Tomates : après la flambée, retour au calme

Malgré un temps clément et des champs à perte de vue, le prix de la tomate s’envole sur les étals, atteignant jusqu’à 13 dirhams le kilo. Une hausse inattendue qui surprend les consommateurs, mais qui s’explique par une période transitoire du calendrier agricole, aggravée par des rendements en baisse. Entre fin de culture sous serre, maladies, et rareté de certaines semences, la filière traverse un moment délicat. Pourtant, derrière cette tension conjoncturelle, la tomate marocaine continue de résister
Sur les étals, elle attire tous les regards. La tomate reste un aliment incontournable de la cuisine marocaine. Mais depuis quelques jours, son prix s’affiche à 13 dirhams le kilo, suscitant l’incompréhension des consommateurs. Or, le soleil est au rendez-vous, les serres n’ont pas été balayées par de violentes intempéries, les champs s’étendent à perte de vue, en apparence, rien ne justifie une telle flambée. Pourtant, dans les coulisses de la filière, les tensions sont bien réelles.
Une affaire de culture
À en croire les professionnels du secteur, cette hausse soudaine n’a rien d’un caprice du marché, loin de là. Elle s’inscrit dans une phase charnière du cycle de production.
«Nous sommes à peine à quelques jours de la rentrée en production de la culture plein champ, du moment que celle sous serre est achevée», indique un producteur.
En clair, la campagne d’export touche à sa fin, tandis que la nouvelle production destinée au marché local n’est pas encore pleinement lancée. Résultat : une offre réduite, une qualité jugée relativement médiocre à ce stade, et une tension inévitable sur les prix.
Cette période transitoire, habituelle dans le calendrier agricole, n’explique cependant pas tout. L’année a été particulièrement éprouvante pour les cultivateurs. Attaques de pathogènes, maladies récurrentes et manque de semences résistantes ont lourdement grevé les rendements.
Certains exploitants évoquent des pertes supérieures à 30%, quand d’autres, plus chanceux, admettent une baisse de 20% de leur production. Autant de facteurs qui, combinés, ont resserré l’offre et fragilisé l’équilibre du marché intérieur. Toutefois, les producteurs rassurent sur la période à venir. Avec la rentrée en production de la culture plein champ, une stabilisation est attendue.
«Certains producteurs fournissent le marché local en marge de l’export, en plus des exploitants travaillant uniquement pour le marché local. Ce qui devrait renforcer l’offre, certes à moindre qualité, mais l’approvisionnement sera assuré tout au long de la période estivale», estime un autre producteur.
Une période de reprise est ainsi annoncée, ce qui pourrait stabiliser le marché côté prix. Mais ce déséquilibre, bien que conjoncturel, met en lumière des fragilités structurelles plus profondes dans la filière. Pourtant, en dépit des soubresauts, la tomate marocaine résiste. Année après année, elle continue d’alimenter les marchés et d’assurer une part significative des exportations agricoles du pays.
Les tensions à l’international persistent
À l’export, c’est même un succès éclatant qui se dessine. Le Maroc s’est hissé au rang de troisième exportateur mondial de tomates, avec un volume de 621.000 tonnes pour la campagne 2024-2025, générant un chiffre d’affaires estimé à plus de 15 milliards de dirhams. Un exploit commercial qui suscite autant l’admiration que la crispation. En supplantant l’Espagne sur le marché européen, le Royaume a fait grincer des dents.
Les tomates marocaines se retrouvent en concurrence frontale avec les productions locales européennes, fragilisées par des coûts de production plus élevés et une fenêtre de commercialisation plus courte.
Cette réussite, si elle témoigne d’une compétitivité bien rodée, alimente aussi critiques et suspicions. Depuis plusieurs mois, certaines organisations agricoles en Europe accusent le Maroc de pratiques déloyales et appellent à revoir les termes de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne.
Les tensions, relancées par des plaintes formelles et des actions syndicales, continuent de peser sur la filière. Mais à force de se focaliser sur ce que le Maroc exporte, ses concurrents oublient souvent de regarder ce qu’il importe. Car derrière la performance commerciale se cache une dépendance encore mal analysée, celle aux intrants, aux semences, aux engrais, aux équipements, souvent venus d’Europe.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO