Saisonnières marocaines. Au cœur d’un bras de fer hispano-espagnol
Malgré la crise sanitaire et la gravité de l’heure, la saison agricole n’a pas manqué d’apporter son lot de scandales, d’accusations et contre-accusations. En effet, une nouvelle affaire est venue troubler la quiétude régnant dans les exploitations agricoles de fruits rouges de la province de Huelva, où s’affairent environ 7.000 saisonnières marocaines. Celle-ci remonte au jeudi 7 mai, quand une altercation a opposé le contremaître d’une ferme agricole située dans la municipalité de Moguer à la journalière marocaine B.E.A, âgée de 39 ans. Ce qui, à première vue, a l’air d’une dispute sur fond de tensions professionnelles s’accumulant depuis le démarrage de cette campagne agricole est saisi au vol par le Syndicat des travailleurs agricoles (SAT), proche de parti d’extrême gauche Podemos, pour dénoncer un nouveau scandale sexuel sous les serres de fraise. Une chose est sûre: les saisonnières marocaines se sont retrouvées malgré elles au cœur d’un bras de fer entre cette représentation syndicale et Interfresa, l’association interprofessionnelle des producteurs andalous de fraises. Mais que s’est-il exactement passé? Selon Borja Ferrera, responsable du plan de responsabilité éthique, du travail social et de l’égalité au sein d’Interfresa, une bagarre a éclaté entre les deux protagonistes, à savoir la journalière marocaine et le contremaître, compatriote marocain, durant la matinée de jeudi 7 mai. Ledit contremaître, qui occupait ce poste depuis 3 mois à peine, était peu apprécié par un groupe de travailleuses agricoles, ce qui a donné lieu à de petits conflits sans gravité durant cette campagne. La mésentente s’est soldée par un accrochage musclé entre la victime, B.E.A, et le contremaître.
«Au vu de la supériorité physique de ce dernier, la travailleuse a reçu des coups au niveau du ventre et du bras, ces derniers causant des hématomes légers», étaye le responsable espagnol.
La victime a reçu la visite de la médiatrice sociale d’Interfresa qui lui a conseillé de porter plainte, ajoute Ferrera. Or, il semblerait que la journalière ait décliné l’offre pour changer d’avis juste après. De son côté, le contremaître a été licencié par l’administration du fait de son comportement violent, chose qui ne saurait être tolérée, indique notre source. Le soir de l’incident, la victime s’est rendue à l’hôpital provincial de Huelva pour faire constater l’agression et a ensuite déposé une plainte auprès de la Guardia Civil. De retour à l’exploitation, les médiateurs mandatés par la filière ont découvert que la journalière a accusé son agresseur de tentative d’agression sexuelle.
Selon le rapport médical que nous avons pu consulter, le diagnostic n’a pas permis de confirmer ladite violence supposément sexuelle. C’est ainsi que le médecin a attesté une «supposée agression physique», notant que la patiente était accompagné d’un «traducteur».
De fait, ne maîtrisant pas le castillan, elle a été accompagnée par un compatriote qui s’est chargé de traduire ses propos. Proche du syndicat en question, il aurait manipulé sa version, selon les accusations de la filière espagnole et de la victime elle-même. D’ailleurs, le délégué du syndicat a sauté sur l’occasion et publié sur les réseaux sociaux des photos «prouvant» le harcèlement musclé de la saisonnière marocaine, assorties d’un titre aguicheur: «Agression sexuelle»! Surprise et même folle de rage, selon la version d’Interfresa, la plaignante s’est rendue le lendemain dans les locaux de la Guardia Civil pour rectifier son témoignage, accompagnée cette fois-ci par la médiatrice sociale travaillant pour le compte de la filière andalouse. Dans cette nouvelle version, elle nie toute tentative de violence sexuelle et insiste sur le fait qu’il s’agissait d’une dispute purement professionnelle. Selon ce document dont on détient copie, «la plaignante réfute toute altercation pour des motifs sexuels, que ce soit sur elle ou sur le reste des travailleuses agricoles».
De même, dans la version rectifiée, elle dénonce le traducteur et le délégué du SAT à Huelva, accusant ce dernier d’avoir publié les clichés attestant de l’altercation sans son accord. Le syndicaliste espagnol a rectifié le tir illico presto, et publié un nouveau post avec les mêmes photos mais sans faire référence à une quelconque agression. Tout en évitant de s’exposer à des poursuites judiciaires, il laisse toutefois planer le doute à travers une fausse question. «Agression pour ne pas cueillir des fraises ou pour d’obscures raisons?», titre-t-il. La victime a-t-elle été manipulée par les représentants de la filière ou son employeur pour revoir sa posture? La filière dément tout accusation et affirme avoir mis à la disposition de la victime ses avocats depuis l’éclatement de cette affaire. En revanche, elle dénonce le «sale jeu» de ce syndicat, lequel veut porter atteinte au secteur. «L’ambiance est morose à présent dans cette exploitation. Les femmes ont peur de rentrer à cause de ces accusations fallacieuses qui portent non seulement atteinte à la filière, mais surtout à la réputation de ces femmes au Maroc», affirme Ferrera. Manipulation, règlement de compte? La justice espagnole tranchera!