Tourisme : le Maroc repense ses étoiles pour mieux briller à l’international

Hôtels, maisons d’hôtes, riads, kasbahs… le Royaume engage une réforme d’envergure pour revoir entièrement son système de classement. À la clé, un référentiel unifié, des audits qualité anonymes et la promesse d’une offre plus lisible, juste et compétitive. Une transition ambitieuse qui soulève autant d’espoirs que de défis pour les professionnels du secteur.
Le Maroc amorce un tournant stratégique dans sa politique touristique. À travers la publication de cinq arrêtés très attendus, le ministère du Tourisme entame une révision ambitieuse du système de classement des établissements d’hébergement. Cette refonte, attendue depuis l’adoption de la loi 80-14 en 2015, vise à redonner toute sa lisibilité à l’offre touristique nationale, tout en ancrant le pays dans une dynamique d’excellence.
«Ce nouveau système de classement, notamment pour les hôtels et les maisons d’hôtes, vient corriger un déséquilibre ancien. Jusqu’ici, les maisons d’hôtes étaient classées en seulement deux catégories, tandis que les hôtels bénéficiaient d’un système à six niveaux. Cette dichotomie ne permettait pas une lecture fine de la qualité réelle des établissements», nous explique Zoubir Bouhoute, expert en tourisme.
Une réforme qui s’attaque aux incohérences du passé
Parmi les grandes nouveautés, l’universalisation du classement par étoiles. Toutes les structures, qu’il s’agisse d’hôtels, de maisons d’hôtes, de riads ou de kasbahs, seront désormais évaluées sur une échelle commune. Une réforme de fond, qui entend restaurer la méritocratie dans un secteur longtemps marqué par des défaillances structurelles.
«Il est grand temps de s’intéresser de près aux maisons d’hôtes. Certaines mériteraient clairement plus qu’un simple classement en première ou deuxième catégorie. Dans certaines régions, des établissements étaient classés en première catégorie sans le mériter, simplement pour maintenir une offre bien classée dans la zone. Cette logique d’exception est appelée à disparaître», affirme Bouhoute.
Un des leviers clés du dispositif repose sur l’instauration de visites mystères, qui évalueront les établissements sur la base de grilles très détaillées, intégrant jusqu’à 800 critères. Une évaluation régulière, tous les cinq à sept ans, permettra d’assurer une dynamique d’amélioration continue.
«Il faudra s’assurer que ces visites soient réellement anonymes. Le ministère pourrait confier cette mission à des cabinets spécialisés pour garantir leur efficacité. Si cela est bien mené, ce système pourrait faire progresser la qualité dans un secteur qui se prépare à accueillir des événements d’envergure comme la CAN ou la Coupe du monde 2030», estime l’expert en tourisme.
Préserver l’authenticité sans sacrifier l’exigence
Cette réforme pose aussi la question de l’adaptation des établissements atypiques. Les riads, kasbahs et autres hébergements de charme sont-ils condamnés à se plier à des standards uniformes ? Pour Bouhoute, il est possible d’allier exigence et respect de l’authenticité.
«Il ne faut pas briser l’identité de ces établissements. Ils incarnent l’âme de nos régions. Mais certains critères, comme l’hygiène, la cuisine ou le niveau de propreté, ne doivent bénéficier d’aucun passe-droit. Sinon, on empiète sur les droits des consommateurs. Il faut trouver un équilibre entre tradition et qualité», explique-t-il.
Il souligne par ailleurs l’existence de mécanismes de soutien, comme les crédits à taux préférentiels ou le programme Go Siyaha, qui peuvent aider ces structures à se mettre à niveau. Mais pour que ces dispositifs aient un réel impact, «il faudra combattre la lenteur administrative et renforcer l’accompagnement sur le terrain», insiste l’expert.
Un délai de 24 mois pour réussir la transition
Le ministère accorde aux professionnels un délai de deux ans pour s’adapter aux nouvelles exigences. Un calendrier raisonnable, à condition de se doter des moyens nécessaires.
«Certaines délégations régionales n’auront ni les effectifs ni les compétences pour assurer un suivi rigoureux. Il faudra sans doute externaliser une partie du contrôle et s’appuyer sur des bureaux d’études. Si l’on veut atteindre 80% d’établissements conformes en deux ans, il faudra agir vite et bien», alerte Bouhoute.
Au-delà de la réforme technique, c’est donc toute une culture du mérite et de la qualité que le ministère cherche à instaurer dans le secteur.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO