Ressources naturelles : l’eau, l’éternel défi
Le développement économique de la région est intimement lié à la résolution de la question de l’eau, face à l’extrême fragilité de la région aux changements climatiques. Agadir Souss-Massa a enregistré la pire sécheresse depuis plus de trois décennies.
Avec un déficit pluviométrique de 69% au titre de l’année 2023-2024 par rapport à une saison normale, la question de l’eau constitue l’un des deux défis majeurs auxquels la région est actuellement confrontée. Sur ce registre, Agadir Souss-Massa a enregistré la pire sécheresse de son histoire depuis plus de trois décennies, allusion faite à la pluviométrie de la saison 1992-1993, et un déficit de 54% en comparaison avec l’année précédente. Actuellement, les réserves d’eau au sein des principaux barrages de la région se sont établies à 13,5% de taux de remplissage, selon la situation journalière arrêtée au 9 avril 2024 par l’Agence du bassin hydraulique (ABH) de Souss-Massa, contre 32% au niveau national.
De plus, l’indice d’aridité a révélé l’extrême vulnérabilité de la région aux changements climatiques. Ces dernières années sont caractérisées par la diminution des moyennes pluviométriques, des températures plus élevées et des canicules extrêmes plus fréquentes.
Face à cette situation et aux enjeux de sécurisation d’eau, d’une part pour l’alimentation en eau potable et industrielle, et d’autre part, pour l’irrigation agricole et la sécurisation des besoins de l’industrie touristique, la région a déjà fait appel à une combinaison de solutions. Il s’agit d’abord des retenues de barrages, actuellement en situation de tarissement et de l’interconnexion des bassins en plus des forages en eaux profondes. Celles-ci étant exposées à la baisse de leur niveau en raison de la sécheresse et de la surexploitation de la nappe phréatique, avec l’accentuation de l’intrusion marine. Le pourcentage des eaux de surface est passé dans la région de 80% à 19% contre 36% pour les eaux souterraines.
Eaux non conventionnelles : l’eau dessalée couvre 45% des besoins en 2023
Par la suite, il a été question d’accélérer la mobilisation des eaux non conventionnelles, à travers le dessalement de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation des espaces verts. Toutefois, la situation hydrologique continue d’exercer sa pression sur l’économie régionale compte de la prédominance du climat aride et de l’amplification de phénomènes extrêmes.
L’eau dessalée, qui représente 45% de la production en 2023, est appelée à évoluer. Partant du constat que l’unité mutualisée de dessalement de l’eau de mer pour l’eau potable et l’irrigation à la province de Chtouka-Aït Baha ne peut pas répondre à l’ensemble des besoins en eau, le lancement de son extension a été activé pour accompagner les besoins de la population. Mise en service depuis le 30 juin 2022, la capacité contractuelle de l’unité mutualisée de dessalement de l’eau de mer, destinée à la production d’eau potable par dessalement et à l’irrigation du Grand Agadir, au niveau de la province de Chtouka-Aït Baha, passera à 400.000 m3/j à raison de 200.000 m3/j pour l’eau potable et 200.000 m3/j pour l’irrigation.
Avec une capacité actuelle de production de l’usine de dessalement mutualisée de l’eau de mer fixée à 275.000 m3/j pour la province de Chtouka (dont 150.000 m3/j pour l’eau potable et 125.000 m3/j pour l’irrigation), l’ONEE et le ministère de l’Agriculture ont déjà décidé d’avancer la date d’extension de la capacité actuelle avec une mise en service prévue en 2026. Dans ce sens, la capacité extensible à 400.000 m3/j est une nécessité compte tenu de la saturation de l’offre en ressources en eau conventionnelles provenant des barrages et de la nappe phréatique dans la région, ce qui permettra l’approvisionnement de plusieurs centres urbains.
La région disposera ainsi de 24 stations avec un débit global de 286 litres/seconde pour affronter la crise de l’eau dans le cadre du plan d’urgence lancé à cet effet. Il s’agit de huit stations monoblocs de dessalement d’eau de mer et de 16 unités mobiles de déminéralisation. Ce débit de 286 litres/seconde représente 22% de la capacité globale programmée au niveau national. Ces unités vont contribuer à améliorer l’accès à l’eau potable pour les populations de la région. Dotées d’une enveloppe de 493 MDH, ces stations ont fait l’objet d’une convention conclue avec le ministère de l’Intérieur (dont l’apport financier s’élèvera à 335 MDH) avec un apport du Conseil régional Souss-Massa de 158 MDH.
Réutilisation des eaux: 4,4 millions de m3 de consommation en 2023
Outre la réalisation de l’infrastructure de transfert des eaux de dessalement, notamment du complexe Tassila vers celui de Bouargane, déjà achevés, et les travaux en cours vers les étages situés au nord d’Agadir, à Anza, Aourir et Tamraght, la réutilisation des eaux usées permet de réduire le déficit hydrique de la région en économisant 10% de la production distribuée par la RAMSA dans le Grand Agadir.
Dans ce sens, la consommation des golfs en eaux réutilisées est passée de 458.326 m3 en 2017 à 3,8 millions m3 en 2023 alors que la consommation des communes pour l’irrigation des espaces verts a atteint 664.479 m3 en 2023 contre 4.319 m3 en 2020, grâce à la mobilisation d’un potentiel annuel de 13,7 Mm3 en eaux épurées réutilisables pour l’irrigation des espaces verts. Et ce, à partir de deux stations d’épurations tertiaires, à savoir la STEP Mzar, mise en service en 2010 et assurant un potentiel de 11 Mm3/an, avec le lancement de son extension et la STEP d’Aourir, mise en service en 2017, d’une capacité de traitement de 2,7 Mm3/an.
Parallèlement, dans le cadre de la réforme du chantier de distribution d’eau, la région a déjà créé son Groupement des collectivités territoriales pour la distribution Souss-Massa et la Société régionale multiservices du Souss-Massa, dotée d’un capital de 150 MDH qui assurera la gestion des services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement liquide, et (le cas échéant) d’éclairage public. Pour l’agriculture, en dehors des projets PPP des périmètres d’El Guerdane et Chtouka, la région bénéficie de trois programmes.
Il s’agit de la modernisation du périmètre de Massa (18.000 ha) sur la période 2022-2028 dans le cadre du projet de résilience et durabilité de l’irrigation (REDI) financé par la Banque mondiale ; de la réhabilitation de 63 périmètres de petite et moyenne hydraulique (PMH) ; et enfin du Programme d’appui au développement inclusif et durable des zones agricoles et rurales (PADIDZAR) couvrant 12.000 ha, sachant que l’irrigation localisée a permis d’atteindre 126.500 ha en 2023 contre 67.876 en 2010.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO