Migration. Quel effet sur le marché du travail ?
Cette question brûlante est au coeur du rapport de 25 pages que vient de publier le CESE. Contrairement à ce que pensent de nombreux Marocains, les migrants ne constituent pas du tout une menace.
Dans son rapport publié à la fin de la semaine dernière sur le thème « Migration et marché du travail », dont les recommandations ont été dévoilées lundi dans Les Inspirations ÉCO (cf. www.leseco.ma), le Conseil économique, social et environemental (CESE) a consacré une grande partie à la question sur «l’effet que la migration a sur le marché du travail marocain». La réponse, un peu plombée par un manque de données statistiques approfondies sur le sujet, est toutefois sans appel : «l’effet des migrants sur le marché du travail marocain est pour le moment très faible, voire insignifiant».
Les migrants représentent 0,3% de la population
Selon le Haut Commissariat au Plan (HCP), les migrants sont estimés à 101.200 personnes au Maroc en 2017. Ils ne représentent donc que 0,3% de la population marocaine estimée à 33,8 millions d’habitants. Sur ce total, 53.600 migrants, soit un peu plus de la moitié du total, ont déposé une demande de régularisation et 20.000 refusent de procéder à la régularisation. Au final, certains de ces migrants occupent des emplois formels et d’autres pratiquent des activités de survie en recourant au secteur informel. Considèrons que les 33 600 migrants «en situation régulière» ont tous un travail formel au Maroc. Rappportée à la population active, estimée à 12 millions de personnes environ en 2017 par le HCP, cette tranche de migrants qui travailent au Maroc ne représente finalement que…0,26% de la population active. Autant dire donc, que contrairement à ce que pas mal de Marocains pensent, les migrants ne constituent pas du tout une menace pour l’emploi au Maroc. En tous cas pas actuellement. Selon le CESE, cette menace pourrait cependant surgir dans les 30 ans qui viennent, notamment à cause des futures migrations qui seront davantage intra-africaines. «Le Maroc aura besoin de considérer dans son équation de gestion des flux migratoires la transition démographique qui enregistre une avancée importante», prévient le CESE. Le pays devrait se préparer au changement démographique qu’il va connaitre, car sa population atteindrait, selon le HCP, 43,6 millions en 2050 au lieu de 33,8 millions il y a environ quatre ans. Pour inverser la vapeur ou en tous cas se préparer à cette échéance, l’équipe du CESE recommande dès à présent de travailler pour résorber le manque de données approfondies relatives aux travailleurs migrants (auto-emploi, secteur informel, productivité et valeur ajoutée, effet de substitution par rapport aux émigrés …) qui empêche de mesurer l’impact réel de la migration sur le marché du travail marocain. En attendant, le CESE a quand même dévoilé quelques statistiques sur le profil des travailleurs migrants, notamment à partir de données de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et du Ministère de l’emploi et des affaires sociale.
26.283 travailleurs migrants en 2017
Les données de la CNSS montrent que le nombre des travailleurs migrants s’élève à 26 283 en 2017 (dont 31,4% sont des femmes et 69,6% des hommes), contre 24 684 en 2016 et 23 055 travailleurs migrants pour l’année 2015. Les plus représentées sont les Français (5 346), les Sénégalais (4 958), les Espagnols (2 722), les Tunisiens (964), les Philippins (905), les Ivoiriens (899), les Algériens (770), les Américains du Nord –Etats-Unis (667), les Turcs (664) et les Chinois (626). La majeure partie des travailleurs migrants (9 578) exerce dans le secteur des services, suivis le secteur du commerce (3779), de l’industrie manufacturière (2689 ) et de la construction (2410). Pendant ce temps, les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche ne comptent que 354 travailleurs migrants. Selon les tranches de salaire mensuel, ils sont 10 138 travailleurs migrants à gagner plus de 10.000 dhs par mois, 3 621 travailleurs migrants à gagner entre 6.000 et 10.000 dhs/mois, 3 193 travailleurs migrants à gagner entre 3.000 et 4.000 dhs/mois, alors qu’ils ne sont que 843 à gagner un salaire mensuel inférieur à 1.813 dhs par mois. De son côté, le Ministère de l’emploi et des affaires sociales ajoute que, l’essentiel des travailleurs migrants installés au Maroc sont des cadres supérieurs, près de 1300 parmi eux sont des directeurs généraux et directeurs ; un peu plus de 800 sont des responsables. Ils sont suivis de près par les ingénieurs, cadres et consultants ainsi que par les techniciens et les animateurs. Les contrats de cadre supérieur concernent essentiellement les Européens, les Chinois et les Turcs. Les subsahariens (Sénégalais, Congolais, Ivoirien et Camerounais) travaillent quant à eux majoritairement dans les métiers de l’offshoring, essentiellement dans les centres d’appel.