Maroc

Partis politiques : La confiance des citoyens épuisée

Le mouvement de contestation d’Al Hoceïma remet sur la table la question de la crédibilité des partis politiques. Les formations partisanes sont appelées à se remettre en cause pour rétablir la confiance escomptée dans l’action politique. Plusieurs mesures sont à entreprendre : nouvelle gouvernance politique, ouverture de la voie à l’alternance entre générations, clarification des visions…

La crise de confiance dans les partis politiques est avérée. Le fossé ne cesse de se creuser entre les citoyens et les formations partisanes comme en témoignent le mouvement de contestation d’Al Hoceïma ainsi que le taux élevé d’abstention aux élections et les faibles scores obtenus par plusieurs formations aux législatives de 2016. Le redressement de la situation s’impose car personne ne peut renier que les partis politiques ont un rôle important à jouer et sont des rouages vitaux pour exercer la démocratie. La concrétisation de cet objectif passe par la lutte contre les dysfonctionnements qui minent l’échiquier politique. Observateurs et politiciens s’accordent peu ou prou sur le même diagnostic : faiblesse de la démocratie interne, absence d’idéologie claire dans la majorité des partis, clientélisme dans la gestion des accréditations aux élections, opportunisme…Ces problématiques sont exacerbées par le discours politique qui est de plus en plus en déphasage avec les attentes des citoyens. À couteaux tirés, les partis politiques ne cessent de se rejeter les responsabilités des échecs au lieu d’agir à la grande déception des citoyens.

Déficit en matière decommunication
À défaut d’un véritable débat d’idées, les excès de langage témoignent du déficit de la communication politique qui devrait être un facteur important dans l’amélioration de l’image des partis politiques et l’enracinement de la culture de la démocratie. De l’avis des observateurs, les citoyens et à leur tête les jeunes ne boudent pas les partis politiques contrairement aux idées reçues, mais ce sont plutôt les politiciens qui ne tentent pas d’asseoir des ponts de communication avec la société en vue de mettre fin à une longue histoire d’incompréhension et de désamour. La manière dont est pratiquée la communication au sein des partis politiques demeure encore en deçà des attentes. On reproche à la majorité des partis de ne s’intéresser à ce volet stratégique qu’uniquement pendant les périodes électorales. De l’avis du professeur universitaire de droit constitutionnel et membre de l’organisation des avocats du Rassemblement national des indépendants, Mohamed Hanine, les partis politiques vivent une véritable crise de communication. Cet ancien député du parti de la colombe épingle les formations partisanes qui sont restées figées et n’ont pas pu s’adapter aux changements et à l’évolution technologique.

Manque d’encadrement
La majorité des organisations politiques peinent à mobiliser les citoyens en raison du peu d’intérêt accordé à la mission d’encadrement. Pourtant, il s’agit d’une prérogative dictée par la Constitution et la loi organique relative aux partis politiques mais qui n’est pas visiblement érigée en priorité par les instances décisionnelles de la plupart des partis politiques. À ce titre, certains politiciens pointent du doigt le manque de moyens financiers des organisations partisanes qui ne parviennent pas à réussir leur mission d’encadrement. C’est ce que tient à souligner Rahal El Mekkaoui, membre du Comité exécutif du parti de l’Istiqlal. Il met l’accent sur la faiblesse du soutien financier de l’État aux partis politiques qui demeure on ne peut plus insuffisant pour leur permettre de jouer convenablement leur mission d’encadrement, laquelle nécessite la mobilisation de beaucoup de moyens.

Absence de démocratie interne
L’encadrement, à lui seul, n’est pas suffisant. Pour éviter la disparition, les partis politiques sont appelés par les observateurs à entreprendre des actions concrètes pour réconcilier les jeunes avec l’action politique, à commencer par une gestion interne démocratique permettant un accès équitable aux postes de décision sans clientélisme et le renouvellement des élites politiques. Les cadres de bon nombre de partis politiques déplorent l’ambiguïté des règles du jeu qui permet aux moins militants d’entre eux d’accéder à des hautes fonctions de responsabilité. Les jeunes n’arrivent pas à faire entendre leur voix tant au sein des partis politiques que dans les instances électives car les accréditations, dans la plupart des partis politiques, n’obéissent pas aux règles de mérite et de militantisme. Les choix des listes de jeunes, rappelons-le, ont suscité de grandes contestations dans plusieurs formations politiques.

Nécessité d’un débat national
Un débat national s’impose pour redorer le blason des partis politiques, comme le souligne Milouda Hazeb, membre du bureau politique du parti Authenticité et modernité. Les organisations politiques doivent se remettre en cause en faisant une autocritique objective portant sur leur rendement et leur méthodologie. Pour leur part, les citoyens sont appelés à interagir avec les nouveaux mouvements de changement à l’instar de ce qui s’est passé en France mais à cet égard un doute est affiché par Mohamed Hanine qui relève la spécificité de la société marocaine qui est encore minée par un taux élevé d’analphabétisme. C’est dans ce cadre que la sensibilisation des citoyens devra prendre toute son ampleur pour développer une véritable culture politique et lutter ainsi contre toute tentative de corruption électorale.


Mohamed Hanine
Professeur universitaire et membre du RNI

Les partis politiques n’arrivent pas à jouer leur rôle de pare-choc. La crise de l’action partisane concerne plusieurs niveaux dont la démocratie interne, la crise d’encadrement, l’absence d’idéologie, les difficultés de communication. La question d’indépendance des partis se pose aussi. Il faut que les formations partisanes prennent des décisions en toute indépendance».

Abdelali Hamieddine
Membre du secrétariat général du PJD

Le rétablissement de la confiance dans la politique nécessitera du temps. Pour y arriver, il faut respecter la volonté des électeurs et éviter de s’immiscer dans les affaires internes des partis politiques. Les autorités doivent respecter les électeurs. Dans certaines communes, de véritables problématiques se posent comme le blocage du budget. Les citoyens ressentent que le véritable pouvoir est entre les mains des walis et des gouverneurs».

Rahal El Mekkaoui
Membre du comité exécutif du PI

La crise de confiance dans les partis politiques est due à trois facteurs essentiels liés aux formations politiques, elles-mêmes, mais aussi aux médias qui diffusent un regard réducteur sur l’action politique ainsi qu’aux citoyens qui doivent aller voter pour choisir leurs représentants au lieu de se contenter de se lamenter. C’est la généralisation qui crée actuellement le problème».

Milouda Hazeb
Membre du bureau politique du PAM

La crise de confiance ne concerne pas uniquement les partis politiques mais aussi les institutions. Elle est due à plusieurs facteurs dont le discours politique lors du précédent mandat qui a eu pour conséquence de brouiller les cartes et les rôles des acteurs politiques. À cela s’ajoutent la course effrénée pour l’obtention des sièges électoraux, la gestion interne des partis politiques, l’absence d’une bonne gouvernance et de l’encadrement, l’effritement des valeurs politiques…».


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