Maroc

Souveraineté spatiale. Youssef Moulane : “Le Maroc doit consolider ses moyens spatiaux pour gagner en souveraineté”

Dans un plaidoyer visionnaire, Youssef Moulane, astrophysicien à l’Université Mohammed VI Polytechnique, défend la création d’une agence spatiale nationale comme levier stratégique pour renforcer la souveraineté du Royaume en la matière. Selon ce chercheur, celle-ci permettrait d’exploiter pleinement les capacités déjà existantes et d’ouvrir de nouvelles perspectives sur le plan de la sécurité ainsi que de la recherche et développement.

Comment la création d’une agence spatiale nationale pourrait-elle renforcer concrètement la souveraineté spatiale du Maroc ?
La mise en place d’une agence spatiale nationale permettrait de consolider mais aussi de coordonner les capacités spatiales déjà présentes au Maroc, aujourd’hui dispersées entre plusieurs institutions, autour d’une vision stratégique unifiée.

Ce cadre renforcerait la souveraineté spatiale du Royaume en assurant un meilleur contrôle des données satellitaires, et en réduisant la dépendance vis à vis d’acteurs étrangers. Ceci permettra, de fait, de garantir l’intégrité et la sécurité de ces données.

Sur le plan opérationnel, une telle agence améliorerait la surveillance des frontières, déjà amorcée grâce aux satellites Mohammed VI-A et B — Ces deux satellites ont déjà atteint leur fin de cycle opérationnel, ndlr —, renforcerait la sécurité nationale par l’observation en temps réel et accroîtrait la résilience face aux menaces cyber visant les infrastructures spatiales et les systèmes de données.

Au-delà des considérations stratégiques, la portée d’une telle structure se mesurerait aussi par ses retombées économiques. Quels secteurs pourraient en tirer profit ?
De nombreux secteurs en tireraient un avantage direct. L’agriculture, avec un suivi plus fin des cultures et une planification optimisée de l’usage des sols grâce à l’imagerie satellitaire. La gestion des catastrophes, grâce à des capacités accrues de prévision et d’intervention. Les télécommunications et la navigation, par le déploiement d’infrastructures et de services élargis.

L’urbanisme et le développement d’infrastructures, appuyés sur des données géospatiales. Un autre aspect, et non des moindres, concerne la surveillance environnementale, essentielle à la lutte contre le stress hydrique. Sans oublier l’éducation et la recherche en astronomie et astrophysique, soutenues par de nouveaux programmes scientifiques et des pôles d’innovation.

Qu’en est-il des prérequis, en termes d’infrastructures techniques suffisantes — stations de réception, centres de traitement des données — pour héberger et exploiter pleinement une agence spatiale ?
Le pays possède déjà des atouts importants, tels que le Centre royal de télédétection spatiale et le Centre de la recherche de l’espace (CRERS), qui gèrent les données et observations satellitaires. Ces structures constituent une base solide. Mais la mise en place d’une agence nécessiterait des investissements supplémentaires dans les infrastructures techniques pour intégrer et développer pleinement ces capacités.

Quid des compétences susceptibles d’accompagner la création d’une telle structure ?
Il est essentiel de former des spécialistes hautement qualifiés dans des domaines comme l’ingénierie aérospatiale, l’astronomie, la technologie satellitaire, l’analyse de données, la cybersécurité et le droit spatial. Des compétences institutionnelles telles que la gestion de programmes, la coopération internationale et la supervision réglementaire seraient également indispensables pour assurer l’efficacité de l’agence.

Il faut dire que le Maroc a réalisé des progrès notables dans le développement de ses expertises, mais le vivier actuel ne permet pas de lancer un programme spatial entièrement autonome. Les partenariats internationaux, notamment dans la formation, le transfert de technologies et les missions conjointes, seraient incontournables dans les premières étapes de la mise en place de l’agence.

Justement, le choix des alliances est déterminant pour mener à bien un tel projet. Quels seraient, d’après vous, les partenaires stratégiques prioritaires ?
Le Royaume devrait probablement chercher à collaborer en priorité avec des acteurs spatiaux établis comme l’Agence spatiale européenne (ESA), la France, les États-Unis et, parmi les nations émergentes, les Émirats arabes unis, avec lesquels existent déjà des liens solides. La coordination avec les institutions africaines, en particulier l’Agence spatiale africaine (AfSA), serait également un atout non négligeable.

À ce propos, quel rôle le Maroc est-il appelé à jouer au sein de l’Agence spatiale africaine (AfSA) ?
Une telle structure positionnerait le Maroc comme un leader régional en technologie spatiale, capable d’apporter expertise, infrastructures et capacités de partage de données aux initiatives de l’AfSA. Elle offrirait aussi au Royaume une plus grande influence dans l’élaboration des politiques spatiales continentales et dans la promotion de l’intégration régionale à travers des projets collaboratifs.

Quels obstacles restent-ils à lever pour mener à bien ce projet ?
La contrainte majeure porte sur le coût initial de développement et de maintien d’un programme spatial, le déficit d’expertise technique, qui nécessiterait un investissement à long terme dans le capital humain, ainsi que l’établissement d’un cadre légal et réglementaire clair pour les activités spatiales nationales.

Ces obstacles pourraient être levés par un déploiement progressif en s’appuyant sur une coopération internationale. Dans ce scenario, un délai de cinq à six ans serait nécessaire pour mettre en place le cadre légal, constituer les équipes et moderniser les infrastructures avant de pouvoir engager les premières missions.

L’UM6P dans l’orbite de la NASA

Ben Guerir accueillera, les 4 et 5 octobre 2025, l’édition locale du NASA international space apps challenge. Ce hackathon mondial, porté par l’agence spatiale américaine, fera escale à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), mobilisant chercheurs, ingénieurs et étudiants autour des grands défis de l’exploration spatiale et des données satellites. Une reconnaissance symbolique pour l’écosystème scientifique local qui s’arrime de plus en plus aux grandes compétitions mondiales.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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