Maroc

El Mehdi Ezzouate : “C’est une réforme humaine, économique et pratique”

El Mehdi Ezzouate
Avocat au barreau de Casablanca

Alors que le chèque perd du terrain face aux paiements numériques, le gouvernement choisit la réforme plutôt que l’abandon. Le projet de loi adopté entend restaurer la crédibilité de cet instrument en simplifiant les procédures, en privilégiant la réparation au détriment de la sanction et en renforçant la sécurité juridique des transactions. L’objectif est de redonner confiance aux usagers et désengorger les tribunaux.

Dans quelle mesure le nouveau projet de loi marque-t-il une rupture avec l’approche pénale traditionnelle du chèque sans provision, et comment peut-il concrètement contribuer à restaurer la confiance des acteurs économiques dans cet instrument de paiement ?
Ce projet de loi marque une vraie rupture avec la manière dont le Maroc gérait, depuis des décennies, le chèque sans provision. Jusqu’ici, tout relevait presque automatiquement du droit pénal : plainte, poursuite, parfois détention. Mais cette logique n’a jamais réglé le fond du problème. Elle a simplement engendré des milliers de procédures, saturé les tribunaux et découragé l’usage du chèque comme moyen de paiement.

Le texte adopté propose une approche plus moderne et pragmatique. Il met l’accent sur la régularisation plutôt que sur la répression. Celui qui commet une erreur peut réparer, payer ce qu’il doit et éviter la sanction pénale. C’est une réforme qui cherche à restaurer la confiance dans le chèque, en le ramenant à sa fonction première, un instrument de paiement, et non une source de risque judiciaire.

N’y a t-il pas un risque que l’allègement des sanctions encourage une certaine impunité ?
Ce projet ne vise pas à affaiblir la loi, mais à mieux l’adapter à la réalité économique. Aujourd’hui, la sanction pénale frappe tout le monde de la même manière, sans distinction entre une erreur de gestion et une fraude volontaire. Résultat, on criminalise parfois des situations purement commerciales. La réforme introduit une graduation : celui qui règle le montant du chèque et s’acquitte de l’amende libératoire verra les poursuites arrêtées.

En revanche, celui qui agit de mauvaise foi ou récidive restera exposé à la sanction. C’est une manière d’instaurer une justice plus intelligente et plus équitable, qui protège le bénéficiaire tout en donnant une seconde chance à l’émetteur de bonne foi. La sécurité juridique y gagne, parce que les règles deviennent plus prévisibles et les litiges plus rapidement résolus.

Sur le plan pratique, comment les nouvelles dispositions pourraient-elles influencer le comportement des émetteurs de chèques et désengorger les tribunaux ?
C’est une mesure simple mais très efficace. Le fait de pouvoir régler le montant du chèque et payer une amende de 2% permet de désengorger considérablement les tribunaux. Des milliers de dossiers pourraient ainsi être clos sans passer par un procès long et coûteux. Cela change aussi le comportement des émetteurs.

Au lieu de fuir leurs obligations, ils auront intérêt à régulariser rapidement pour éviter les poursuites. En parallèle, cette disposition introduit une logique de responsabilité financière, elle ne supprime pas la sanction, elle la transforme. L’amende garde une fonction dissuasive, mais sans les effets destructeurs de la prison ou du casier judiciaire. C’est donc une réforme à la fois humaine, économique et pratique.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



Immobilier : la loi 34.21 promet la fin des projets bloqués


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page