Paiements numériques et mobiles : l’adoption s’accélère, mais…
Avec plus de 10 millions de comptes M-Wallets ouverts et une hausse de 23% des transactions mobiles en 2023, le Maroc se positionne résolument dans l’ère des paiements numériques. Soutenues par Bank Al-Maghrib et le dynamisme des fintechs, ces avancées promettent de transformer le paysage financier du pays. Toutefois, malgré ces succès, des défis persistent pour assurer une adoption généralisée et inclusive des nouvelles technologies de paiement.
Le secteur des paiements connaît une transformation rapide au Maroc, portée par l’innovation technologique, l’émergence des fintechs et les efforts soutenus de Bank Al-Maghrib. Les données récentes publiées par le régulateur des banques, sur le développement des moyens de paiement et l’accompagnement des fintechs, révèlent des avancées significatives dans l’adoption des solutions numériques, mais aussi des défis persistants pour leur généralisation.
Alors que l’économie nationale continue de se digitaliser, les fintechs jouent un rôle central dans la modernisation du paysage financier.
Ce mouvement, soutenu par une infrastructure en constante évolution et une régulation adaptée, pourrait bien permettre au Royaume de s’imposer comme un hub d’innovation en Afrique. Cependant, la généralisation de ces nouvelles solutions de paiement doit encore relever plusieurs défis.
La montée en puissance des fintechs
Depuis la création du guichet unique pour les fintechs en 2019, Bank Al-Maghrib a accueilli près de 90 entreprises, la plupart opérant dans le domaine des paiements et des transferts d’argent. Ce chiffre est révélateur du dynamisme du secteur et de l’attrait croissant pour les solutions innovantes proposées par les fintechs. Ces jeunes pousses, à la croisée de la technologie et des services financiers, sont perçues comme des catalyseurs de changement, capables de combler les lacunes des systèmes traditionnels.
L’appui institutionnel fourni par Bank Al-Maghrib et des acteurs tels que CDG Invest, notamment à travers des programmes comme 212Founders, a permis d’encourager le développement de cet écosystème. L’objectif est clair :
créer un environnement propice à l’innovation financière, où les fintechs peuvent non seulement prospérer, mais aussi apporter des solutions concrètes aux défis liés à l’inclusion financière.
Le boom des paiements mobiles
L’un des principaux moteurs de cette transformation réside dans l’adoption croissante des paiements mobiles. À la fin de l’année 2023, plus de 10 millions de comptes M-Wallets avaient été ouverts, soit une augmentation de 35% par rapport à l’année précédente. Ce chiffre démontre un appétit croissant des Marocains pour les solutions de paiement dématérialisées.
En parallèle, le nombre de transactions effectuées via M-Wallets a atteint 9,7 millions, pour une valeur totale de 2,1 milliards de dirhams (MMDH), soit une hausse de 23% par rapport à 2022. Les initiatives comme «Maroc pay» et les campagnes de sensibilisation auprès des commerçants ont contribué à cette évolution.
L’augmentation du nombre d’utilisateurs et de transactions s’explique également par les efforts visant à rendre ces outils accessibles, pratiques et sécurisés pour un large public. Le paiement mobile n’est plus une simple alternative aux transactions traditionnelles ; il devient peu à peu un acteur clé dans la digitalisation des paiements au Maroc.
Répartition des transactions et défis à surmonter
Malgré ces succès, l’analyse des chiffres montre une répartition inégale entre les établissements de paiement et les banques. En 2023, 85% des transactions par M-Wallet ont été effectuées par des établissements de paiement, tandis que 71% des montants des transactions leur reviennent. Les banques, de leur côté, n’ont capté que 29% des montants échangés. Ce déséquilibre illustre la nécessité pour les banques de repenser leurs offres face à la concurrence des fintechs. Ce constat met en lumière plusieurs défis à relever.
D’abord, il est essentiel de garantir l’interopérabilité des différents systèmes de paiement pour permettre une adoption élargie et plus fluide. Ensuite, les efforts d’éducation financière doivent être intensifiés, en particulier dans les zones rurales et auprès des populations qui restent éloignées des services bancaires classiques. Enfin, le coût des transactions doit être maîtrisé pour encourager davantage l’utilisation des solutions numériques, notamment par les petites entreprises et les commerçants.
Le rôle central de Bank Al-Maghrib dans la transformation
Dans cette dynamique, le rôle de la Banque centrale est important. BAM ne se contente pas de réguler le secteur, elle joue également un rôle actif dans l’accompagnement des fintechs et la promotion de l’innovation. La mise en place de cadres réglementaires adaptés, la création d’infrastructures sécurisées, et l’introduction de solutions comme le virement instantané témoignent de l’engagement de la Banque centrale dans la modernisation du système financier marocain.
L’année 2023 a également été marquée par des initiatives visant à encourager les paiements électroniques et à réduire la dépendance au cash. La promotion de l’inclusion financière est au cœur de cette démarche, avec une attention particulière portée aux populations les moins bien desservies, qu’il s’agisse de particuliers ou de petites et moyennes entreprises (PME). La deuxième phase de la Stratégie nationale d’inclusion financière, prévue pour la période 2024-2027, s’inscrit dans cette volonté de renforcer l’accès aux services financiers pour tous.
L’avenir des paiements au Maroc : entre opportunités et défis
Le Maroc se trouve à un tournant décisif en matière de digitalisation des paiements. Le potentiel des fintechs est immense, mais largement inexploité. Le pays dispose désormais des infrastructures et des bases réglementaires nécessaires pour devenir un leader régional dans ce domaine.
Toutefois, pour que cette ambition se concrétise, il est impératif de continuer à investir dans l’éducation financière, à améliorer l’accessibilité des services numériques et à assurer une transition fluide pour les utilisateurs de solutions de paiement classiques. Les opportunités sont nombreuses, que ce soit dans le domaine des paiements, de l’épargne ou encore du financement participatif. Les fintechs, en collaboration avec BAM et d’autres acteurs du secteur financier, sont bien placées pour proposer des solutions innovantes qui répondent aux besoins d’une population de plus en plus connectée.
D’ailleurs, la Banque centrale prévoit de renforcer davantage le soutien aux fintechs par le biais de plateformes numériques, d’un guide réglementaire et d’un flux de travail en ligne pour suivre les demandes de projets fintech. Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie plus large visant à soutenir l’innovation dans les services financiers, conformément aux objectifs nationaux de transformation numérique à l’horizon 2030.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO