Éco-Business

El Mostafa Fakhir : “Les opérateurs étrangers captent 80% du chiffre d’affaires du transport maritime au Maroc”

El Mostafa Fakhir
Expert en transport international et logistique

Le secteur du transport maritime au Maroc représente un chiffre d’affaires annuel de presque 5 milliards de dollars. Sauf que les acteurs nationaux ne captent que 20% de ce montant. D’où l’urgence d’accélérer la concrétisation des stratégies de relance. C’est le point de vue de l’expert maritime, El Mostafa Fakhir. Interview.

Comment se porte le chantier de relance du pavillon national depuis le discours royal de novembre 2023 ?
Il y a presque deux ans, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a appelé à la mise en place d’une flotte de la marine marchande forte et compétitive.

Malheureusement, depuis, on attend toujours les résultats de l’étude qui a été initiée par le ministère du Transport et de la Logistique pour définir la nouvelle feuille de route pour le développement du secteur du transport maritime. Comme opérateurs, nous restons confiants dans le fait que les hautes orientations royales vont être traduites par des politiques publiques dans les plus brefs délais.

En effet, il est impératif pour assurer la souveraineté logistique du Royaume de se doter à nouveau d’une flotte stratégique, surtout que le Maroc a aujourd’hui, grâce à la vision éclairée de Sa Majesté, une véritable ambition maritime Atlantique pour l’Afrique.

Des voix critiquent le choix
de certains acteurs pour accompagner le financement du secteur maritime au Maroc ? Qu’en est-il réellement ?
Le Fond Mohammed VI pour l’investissement constitue une excellente initiative pour développer l’investissement privé dans des secteurs à fort potentiel et capitalistiques comme le transport maritime. Il a annoncé récemment l’adjudication de la gestion du fond thématique sectoriel dédié au secteur du transport et de la logistique, à APM Capital Morocco, une structure qui est très liée au géant du transport maritime Maersk. Ceci a constitué pour beaucoup d’acteurs du secteur une grande surprise qui n’a pas été à leur goût.

En effet, la crainte exprimée est relative à un possible conflit d’intérêts entre les intérêts du Groupe Maersk dans le transport maritime au Maroc, qui bénéficie de l’absence du pavillon national, et la mission confiée au fond APM Capital Morocco de soutenir le développement du secteur du transport et de la logistique, y compris d’une flotte de la marine marchande qui va concurrencer celle du Groupe Maersk.

Le secteur du transport et de la logistique parvient-il à se relancer après le choc de la guerre en Ukraine ?
Le secteur du transport et de la logistique a prouvé durant toutes les crises que nous avons connues ces dernières années : de celle de la Covid-19 à celle de la guerre en Ukraine, en passant par le conflit au Moyen-Orient, que les chaînes d’approvisionnement devaient être résilientes et que leur logistique devait être redessinée d’une manière continue.

La supply chain est devenue le nerf de la guerre et devait être désormais gérée d’une manière stratégique par les pays. Les acteurs du secteur se portent bien et connaissent une croissance au niveau national et international. Nous saluons, dans ce cadre, les initiatives entreprises par des groupes marocains, à l’exemple de BLS, qui ont pour ambition de créer un champion national dans le secteur logistique.

Comment évolue le Maroc sur la carte mondiale du transport maritime ?
Grâce à des investissements publics massifs de plus de 5 milliards de dollars dans le complexe portuaire de Tanger Med, le nouveau port de Nador West Med, et le futur port de Dakhla Atlantique, le Maroc se positionne comme le premier hub de transbordement portuaire au niveau de la Méditerranée et de l’Afrique.

Le défi aujourd’hui est de monter en gamme dans la chaîne de valeur de l’industrie du transport maritime. En effet, nous sommes un pays principalement portuaire, ce qui ne représente qu’entre 10% et 20% de la valeur ajoutée du secteur, le reste, à savoir 80%, est dans le fret maritime qui est réalisé par les armateurs.

Le discours de Sa Majesté sur la constitution d’une flotte de la marine marchande forte et compétitive est un message clair pour rehausser notre taux d’intégration dans l’industrie du transport maritime et améliorer le taux de couverture de notre commerce extérieur qui s’effectue principalement par voie maritime et qui ne dépasse pas actuellement les 2%.

Quelles perspectives voyez-vous pour le secteur maritime marocain ?
Le secteur du transport maritime au Maroc représente un chiffre d’affaires annuel de presque 5 milliards de dollars. Il connaît une croissance constante depuis plusieurs décennies grâce aux différents chantiers de développement que connaît notre pays.

Malheureusement, plus de 80% de ce chiffre d’affaires est réalisé par des opérateurs économiques qui ne sont pas résidents au Maroc, cela veut dire tout simplement que notre pays n’en profite ni en termes d’emplois, ni en termes de recettes fiscales, ni en termes d’investissements, ni en termes de richesses produites par ce secteur.

C’est un marché domestique qui est important, si nous arrivons à capter au moins 25% de celui-ci, cela va se traduire rapidement par la création de milliers d’emplois à haute valeur ajoutée et des contributions sociales et fiscales directes pour l’État marocain.

Le secteur du transport maritime pourra avoir également un effet d’entraînement sur l’industrie navale nationale qui représente un potentiel encore plus grand en termes de création d’emplois et de chiffres d’affaires.

Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO



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