Maroc

Une rentrée judiciaire historique

Les procureurs généraux  changent de hiérarchie

La passation de pouvoir entre le ministre de la Justice et le procureur général près la Cour de cassation aura lieu aujourd’hui. C’est un acte censé symboliser l’indépendance du parquet de l’autorité gouvernementale, mais la politique pénale risque d’en pâtir.

Tout comme pour la réforme de la magistrature et de l’autorité judiciaire, le nouveau texte organisant le ministère public a vu son adoption accélérée via les canaux législatifs 2017, une marche forcée afin de rendre les dispositions nouvelles applicables dès la rentrée judiciaire. La passation de pouvoir entre le ministre de la Justice, Mohamed Aujjar (photo) et le procureur général du roi près la Cour de cassation, Mohamed Abdennabaoui, aura lieu le 6 octobre au siège de la présidence du ministère public. Un acte symbolisant l’entrée en vigueur de la loi 33-17. En effet, cette loi vient de consacrer le principe de séparation des pouvoirs et de ce fait renforcer l’indépendance de l’autorité judiciaire, conformément aux dispositions de la Constitution de 2011 et de l’article 25 de la loi organique n°106-13 portant statut des magistrats. Le texte donne donc des attributions plus larges à la présidence du parquet général, vu sa mission de superviser le parquet et sa juridiction, de contrôler son action, d’exercer l’action publique et de veiller au bon déroulement des procès et des voies de recours. La loi donne également un poids supérieur à cette présidence dans la nomination des magistrats du ministère public et de l’organisation de la présidence du parquet. Elle évoque également le transfert de la propriété des archives, des documents et des dossiers de l’Autorité gouvernementale en charge de la justice à la présidence du parquet général.

Une indépendance toute relative
Cette nouvelle donne n’est pas sans créer une certaine confusion chez les juristes. Dans les dispositions de la procédure pénale marocaine, le procureur n’est pas qu’un organe de poursuites limitant son rôle à celui de partie accusatrice dans le procès pénal. Aux avant-postes de la procédure d’investigations, il permet de qualifier de judiciaire la phase policière d’enquête flagrante ou préliminaire dont il assure la direction et le contrôle au contraire de nombreux pays, notamment anglo-saxons, où la police mène de manière très autonome ses investigations, sous réserve du recours au juge en cas de privation de liberté, l’organe de poursuite n’étant saisi que lorsque ces investigations sont considérées, par la police, comme terminées. Par ailleurs, responsable de la mise en œuvre du principe d’opportunité des poursuites, le ministère public marocain est un authentique décideur judiciaire exerçant une activité juridictionnelle en décidant et du principe de la réponse pénale et des modalités de celle-ci. «Les juges du siège ont une jurisprudence, les magistrats du parquet ont une politique», avoue un procureur de la Cour d’appel de Casablanca. En effet, les principes cardinaux de hiérarchie et d’indivisibilité du ministère public sont une garantie donnée aux citoyens d’une égalité devant la loi et d’une cohérence territoriale, ou, à tout le moins, de la recherche d’une cohérence de l’action publique sur un territoire. «L’importance du ministère public réside dans le fait qu’il concerne le statut hiérarchique du parquet général auquel la législation confère la mission de veiller, au nom de la société et dans l’intérêt général, à l’application de la loi lorsqu’elle est violée. Il est ainsi le représentant de l’État dans les procès, chargé d’appliquer sa politique pénale. Ainsi, malgré cette indépendance organisationnelle, des directives étatiques continueront d’être appliquées, ce qui est dans la nature des choses», conclut-il.

Le visa du ministère de l’Économie et des finances
Cette relativité de l’indépendance du parquet est d’ailleurs exprimée par la loi elle-même. L’article 4 indique que le Procureur général du roi près la Cour de cassation – pour les dispositions administratives et financières – élabore une décision qui doit être validée par l’Autorité gouvernementale chargée des finances, déterminant les compétences des structures administratives, financières et techniques qu’il crée pour l’assister ; alors que les articles 4, 5 et 6 évoquent l’octroi de ressources financières et édictent que le Procureur général du roi près la Cour de cassation en est l’ordonnateur. «Une ambiguïté» pour le Conseil national des droits de l’homme, ce qui «exige la clarification des mécanismes légaux de contrôle de l’action du Procureur général du roi près la Cour de cassation en sa qualité de président du parquet général et d’ordonnateur des dépenses».


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