Arboriculture : une récolte prometteuse mais disparate

Si la campagne fruitière 2024-2025 parvient globalement à tirer son épingle du jeu, elle révèle de profondes disparités entre les espèces. Tandis que certaines affichent des performances encourageantes, d’autres accusent le contrecoup d’un dérèglement climatique persistant et des limites d’un modèle agricole sous tension. Pour autant, les étals resteront bien garnis.
Les pluies tardives de mars et d’avril, bien que trop épisodiques pour inverser la tendance générale à la sécheresse, ont constitué une aubaine pour l’arboriculture marocaine. Bénéfiques aux cultures de printemps, elles ont favorisé une levée homogène des semis, un enracinement optimal, et un débourrement réussi des rosacées encore en dormance. Ce regain d’humidité, survenu à un moment clé du cycle végétatif, a permis d’amorcer la saison sous de meilleurs auspices.
Contrastes
Ces conditions ont conforté les projections de la Fédération interprofessionnelle de l’arboriculture fruitière (FEDAM), qui anticipe une campagne globalement moyenne à bonne selon les espèces. Les pêches, nectarines et prunes de table affichent une nette progression, avec une production estimée entre 600.000 et 700.000 tonnes, bien au-delà des niveaux de l’année précédente.
Le pic de récolte, attendu dans les deux prochaines semaines, devrait renforcer l’offre sur les marchés, contribuant à une détente des prix. Mais ce tableau encourageant masque des disparités. D’autres espèces, plus sensibles aux perturbations climatiques, accusent le coup. La récolte des cerises a reculé de près de 40% par rapport à l’an passé. Celle des pommes, en particulier les variétés Gala et rouges, a chuté d’environ 30%.
«En cause, des précipitations survenues durant la floraison, qui ont compromis la pollinisation. À cela s’ajoutent des retards de maturité qui freinent encore l’approvisionnement du marché. Si la récolte se poursuit, son rythme reste lent, en attendant l’arrivée de variétés plus tardives, susceptibles de stimuler l’offre et de lisser les tensions sur les prix à la consommation», affirme Ahmed Oukabli, président de la FEDAM.
Parmi les espèces à forte valeur ajoutée, l’abricot occupe une place particulière. Très prisé par l’industrie agroalimentaire, il voit sa production se déplacer progressivement vers des régions moins affectées par le stress hydrique. Autrefois emblématique du bassin de Marrakech, il s’y fait désormais rare, conséquence directe de la raréfaction des ressources en eau.
Cette délocalisation forcée, conjuguée à une demande constante, a mécaniquement entraîné une hausse des prix. À l’inverse, la vigne semble tirer son épingle du jeu. Les premières observations laissent entrevoir une campagne viticole prometteuse, avec des volumes attendus équivalents à ceux de l’année précédente.
Les deux principales variétés seront disponibles d’ici à la fin juillet, assurant un approvisionnement continu jusqu’en septembre. Les grappes actuellement sur les étals sont issues de récoltes précoces, souvent moins qualitatives, mais elles laissent présager une montée en puissance progressive de la filière au fil des semaines.
Dans ce paysage contrasté, la pastèque et le melon jouent un rôle singulier. Leur abondance actuelle sur les marchés bouleverse les équilibres. Leur omniprésence exerce une pression à la baisse sur les prix des autres fruits, concurrençant directement les fruits de saison. Cette situation pousse de nombreux primeurs à brader leurs produits pour rester compétitifs face à ces fruits indétrônables.
Pluies sans effet
Dans ce contexte, les récentes précipitations observées dans certaines zones du Royaume suscitent des réactions contrastées. Jugées ni bénéfiques ni véritablement nuisibles, elles peuvent néanmoins entraîner des surcoûts pour les exploitants, en particulier sur le plan phytosanitaire.
L’humidité ambiante crée un terrain favorable à l’émergence de maladies cryptogamiques, nécessitant un renforcement des traitements préventifs, soit un coût supplémentaire non négligeable dans une conjoncture déjà tendue.
Last but not least, cette campagne conforte les succès de certaines filières fruitières grâce à des pluies bien placées, mais souligne aussi les fragilités structurelles du secteur face aux phénomènes climatiques. L’impulsion donnée par les progrès techniques doit s’accompagner d’une stratégie plus fine pour les cultures hydrophiles comme la pastèque, tant pour préserver l’environnement que pour garantir la compétitivité sur les marchés européens.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO