Maroc

Transport : le guide 2025 des incitations fiscales

Alors que le Maroc accélère sa transformation logistique, le guide 2025 des incitations fiscales dédiées aux transporteurs leur offre un cadre prévisible. Verdict sur ses implications concrètes.

Derrière les exonérations séduisantes, le Maroc verrouille sa compétitivité par une fiscalité ciblée dans le secteur du transport. C’est ce que l’on retient du guide 2025 des incitations fiscales, que vient de publier la Direction générale des impôts (DGI). Ce document, qui synthétise des dispositions préexistantes, sert de boussole aux entreprises terrestres, aériennes et logistiques.

Au-delà d’une simple compilation, il révèle une volonté politique de structurer un secteur clé par le biais de la fiscalité. Mieux, ce document révèle une stratégie visant à stimuler l’investissement, à verdir la flotte et à consolider la compétitivité internationale.

Impôt sur les sociétés (IS) : transition maîtrisée et avantages ciblés
La réforme de l’IS initiée en 2023 connaît une étape décisive en 2025, matérialisant une transition fiscale calculée pour le secteur des transports. Les PME réalisant un bénéfice net ≤ 1.000.000 DH accèdent désormais au taux cible de 20%, contre 22,75% en 2023 pour les bénéfices intermédiaires (1-100 MDH). Une baisse progressive qui libère des ressources substantielles, permettant aux entreprises de réinvestir dans la modernisation de leurs parcs roulants ou aériens. À l’inverse, les acteurs majeurs (bénéfices ≥ 100 MDH) voient leur taux aller progressivement vers 35%, reflétant une approche équilibrée entre soutien aux PME et contribution équitable des grands groupes.

Parallèlement, l’exonération permanente de l’IS à la source sur les droits de location et la maintenance d’aéronefs dédiés au transport international consolide la position du Maroc comme plateforme aéronautique régionale, réduisant les coûts de possession pour les compagnies d’affrètement.

«La chute de 5,5 points pour les tranches intermédiaires, entre 2023 et 2025, génère une trésorerie immédiatement réinjectable dans la compétitivité opérationnelle», souligne un fiscaliste.

TVA : le pilier le plus structurant du guide
Le dispositif TVA constitue le pilier le plus structurant du guide, combinant trois leviers de synergie pour dynamiser le secteur. D’abord, l’exonération avec droit à déduction pour les autocars, camions et équipements des transporteurs routiers internationaux (valable 36 mois post-création) fluidifie l’acquisition d’actifs stratégiques.

Ensuite, la déductibilité élargie de la TVA sur le gasoil (transport routier/ferroviaire) et le kérosène (aérien) allège significativement les coûts variables, tandis que la baisse progressive du taux général pour le transport urbain et routier (12% en 2025, puis 10% en 2026) renforce la compétitivité-prix des opérateurs. Enfin, l’exonération à l’importation des trains, navires et aéronefs crée un effet cumulatif avec les autres mesures, réduisant de 15% à 20% les coûts d’entrée pour les nouveaux investisseurs logistiques.

«La combinaison inédite entre exonérations d’investissement et déductibilité des intrants énergétiques positionne le Maroc comme hub logistique à fiscalité optimisée», note un analyste. Une architecture fiscale ciblée qui transforme la TVA de coût en outil de soutien à l’export et à l’attractivité.

Souplesse pour les nouveaux entrants et «respiration financière» pour les projets d’expansion
La réforme crée un environnement fiscal propice à l’émergence de nouvelles entreprises via trois mécanismes clés. Ainsi, l’exonération totale permanente de la taxe professionnelle sur le matériel de transport élimine un coût récurrent pour tous les acteurs du secteur. Combinée à une exonération quinquennale pour les nouvelles activités et investissements neufs (incluant les acquisitions en crédit-bail), elle offre une «respiration financière» aux projets d’expansion.

En parallèle, la suppression de la Cotisation minimale (CM) pendant les 36 mois suivant le démarrage d’activité constitue un filet de sécurité pour les startups, leur évitant des charges fixes prématurées. Un triple dispositif qui forme un bouclier fiscal initial, générant une économie non négligeable par an pour une PME de transport routier, préservant ainsi sa trésorerie durant la phase critique de décollage commercial, peut-on noter.

