Maroc

Tarif douanier zéro : comment stimuler les exportations marocaines vers Pékin

Affichant un énorme déficit commercial avec la Chine, le Maroc pourrait tirer profit de la future exemption des taxes douanières de Pékin pour réduire ce gap abyssal. Comment ? Eléments de réponse avec Ahmed Azirar, économiste et directeur de recherche à l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS).

Nouveau cadeau de la Chine pour l’Afrique. Pékin compte supprimer tous les droits de douane sur les exportations en provenance de 53 pays du continent, excepté l’Eswatini (ex-Swaziland) qui reconnaît encore Taiwan. Jusque-là, seuls 33 États figurant parmi les pays les moins avancés (PMA) bénéficiaient de cette exemption.

Cette décision a été annoncée dans une déclaration conjointe sino-africaine publiée le 11 juin, à l’issue de la réunion ministérielle des coordinateurs sur la mise en œuvre des actions de suivi du Forum sur la coopération Chine-Afrique (FOCAC) qui s’est clôturé le 12 juin 2025. Cette décision n’est pas anodine : elle intervient dans un contexte marqué par une hausse (pouvant aller jusqu’à 50%) des taxes américaines sur certains produits africains, imposée par Washington.

À travers cette exemption, l’Empire du milieu, qui affiche un excédent commercial de 62 milliards de dollars avec l’Afrique, souhaite stimuler les exportations africaines et réduire cet énorme déficit. De grandes économies du continent, particulièrement le Maroc, pourrait en tirer profit en accédant plus facilement au marché chinois, même si, pour l’heure, on ne connait pas encore les secteurs concernés par cette exonération.

Les derniers chiffres disponibles remontent à mars 2025. Ils sont consultables sur la plateforme de l’Observatoire de la complexité économique (OEC), un portail reconnu, spécialisé dans le commerce extérieur.

Plus de 86 M$ exportés vers la Chine en mars 2025
À la fin du premier trimestre de l’année en cours, les exportations du Royaume vers Pékin s’élevaient à 86,3 millions de dollars (M$), tandis que ses importations affichaient 671 M$, soit un déficit commercial de 585 M$. Parmi les principaux produits marocains exportés : les circuits intégrés (19,1 M$), les dispositifs semi-conducteurs (13,1 M$) et le cuivre affiné (7,75 M$). Dans le sens inverse, on trouve le thé (23,4 M$), les téléphones (22,1 M$), ainsi que les motos et vélos (20,4 M$).

«Entre mars 2024 et mars 2025, les exportations de la Chine vers le Maroc ont augmenté de 135 M$ (+25,2 %), passant de 536 à 671 M$, tandis que les importations ont diminué de 18,8 M$ (-17,9 %), passant de 105 à 86,3 M$», souligne l’OEC.

D’après la même source, la croissance annuelle des expéditions chinoises a été principalement tirée par les exportations de matériel de radiodiffusion (9,2 M$, soit +904 %), de motos et vélos (8,98 M$, soit +78,9 %) et de caoutchouc synthétique (7,23 M$, soit +6 170 %).

Déficit commercial de près de 7 MM$ en 2023
Quant à la chute des ventes marocaines, elle découle principalement du recul des importations ou la chi ne de minerai de cuivre (-5,74 M$ soit -48 %), de métaux précieux (-7,27 M$, soit -92,4 %) et de dispositifs semi-conducteurs (-12 M$, soit -47,9 %).

Cet excédent commercial en faveur de la Chine confirme une tendance déjà observée en 2023, année durant laquelle les exportations marocaines, qui avaient atteint 795 M$, étaient nettement inférieures aux importations en provenance de Pékin, estimées à 7,71 milliards de dollars (voir détails en infographie). Soit un déficit commercial de 6,9 MM$ pour le Royaume.

«La décision de la Chine de réduire les droits de douane sur les pays africains est salutaire mais c’est une stratégie propre à ses intérêts, d’abord. Pour le Royaume, la Chine est devenue le deuxième fournisseur, causant au Maroc un déficit abyssal. Le Royaume doit agir de manière forte et intégrée pour réduire drastiquement ce déficit», souligne le Pr Ahmed Azirar, économiste et directeur de recherche à l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS), contacté par les Inspirations Éco.

Rationnaliser les importations et accroître les exportations
Selon l’expert, d’importantes mesures doivent être prises pour combler progressivement ce gap. «Pour l’import, une rationalisation est impérative. De nombreux produits chinois n’ont carrément pas à entrer au Maroc (babioles, produits non conformes, voire dangereux…). Par ailleurs, beaucoup de produits peuvent être usinés localement dans le cadre du Made in Morocco», suggère-t-il.

Concernant l’export, «les questions de la compétitivité des produits marocains, de l’effort promotionnel et de l’organisation» sont cruciales. «La Chine est un grand marché, la massification de nos exportations est nécessaire. La mutualisation pour accéder aux marchés publics s’impose. Là, le soutien à obtenir de Pékin est à négocier, à travers l’abolition de droits de douane, les facilités administratives et procédurales, les normes et l’origine des produits, l’accès discrétionnaire aux marchés publics, etc.», explique notre interlocuteur.

Pour le Pr Azirar, le Maroc doit également «proposer aux entreprises chinoises des projets d’investissement dans des secteurs stratégiques, et ce, dans des régions spécifiques, avec transfert de technologies et R&D». Des décisions stratégiques qui devraient permettre au Royaume de renforcer sa présence sur le marché chinois.

Elimane Sembène / Les Inspirations ÉCO



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