Région de l’Atlantique. Comment surmonter les blocages
350 experts, diplomates, ex-leaders etc… issus de 90 pays ont participé à la 7e édition de la conférence internationale Atlantic Dialogues, tenue à Marrakech du 13 au 15 décembre. L’objectif était de trouver des solutions pour résoudre les différents existant entre les pays de la région de l’Atlantique.
La 7e édition de la conférence internationale Atlantic Dialogues a clôturé ses travaux, samedi à Marrakech. Retour en détail sur les temps forts de cet événement initié par le think tank, Policy Center for the New South.
Rivalité USA-Chine : une guerre froide en Afrique ?
L’Europe et la Chine perdront-ils leur monopole économique et commercial sur le contient africain ? Au-delà de l’aspect militaire et sécuritaire, la question mérite d’être posée au lendemain de l’annonce des USA d’injecter 50 millions de dollars dans un fonds d’impact en faveur des entreprises américaines qui se déploieront en Afrique. Pour Amr Moussa, ancien secrétaire général de la Ligue arabe et chef de la diplomatie égyptienne, «des guerres froides seront déclenchées en Afrique pour freiner la présence de la Chine au niveau du continent», prédit-il, lors la plénière dédiée aux dimensions méditerranéennes et nord-africaines des dynamiques atlantiques. N’empêche que cette situation peut entraîner des répercussions et confrontations au niveau de l’espace Atlantique constitué, entre autres, de l’Afrique et la Méditerranée, devant la limite d’atténuation des tensions par l’ONU et le Conseil de sécurité. «Aucune coopération n’est actuellement prônée et la paix se fait essentiellement dans l’espace pacifique et avec le Traité de l’Atlantique Nord», explique Miguel Angel Moratinos, ancien ministre espagnol des Affaires étrangères. Pour lui, «c’est le manque patent de leadership collectif qui manque pour aller de l’avant et avec déterminisme pour la résolution de l’ensemble des problématiques posées», ajoute-t-il. À cet égard, «il est de l’intérêt de tout le monde d’agir d’une manière différente de ce qui se fait jusqu’à présent puisqu’on évolue toujours dans un cercle fermé», prévient Amr Moussa. Pour Madeleine Albright, elle a exprimé son sentiment d’inquiétude par rapport à la politique étrangère de Donald Trump et du retrait des États-Unis des débats qui agitent le monde. «Comment un pays, tel les États-Unis, peut se replier et libérer cet espace à l’échelle internationale qui va être certainement comblé par d’autres nations. L’Amérique est amenée à jouer un rôle dans ce sens et ne pas se positionner en simple gendarme du monde. Un équilibre doit être trouvé entre la position de retrait négatif et celle du gendarme».
Le monde a-t-il encore besoin de l’OTAN ?
Face aux évolutions récentes, notamment les critiques émises par Donald Trump à l’égard de ses alliés au sujet du financement de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en plus de la création d’une armée européenne, le débat sur cette structure a suscité le débat lors de la 7e édition de la conférence internationale Atlantic Dialogues. «S’il y a bien un risque sur l’OTAN, il vient des États-Unis, qui menace de se retirer de l’alliance pour des raisons budgétaires», signale Ahmedou Ould Abdallah, ancien représentant du secrétaire général des Nations Unies au Burundi, Afrique de l’Ouest et Somalie et ancien ministre des Affaires étrangères de Mauritanie. Mais à l’unanimité, les avis se sont accordés sur le rôle de l’OTAN, mais avec la réforme de cette institution, le renforcement de son rôle et la clarté de ses missions. Et s’il y a une menace qui pèse sur cette alliance, elle est surtout interne. «Si l’OTAN continue d’exister, c’est à cause de l’absence d’une défense européenne commune. Les indices dont nous disposons aujourd’hui attestent que cette institution ne va pas disparaître sur le champ», explique Rachid El Houdaigui, Senior Fellow, Policy Center for the New South. Du côté de Joao Vale Almeida, ambassadeur en chef de la délégation de l’Union européenne aux Nations Unies, «le traité de Lisbonne stipule que l’OTAN est le garant de la sécurité européenne. Cela ne risque pas de changer. Il n’y a pas pour l’instant de plan pour créer une armée européenne. Mais nous avons en même temps besoin que l’Europe se prenne en charge et les USA doivent encourager cela», explique-t-il.
