Maroc

Statut CFC : le fisc confirme l’exonération IR des jeunes salariés

Deux précisions majeures aux sociétés détentrices du statut CFC ont été apportées par le fisc dans un courrier concernant le traitement fiscal des salaires de leurs employés. Zoom sur ce courrier qui fait passer les DRH des entreprises détenant le statut CFC de stressés à stratèges.

La DGI confirme qu’une société CFC peut appliquer l’exonération IR pour les jeunes recrues et le taux de 20% pour les autres, et qu’un salarié peut bénéficier des deux régimes successivement sur 10 ans. C’est dire que la récente clarification apportée par l’Administration fiscale constitue un pivot stratégique pour renforcer l’attractivité de la place financière de Casablanca et sécuriser la planification des entreprises qui y opèrent.

En effet, le courrier de réponse émis par la Direction générale des impôts (DGI), le 4 août dernier, constitue une clarification attendue et majeure pour l’écosystème des entreprises détentrices du statut Casablanca Finance City (CFC).

Adressée à l’entreprise AUDIGROUP, cette missive apporte des précisions cruciales sur l’articulation entre deux dispositifs fiscaux incitatifs phares du Maroc moderne : l’exonération de l’Impôt sur le revenu (IR) pour les premiers emplois des jeunes et l’imposition à taux réduit pour les sociétés CFC.

Une clarification majeure : le cumul des régimes confirmé
La première question soulevée par le contribuable concernait la possibilité pour une société CFC d’appliquer simultanément le régime dérogatoire de l’article 247-XXXIII du CGI (exonération totale pour les jeunes recrues) et celui de l’article 73-II-9° du CGI (taux réduit de 20% pour son personnel). La DGI a répondu de manière affirmative et sans ambiguïté. Cette réponse est fondamentale. Elle valide une stratégie de gestion de la masse salariale et de planification fiscale optimisée pour les sociétés CFC.

Il faut retenir que, concrètement, une même entité peut, sur sa feuille de paie, distinguer trois catégories de salariés. Les premiers sont les salariés éligibles à l’article 247-XXXIII. Jeunes de moins de 35 ans, en premier recrutement (CDI signé entre 2021 et 2026). Pour eux, la base imposable à l’IR est nulle pendant 36 mois. Secundo, les autres salariés non éligibles.

Pour eux, le régime de droit commun de la CFC s’applique, à savoir un prélèvement libératoire de 20% sur le salaire brut, dans la limite d’une période maximale de 10 ans à compter de la prise de fonction. Tertio, les salariés exclus des deux régimes, exemple ceux qui sont recrutés après 10 ans d’ancienneté. Ils sont soumis au barème progressif standard de l’IR.

La DGI acte ainsi une «application simultanée» de ces dispositifs, permettant aux gestionnaires de paie et aux DRH de structurer leurs politiques de rémunération en toute sécurité juridique. Ainsi, pour les entreprises détenant le statut CFC, l’avantage est double. Elles voient renforcée leur attractivité auprès des jeunes talents grâce à une nette majoration du net à payer, tout en maintenant un avantage fiscal compétitif pour l’ensemble de leurs effectifs.

Séquence fiscale avantageuse : de l’exonération totale au taux réduit
Le second apport décisif de ce courrier concerne le devenir fiscal du salarié après l’expiration de sa période triennale d’exonération. La question était de savoir si, une fois les 36 mois écoulés, le salarié pouvait basculer sous le régime du taux réduit de 20% pour le solde de la période décennale.

La DGI apporte une réponse on ne peut plus claire en affirmant que « les salariés ayant bénéficié de ladite exonération peuvent bénéficier du taux de 20% précité pour le reliquat de la période maximale d’application de ce taux, à savoir 10 ans à compter de la date de prise de leurs fonctions ».

Cette précision est d’une portée considérable car elle dessine une séquence fiscale extrêmement attractive sur 10 ans pour le jeune salarié recruté par une CFC. Pendant les 36 premiers mois, le salarié bénéficie d’une exonération totale de l’IR, ce qui signifie que son salaire perçu est intégralement net d’impôt. Ensuite, pendant les 84 mois suivants, jusqu’à la fin de la dixième année, il est soumis à une imposition au taux libératoire de 20%, calculée sur le salaire brut sans abattement.

Ce taux fixe reste avantageux comparé aux tranches marginales du barème progressif de l’IR, qui peuvent atteindre 38%. Une continuité dans l’avantage fiscal qui constitue un argument de rétention puissant pour les employeurs, car elle sécurise le salarié sur son pouvoir d’achat à moyen terme et offre une visibilité précieuse aux services de rémunération et de paie pour modéliser les coûts salariaux sur la durée.

Implications pour les acteurs économiques : une feuille de route clarifiée

Pour l’ensemble des parties prenantes, ce courrier sert de feuille de route en offrant des directives précises et applicables. Pour les Sociétés CFC et leurs conseils, incluant les experts-comptables, avocats et fiscalistes, ce courrier constitue un outil de gestion active. Elles doivent impérativement auditer leur base de données salariale afin d’identifier et de catégoriser chaque salarié selon son éligibilité à l’un ou l’autre des régimes. Ensuite, elles gagneraient à revoir leurs modèles de coûts pour intégrer l’absence de charge fiscale pour les jeunes recrues pendant les trois premières années, suivie d’un coût prévisible de 20%.

Enfin, elles gagneraient à adapter leur communication RH pour utiliser cet avantage fiscal séquentiel comme un pilier de leur marque employeur, tant pour l’attraction que pour la fidélisation des talents. Les chasseurs de tête dans la finance disposent désormais d’un argument tangible à valoriser auprès des candidats.

Pour les jeunes talents et les cadres, cette clarification est synonyme de transparence et de projection, leur permettant d’anticiper avec précision l’impact fiscal sur leur rémunération sur les 10 prochaines années, un élément crucial dans la négociation de leur package et dans leur planification financière personnelle.

Pour l’Administration fiscale, ce courrier démontre une volonté de dialogue et de sécurisation du contribuable. En encadrant strictement l’application des textes, la DGI réduit les risques de contentieux et favorise un climat des affaires apaisé, tout en maintenant l’objectif premier de ces dispositifs :
stimuler l’emploi qualifié des jeunes et consolider la place financière de Casablanca.

Une sécurité juridique pour dynamiser l’emploi CFC

En définitive, le courrier va bien au-delà d’une simple réponse technique. Il offre une lecture harmonisée et pragmatique du Code général des impôts, transformant une potentialité théorique en une réalité opérationnelle.

En confirmant le caractère cumulatif et séquentiel des régimes, la DGI offre aux sociétés CFC un levier puissant pour optimiser leur gestion sociale et fiscale, et aux salariés une visibilité renforcée sur leur trajectoire financière. Une décision qui constitue une avancée significative pour la compétitivité de la place financière marocaine et sert de modèle de clarification administrative.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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