Réforme de la fonction publique. La négociation exigée par les syndicats
Les concertations avec les syndicats sur le plan exécutif de la fonction publique ont été entamées la semaine dernière. L’adhésion des partenaires sociaux à la vision gouvernementale est une condition sine qua non pour réussir la réforme escomptée mais cet objectif n’est pas facile à réaliser au vu des réactions sceptiques des syndicats.
La réforme de la fonction publique est imminente mais avant qu’elle ne soit actée, les syndicats comptent faire entendre leur voix auprès du gouvernement qui devra bientôt valider le plan exécutif de la fonction publique déjà ficelé par le département de Mohamed Benabdelkader et présenté au conseil de gouvernement le 5 septembre dernier. Les partenaires sociaux qui ont été conviés aux concertations autour de ce projet de réforme exigent des négociations en bonne et due forme, comme le souligne le syndicaliste de la CDT Abdelkader Amri qui pointe du doigt «la volonté du gouvernement d’introduire à la fonction publique la logique de gestion qui prévaut au sein de l’entreprise».
L’appréhension est grande vis-à-vis de certains projets de réforme qui sont en vue. Il s’agit, entre autres, de l’axe ayant trait à la déconcentration. Le plan exécutif souligne la nécessité pour la fonction publique de se mettre à niveau tout en prenant en considération l’impératif de l’adaptation à la vision de la déconcentration administrative et la mise en œuvre de la régionalisation avancée. Le gouvernement prévoit plusieurs mécanismes pour doter les services concentrés de ressources humaines suffisantes et compétentes. On peut citer notamment l’élaboration d’un projet de loi précisant la manière de gérer des postes budgétaires et les quotas au niveau régional qui est prévu pour décembre 2020. La mise en œuvre des objectifs fixés en la matière ne sera pas exempte de difficultés. Si les syndicats disent adhérer à la vision de la déconcentration, il n’en demeure pas moins qu’ils ne comptent pas lâcher du lest sur nombre de mesures. C’est plutôt l’emploi régional qui est redouté par les syndicalistes. Il va falloir gérer cet épineux dossier avec tact pour prévenir la grogne sociale et son impact sur le service public. Le gouvernement gagnerait à éviter les erreurs commises dans la gestion du recrutement des nouveaux enseignants des académies régionales de l’éducation et de la formation.
La pilule est en effet encore difficile à faire avaler aux partenaires sociaux. Ce point sera dur à négocier tout comme celui du système de mobilité dont la législation sera revue en 2021. L’expérience démontre la complexité de l’implémentation du dispositif. Rappelons à cet égard que cette réforme, décidée en 2015, est mort-née. L’application du décret y afférent est au point mort malgré les mesures mises en place dès 2016 notamment la bourse des fonctionnaires qui devait être composée de profils mis par certaines administrations à la disposition d’autres départements de la fonction publique. La procédure n’a pas abouti en dépit de l’optimisme ayant accompagné son lancement. Cet échec s’explique en grande partie par le manque de volonté des administrations qui ont brandi la carte sociale. Il faut dire que les syndicats dans la fonction publique pèsent de toute leur force sur le système pour contrecarrer certaines décisions. Le contexte, précisons-le, est aujourd’hui différent en raison de la préparation des schémas directeurs de la déconcentration qui oblige les administrations concernées par ce chantier à détailler non seulement les compétences à transférer aux régions mais aussi les ressources financières et humaines. Les administrations sont ainsi contraintes de participer au processus de mobilité. On s’attend à ce que la structure de la fonction publique soit adaptée aux exigences de réalisation des différentes missions qui incombent à l’administration publique.
Le nouveau système devra être souple pour faciliter aux fonctionnaires le changement de postes et des missions. Ainsi, il est prévu de créer des passerelles professionnelles entre les administrations, les collectivités territoriales et les établissements publics. Une plateforme électronique relative à la mobilité sera mise en place. La réussite de cette réforme est tributaire de l’adhésion des syndicalistes qui sont encore nombreux à afficher leur réticence vis-à-vis de la mise en œuvre de cette disposition. Les tractations entre le gouvernement et les centrales syndicales pourront permettre de rapprocher les points de vue sur non seulement ce dossier mais aussi sur tous les points en suspens.
Réforme progressive
La transformation escomptée de la fonction publique devra être progressive et nécessitera l’élaboration de nombre de textes législatifs. Certaines mesures seront actées par des décrets alors que d’autres passent par des projets de loi qui devront être validés par l’institution législative. Rappelons que le plan exécutif comporte cinq objectifs centraux : la gestion par les compétences, la restructuration de la haute fonction, l’adaptation à la déconcentration, la révision de la structure de la fonction publique et les incitations ainsi que l’amélioration du climat du travail. Il fixe les grands axes de la refonte tant attendue du secteur ainsi que le calendrier de mise en œuvre des différents projets nécessaires pour asseoir la réforme entre 2019 et 2021, soit ce qui reste du mandat gouvernemental actuel. Plusieurs textes sont prévus avant la fin de l’année en cours : la révision de la loi organique sur la nomination dans les fonctions supérieures (novembre 2019), le décret concernant la procédure de nomination dans les fonctions supérieures (décembre 2019), l’élaboration du projet de décret relatif au système des emplois et des compétences (novembre 2019), la révision du décret relatif à l’organisation des structures administratives (décembre 2019).