Prix du carburant : ça va monter à la pompe, mais de combien ?

Le Maroc reste particulièrement exposé aux soubresauts du marché pétrolier international. Entre tensions géopolitiques, volatilité persistante des cours et dépendance énergétique structurelle, chaque augmentation se répercute rapidement sur l’économie nationale. À l’approche du 1er juillet, une nouvelle hausse des prix à la pompe est inévitable.
Depuis plusieurs semaines, les opérateurs économiques, les importateurs de carburants et les autorités scrutent avec prudence les signaux en provenance des marchés pétroliers. Une prudence dictée par la succession rapide d’événements géopolitiques majeurs, notamment l’éclatement soudain du conflit entre Israël et l’Iran, qui a brièvement ravivé la crainte d’un choc d’approvisionnement global. Sur fond de tensions persistantes autour du détroit d’Ormuz, la volatilité s’est installée, rendant toute projection incertaine.
Une augmentation inévitable
Dans ce climat de vigilance extrême, le Maroc, importateur net de produits pétroliers, n’échappe pas aux secousses. Les indicateurs disponibles laissent présager une hausse modérée des prix à la pompe dès le 1er juillet.
«La tendance est à la hausse, même si elle reste contenue. L’impact du conflit entre Israël et l’Iran a été immédiat sur les marchés et cela a coïncidé avec la deuxième quinzaine du mois de juin. Mais la demande mondiale, qui reprend doucement, alimente une progression des cours. Elle est mesurée, certes, mais constante», analyse Mostafa Labrak, directeur d’Energysium Consulting et expert en énergie.
Toutefois, le calme relatif revenu sur les différents fronts ne suffit pas à apaiser les marchés. Le baril de Brent, qui évoluait autour des 73 dollars début juin, a frôlé les 76 dollars à la suite des frappes israéliennes. La réaction a été immédiate, portée par la fameuse «prime de risque géopolitique». Le simple soupçon d’une perturbation du détroit d’Ormuz, couloir stratégique par où transite 20% du pétrole mondial, suffit à faire basculer les anticipations. Cette instabilité ne pouvait tomber plus mal pour le Maroc, qui reste très exposé aux importations d’énergie.
«Jusqu’ici, les prix à la pompe ont été protégés par un léger effet de latence. Mais cette inertie s’estompe dès que la pression sur le brut s’installe. L’impact sur le consommateur marocain sera donc visible à court terme», avertit Labrak.
Effet domino
À l’échelle internationale, la tendance s’oriente vers une relative stabilisation, malgré une visibilité encore brouillée. Le relatif apaisement des tensions géopolitiques a contribué à calmer les marchés. En quelques heures seulement, les cours du pétrole ont effacé une partie de leur flambée. Le baril de Brent, qui avait frôlé les 76 dollars, est redescendu autour de 64 dollars, accusant une chute de près de 13%.
Cette correction brutale illustre à quel point les marchés réagissent désormais plus à la perception du risque qu’aux fondamentaux de l’offre et de la demande. Mais cette accalmie reste fragile.
Selon Mostafa Labrak, «dans les conditions actuelles, le baril ne peut raisonnablement atteindre les 100 dollars, à moins d’un nouveau choc majeur. Les États-Unis, soucieux de préserver leur reprise économique, surveillent étroitement l’évolution des cours et pourraient peser sur l’équilibre du marché pour éviter toute envolée brutale des prix».
Pour autant, cette volatilité persistante pèse déjà sur les chaînes d’approvisionnement et sur les anticipations des importateurs marocains. Même si les signaux se stabilisent au niveau international, l’économie marocaine reste vulnérable à la moindre secousse, avec un effet de propagation rapide sur les coûts du transport, de la logistique et, in fine, sur l’inflation. Outre les ménages, les premiers secteurs exposés à une hausse du carburant seront les transports et la logistique.
De là, le renchérissement pourrait se diffuser à l’ensemble de l’économie. Le souvenir des vagues inflationnistes qui ont suivi la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine reste encore vif. Cette situation vient également rappeler une fragilité plus structurelle.
Comme l’avait souligné l’économiste Omar Kettani, «le Maroc exporte ce qu’il produit et importe ce qu’il consomme. Dans des moments de crise, cette dépendance devient un risque systémique. Il faut sortir d’une logique de simple gestion des devises et construire une vraie souveraineté énergétique». Reste à savoir dans quelle mesure les prix vont augmenter cette fois-ci. Si la tendance mondiale semble modérée, l’expérience locale incite à la prudence.
Au Maroc, les hausses à la pompe ont souvent été plus rapides et plus marquées que les baisses, suscitant régulièrement l’incompréhension des consommateurs. Dans ce contexte, la perspective du 1er juillet alimente les spéculations, dans l’attente des nouveaux barèmes que publieront les distributeurs. Une chose est sûre, la répercussion à la pompe sera bien réelle.
Mostafa Labrak
Expert en énergie
«La tendance est à la hausse, même si elle reste contenue. L’impact du conflit entre Israël et l’Iran a été immédiat sur les marchés et cela a coïncidé avec la deuxième quinzaine du mois de juin. Mais la demande mondiale, qui reprend doucement, alimente une progression des cours, certes mesurée, mais constante. Jusqu’ici, les prix à la pompe ont été protégés par un léger effet de latence. Mais cette inertie s’estompe dès que la pression sur le brut s’installe. Les conséquences sur le consommateur marocain seront donc visibles à court terme.»
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO