Banques marocaines : le renforcement des coussins de capital se confirme

Sous l’impulsion d’une régulation renforcée et d’un encadrement prudentiel rigoureux, les banques du Royaume affichent des coussins de capital plus robustes. Dans une note publiée le 8 octobre 2025, l’agence Fitch Ratings salue cette dynamique, tout en identifiant des fragilités persistantes liées à la concentration des risques et à la qualité des actifs. Un bilan contrasté mais porteur d’enseignements pour la résilience du système financier national.
Les banques marocaines continuent de consolider leur solidité financière dans un environnement économique marqué par des incertitudes régionales et mondiales. Selon l’agence Fitch Ratings, la résilience accrue du secteur bancaire national s’explique en grande partie par l’adoption proactive des standards de Bâle III et un encadrement réglementaire rigoureux piloté par Bank Al-Maghrib.
La dernière note de Fitch, publiée mercredi, met en lumière une amélioration progressive des niveaux de capitalisation réglementaire, portée par une gouvernance prudentielle renforcée. Les banques marocaines présentent aujourd’hui un ratio CET1 (Common Equity Tier 1) moyen de 11,3%, et un ratio global de capitalisation d’environ 13,8%.
Ces chiffres marquent une hausse significative par rapport aux niveaux pré-pandémie, bien qu’ils restent en deçà de la médiane observée dans les marchés émergents notés «BB». Fitch souligne néanmoins que la structure de ce capital est d’une qualité remarquable : elle est composée quasi exclusivement de fonds propres de base, sans recours significatif à des instruments hybrides ou à la dette subordonnée.
L’un des éléments structurants de cette amélioration est l’introduction, depuis 2021, de coussins supplémentaires pour les banques d’importance systémique. Trois établissements marocains sont aujourd’hui identifiés comme systémiques, avec des exigences supplémentaires variant de 0,5% à 1%. Ces exigences viennent s’ajouter au coussin de conservation standard de 2,5%, créant une marge de sécurité plus robuste pour absorber les pertes potentielles en période de crise. Fitch note également que les banques bénéficient d’une rentabilité relativement stable, avec un ROE moyen estimé à 11%.
Cette performance repose sur des marges d’intérêt solides, une maîtrise du coût du risque et une croissance maîtrisée des charges opérationnelles. Toutefois, les pressions sur certains portefeuilles, notamment ceux exposés aux PME et aux secteurs cycliques comme le BTP, pourraient peser sur cette rentabilité à moyen terme. La note pointe aussi un taux de créances douteuses (NPL) qui, bien qu’en légère amélioration, reste élevé à 7,7%. Le taux de couverture, supérieur à 70%, traduit une politique prudente de provisionnement.
Toutefois, la concentration des prêts sur un nombre restreint de grands emprunteurs et de secteurs, combinée à un accès limité à des sources longues de financement, constitue un facteur de vulnérabilité structurelle. Fitch évoque ici le besoin pour les banques marocaines de mieux diversifier leurs portefeuilles et d’élargir la base de leurs financements à long terme.
Autre facteur à surveiller : le retour progressif à des politiques de distribution de dividendes, après plusieurs années de retenue imposée pendant la pandémie. Si ce mouvement est compréhensible d’un point de vue actionnarial, il pourrait ralentir le rythme de reconstitution des coussins de capital, surtout dans un contexte de croissance modérée.
Sur le plan macroéconomique, Fitch estime que le système bancaire reste exposé à des risques exogènes liés à la volatilité des prix des matières premières, à la pression inflationniste globale et aux tensions géopolitiques régionales.
Toutefois, l’agence reconnaît l’approche proactive des autorités marocaines, qui ont su imposer une discipline réglementaire forte tout en favorisant l’innovation (notamment numérique) dans les services bancaires. La perspective attribuée par Fitch au secteur bancaire marocain demeure stable. L’agence souligne que les fondamentaux du secteur sont sains, que les risques sont bien identifiés, et que la trajectoire de réforme engagée reste crédible.
À condition de maintenir le cap sur la consolidation du capital économique, la diversification sectorielle et le financement de long terme, le secteur bancaire marocain pourrait continuer de jouer son rôle de levier stratégique pour l’économie nationale.
Comparaison régionale
Selon l’analyse de Fitch Ratings, et par rapport aux autres marchés émergents notés “BB”, les banques marocaines affichent des ratios de capitalisation légèrement inférieurs. Toutefois, elles présentent plusieurs atouts différenciateurs.
La qualité de leur capital est plus élevée, reposant majoritairement sur des fonds propres de base (CET1). Elles dépendent peu de la dette subordonnée ou d’instruments hybrides, ce qui renforce leur profil de solvabilité. Leur financement repose sur une base de dépôts stable, avec un moindre risque de refinancement par rapport à leurs homologues régionaux.
Enfin, leur encadrement réglementaire, piloté par Bank Al-Maghrib, est jugé plus prévisible et rigoureux, faisant du Maroc un exemple de bonne gouvernance prudentielle en Afrique du Nord. Ces éléments renforcent la confiance des investisseurs internationaux et positionnent les banques marocaines comme des acteurs solides, à condition de poursuivre les efforts engagés sur la transparence, la gouvernance et l’anticipation des risques sectoriels.
H.K. / Les Inspirations ÉCO