Naissance d’un fonds de médiation sociale
Un pas en avant vers la réduction des conflits sociaux. Le patronat vient de signer avec les syndicats un accord donnant naissance au Fonds de médiation social. À caractère préventif, le nouvel instrument bénéficie de l’appui de la Confédération danoise de l’industrie. Les chiffres de la CGEM font état de 250 conflits collectifs non résolus en moyenne chaque année.
Le ministre du Travail et de l’insertion sociale, Mohamed Yatim, et le Secrétaire général de la Confédération démocratique du travail, Noubir Amaoui, tous deux visiblement souffrants (le premier se servant de deux béquilles suite à une fracture à la cheville droite) ont tenu à être présents hier à Casablanca lors de la cérémonie de signature du protocole d’accord portant création du Fonds de médiation sociale. «Un moment historique», c’est le mot qui revient dans chacun des discours prononcés à cette occasion, en présence de la présidente de la CGEM, Miriem Bensalah, et des leaders de l’ensemble des centrales syndicales représentatives (CDT, UMT, UGTM, UNTM). Les premiers balbutiements de ce fonds remontent à l’an 2012 avec la signature d’un Pacte social et d’un accord pour la promotion de la médiation sociale. «Cet accord avait posé les jalons nécessaires pour organiser la médiation. Des interventions réussies ont été menées dans plusieurs secteurs. Aujourd’hui, nous passons à la phase de la restructuration et de la pérennisation en dotant cette initiative d’un véhicule : le Fonds de médiation sociale», souligne Miriem Bensalah.
La législation marocaine accorde un intérêt particulier à la problématique des conflits collectifs. Les deux mécanismes utilisés à ce jour, à savoir la réconciliation et l’arbitrage, ont certes permis d’apaiser quelques tensions par-ci, par-là, mais restent pour le moins insuffisants et seraient même «source de lourdeur». En effet, les chiffres communiqués hier par la CGEM font état de 250 conflits collectifs non résolus en moyenne chaque année (moyenne calculée sur une période de dix ans). «Sans prétendre remplacer ni la réconciliation ni l’arbitrage, le Fonds de médiation sociale viendra en complément du dispositif existant», soutient Hicham Zouanat, président de la commission «Emploi et relations sociales» à la CGEM. Sa création répond à des objectifs bien précis. Il servira d’abord à financer les opérations de médiation (grâce à un appui initial de 20.000 euros mobilisés auprès de la Confédération danoise de l’industrie ; le Bureau international du travail devra apporter sa contribution dès cette année). Ensuite, il s’agit d’améliorer les capacités des médiateurs reconnus à travers la formation. En outre, les parties signataires ont convenu de réfléchir à la mise en place de nouveaux mécanismes susceptibles de développer la médiation sociale. L’accord signé hier prévoit également l’installation d’un comité de pilotage chargé de diriger les affaires du Fonds dont le siège sera installé à la CGEM. «Nous sommes les premiers bénéficiaires de cet accord», se réjouit le ministre Yatim qui a assisté à la cérémonie sans parapher sa signature sur l’accord. Il met en avant le rôle de la médiation dans l’anticipation des conflits, ce qui n’est pas sans impact sur le flux de dossiers à gérer par les inspecteurs du travail relevant de son département ministériel. «La médiation est une science à part qui obéit à une démarche constructive. Cet accord bipartite sera de nature à renforcer le dialogue entre le patronat et les syndicats», soutient le ministre du Travail.
Ce dernier saisit l’occasion pour réitérer l’engagement du gouvernement à réussir le dialogue social. En signant l’accord du Fonds de médiation sociale, le patronat et les syndicats opèrent un saut qualitatif qui vient appuyer l’évolution de la démarche contractuelle au Maroc. Rien qu’au titre de l’année 2017, pas moins de 16 conventions collectives ont été signées, selon le ministre du Travail et de l’insertion sociale.
Miriem Bensalah
Présidente de la CGEM
À la CGEM, nous considérons que la conflictualité mérite une attention particulière et des efforts conjoints entre entreprises et syndicats : les conflits existeront toujours, mais ce qu’il faut préserver ce sont les équilibres, ceux qui préservent les emplois et la valeur ajoutée locale. Et pour préserver ces équilibres, il faut dialoguer, dialoguer, dialoguer…Et quand le dialogue est rompu, nous avons besoin d’un soutien, d’une interface, d’un médiateur pour nous aider».
Allal Belarbi
Deuxième secrétaire-adjoint de la CDT
Le monde vit des mutations historiques, sur tous les plans, géopolitique et économique notamment. Nous notons avec satisfaction le renouement de cette démarche anticipative qui a déjà existé dans l’accord du 1er août 1996. Le mouvement syndical a toujours été ouvert au dialogue. Nous voulons un contrat social nouveau avec du contenu et des objectifs précis. Tout ce qui tend à faiblir les syndicats ne fait en réalité que contribuer à l’affaiblissement de l’État et de la société».
Enaâm Mayarai
Secrétaire général de l’UGTM
Nous sommes partenaires avec les entreprises et avons la ferme volonté de continuer à soutenir le développement économique et social de notre pays. Pour faire baisser le nombre de conflits sociaux, il faut restaurer la confiance entre l’entreprise et le syndicat. Nous devons encadrer les syndicalistes et inciter les entreprises à ne pas les licencier abusivement. Nous espérons que cet accord pourra résoudre ce genre de problèmes. Nous souhaitons que le dialogue social ne soit pas limité au tripartisme, en multipliant notamment les débats et réunions bipartites».