L’impact est particulièrement significatif pour la logistique et le transport de marchandises, où les investissements initiaux en matériel roulant pèsent lourdement sur la rentabilité.

Quid de l’éco-fiscalité ?
Les exonérations ciblées sur les véhicules propres matérialisent l’engagement climatique du Maroc par des incitations concrètes. L’abolition des droits de timbre lors de l’immatriculation des véhicules électriques et hybrides réduit immédiatement de 6% leur coût d’acquisition.

Couplée à l’exonération permanente de la Taxe spéciale annuelle sur les véhicules (TSAV) pour ces mêmes modèles – ainsi que pour les taxis et transports en commun légers (≤ 3.000 kg) –, elle abaisse de 20% à 30% le coût total de possession sur cinq ans. Une dualité fiscale qui accélère le renouvellement des parcs vers des technologies sobres, alignant le secteur sur les accords climatiques tout en réduisant la dépendance énergétique nationale.

L’effet est déjà tangible : les transporteurs urbains et les sociétés de location bénéficient d’un retour sur investissement écologique raccourci de 2 à 3 ans, transformant la contrainte réglementaire en avantage compétitif. Une approche qui positionne le Maroc comme pionnier régional de l’écomobilité, où la fiscalité devient un outil opérationnel de décarbonation.

Optimisation des coûts pour le secteur aérien
Le dispositif aérien combine habilement exonérations structurelles et allègements ciblés pour renforcer l’attractivité internationale. Outre l’exonération permanente de l’IS à la source sur la location et maintenance d’aéronefs – déjà détaillée –, deux mesures complémentaires amplifient cet effet.

D’abord, l’exonération de la Taxe de solidarité aérienne pour les passagers en transit (<24h), les enfants de moins de 2 ans et les vols intérieurs réduit les coûts supportés par les compagnies et les voyageurs.

Ensuite, la suppression de la TVA à l’importation des pièces détachées d’aéronefs abaisse de 20% les dépenses d’entretien de flotte. Une combinaison qui positionne Casablanca et Marrakech comme hubs compétitifs, générant une baisse des coûts opérationnels pour les transporteurs, accélérant ainsi l’intégration du Maroc dans les réseaux aériens globaux.

Une vision intégrée
Le guide révèle une architecture fiscale cohérente articulée autour de quatre piliers complémentaires. Premièrement, la stratégie startup permet un cumul inédit des exonérations (CM suspendue 36 mois, TVA et taxe professionnelle allégées sur 3 à 5 ans), créant un «sas de décollage» fiscal pour les nouveaux entrants.

Deuxièmement, le focus export cible systématiquement le transport international : exonérations TVA/IS pour le routier et l’aérien et droits de douane supprimés pour les navires, de quoi renforcer la compétitivité des opérateurs marocains sur les marchés africains et euro-méditerranéens.

Troisièmement, la transition écologique est impulsée par des incitations directes : droits de timbre et TSAV annulés pour les véhicules électriques/hybrides et les transports collectifs, alignant les intérêts économiques sur les engagements climatiques.

Enfin, le soutien à la logistique lourde se matérialise par des exonérations TSAV et droits de timbre pérennes pour les véhicules > 3.000 kg, facilitant les investissements dans les flottes de fret. Une approche qui transforme la fiscalité de frein en accélérateur de compétitivité, tout en ancrant le transport dans une logique durable et exportatrice.

Le transport, un pilier stratégique

Ce guide consolide le transport comme pilier stratégique. En ciblant la compétitivité opérationnelle, l’innovation verte et l’attractivité internationale, il offre une prévisibilité fiscale rare dans la région. Le défi reste l’accès des TPE aux dispositifs, nécessitant un accompagnement administratif renforcé.

Cette refonte fiscale marque un tournant. Elle transforme les obligations en opportunités, tout en ancrant le secteur dans une dynamique durable. Reste aux acteurs à s’en saisir !

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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