autorisé que «lorsqu’il constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder la santé de la mère et qu’il est ouvertement pratiqué par un médecin ou un chirurgien avec l’autorisation du conjoint». Le même code punit d’une peine d’emprisonnement et d’amende l’intermédiaire, l’avorteur quel que soit son métier et l’avortée. «La pénalisation de l’avortement n’interdit pas son exercice mais contribue, à l’opposé, à augmenter sa pratique dans des conditions qui représentent des risques pour la santé des femmes qui y ont recours». En effet, selon les données de l’Association marocaine de planification familiale (AMPF), le nombre d’avortements s’élève à 600 par jour alors que l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC) l’estime à près de 800 à 1.000 cas par jour. Il convient, par ailleurs, de souligner que le viol ne figure pas dans le Code pénal dans la catégorie des crimes contre les personnes mais dans la catégorie des crimes contre «l’ordre des familles et la moralité publique». Le cadre juridique actuel en matière de lutte contre les violences à l’égard des femmes est caractérisé par de nombreuses lacunes : l’absence de législation spécifique couvrant la violence domestique qui est abordée à travers des dispositions générales du Code pénal, le viol conjugal qui n’est pas incriminé par la législation pénale, le silence de la loi sur certaines formes de violences, le flou de plusieurs dispositions légales destinées à sanctionner les violences ou encore la non-correspondance. 


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