Le commerce mondial, otage du protectionnisme
Devant l’offensive protectionniste du président américain, la guerre commerciale entre les USA et la Chine est bel bien déclenchée. Et le recours, de plus en plus fréquent, à des mesures de protectionnisme est incompatibles avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce qui constitue en soit, une entrave au commerce dans l’espace Atlantique. Un avis partagé par l’ancien chef de la diplomatie portugaise, Paulo Portas, l’ancienne ministre du Commerce extérieur du Costa Rica, Anabel Gonzales et Ricardo Melendez-Ortiz, fondateur et directeur de l’International Centre for Trade and Sustainable Development (ICTSD-Colombie). Il va sans dire que cette montée du protectionnisme risque non seulement de compromettre la forte croissance du commerce mondial, mais aussi le rôle de l’Organisation mondiale du commerce, dont la tâche est de favoriser le développement des échanges et veiller à l’application des règles entre les États membres. À cet égard, les panélistes ont demandé de réformer cette organisation avec la redéfinition de son action, notamment en termes de gestion des conflits.
Les inégalités sociales, sources de la crise migratoire
Dans un contexte migratoire internationalement et régionalement sensible, la principale cause de ce phénomène n’est autre que la montée des inégalités. «Si les gens quittent leurs pays, c’est qu’ils vivent mal là où ils sont», affirme Abdoulah Coulibaly, président de la Bamako Forum Foundation (Mali), lors du panel dédié à la dimension humaine de la crise migratoire. Et au fond, «la migration n’est pas seulement liée aux crises politiques, mais aussi aux inégalités sociales et à l’injustice dans ce qui crée une absence de perspectives», ajoute Lloyd Axworthy, président du Conseil mondial pour les réfugiés. De l’avis de Mounia Boucetta, secrétaire d’État auprès du ministère marocain des Affaires étrangères, «c’est la mauvaise gestion des questions migratoires qui entraînent l’ensemble des problématiques posées et la sécurité, elle-même, ne peut pas résoudre le problème», précise-t-elle. Pour la ministre marocaine, les vraies raisons de la migration relèvent aussi de questions de développement et de gouvernance. C’est la raison pour laquelle, la montée du populisme en Europe et en Amérique n’apportera pas de solutions, mais amplifie le problème.
Le Rapport Atlantic Currents traite les problématiques du point de vue du Sud
La 5e édition du rapport Atlantic Currents sur les perspectives atlantiques a permis de présenter une nouvelle édition de ce rapport annuel, qui a été publié le 13 décembre 2018, à Marrakech. Ce document de 211 pages, publié par le groupe de réflexion marocain Policy Center for the New South (PCNS) – nouveau nom de l’OCP Policy Center – a abordé les principales thématiques à l’échelle globale du point de vue du Sud. En phase avec la conférence Atlantic Dialogues, il s’est attaché à fournir une nouvelle perspective sur les défis auxquels doit faire face l’Atlantique, Nord et Sud, en exprimant les opinions du Sud sur la scène internationale. Sous la supervision de Bouchra Rahmouni, collaboratrice émérite du PCNS, différents auteurs venus du Maroc, du Sénégal, du Brésil ou du Congo (RDC) ont écrit 12 chapitres traitant de questions économiques et culturelles. Mise en cause par la montée du populisme, la mondialisation a été au centre du débat. Pour Madeleine Albright, «la mondialisation est une arme à double tranchant, qu’on ne peut pas identifier clairement ni arriver à cerner ses facettes», notant que ce débat doit être élargi aux entreprises publiques et privées mais aussi aux ONG. «Ces acteurs, surtout les entreprises, sont les principaux drivers de la mondialisation, une force irréversible qui malheureusement divise les Nations et risque parfois de dégénérer en des tensions». Madeleine Albright a également partagé son sentiment d’inquiétude par rapport à la politique étrangère de Donald Trump et du retrait des États-Unis des débats qui agitent le monde. «Comment un pays, comme les États-Unis, peut-il se replier et libérer cet espace à l’échelle internationale qui va être certainement comblé par d’autres Nations? L’Amérique est amenée à jouer un rôle dans ce sens et ne pas se positionner en simple gendarme du monde. Un équilibre doit être trouvé entre la position de retrait négatif et celle du gendarme».