Maroc

Maroc. Campagne agricole : le spectre de 2019 n’est pas loin

Alors que la loi de Finances tablait sur 80 Mq, selon les opérateurs du secteur, si on arrive à frôler les 50% de cet objectif cette année, ce serait déjà un miracle. De quoi raviver le souvenir des mauvaises récoltes de 2019 et 2020.

Le mauvais sort s’est encore abattu sur les agriculteurs. Après les bonnes performances de la campagne précédente, la quantité de produit à récolter cette année s’annonce catastrophique. Stress hydrique, faible précipitation, sécheresse… tout porte à croire que l’agriculture ne sera pas au rendez-vous. «On ne va pas y arriver», indique avec un brin de pessimisme Rachid Ben Ali, vice-président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader), pour qui, dans le meilleur des cas, le Maroc ne va pas dépasser les 31Mq de rendements pour la campagne 2021/2022. C’est une sous-performance estimée à 40 millions, voire 50 millions de quintaux, qui est attendue en tout cas par rapport à la précédente campagne agricole, miraculeusement épargnée par les humeurs du climat et où la production céréalière avait atteint 102 Mq avec un rendement record de 22,9 q/ha.

S’il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’effet qu’aura le probable déficit de rendement sur le PIB, tout indique que les impacts seront importants. «A chaque fois que la campagne agricole est bonne avec un rendement de près de 70 Mq au moins, on a facilement un taux de croissance de 3%, voire 4,50 % si les récoltes parviennent à franchir les 100 Mq», rappelle l’expert marocain international Khalid Ben Ali. Seulement, pour l’actuelle campagne, poursuit l’économiste, les précipitations ne sont pas au rendez-vous; ce qui fait craindre des conséquences néfastes sur l’économie nationale quand on sait que l’agriculture au Maroc est le premier contributeur (environ 14%) du PIB devant le tourisme et l’industrie. Le Centre marocain de conjoncture note cependant des variations selon les années et en fonction des conditions climatiques. En effet, il existe des variations importantes allant de 11 à 18 % et comme l’agriculture a toujours constitué un pilier essentiel de l’économie et de la société du Royaume, ses performances conditionnent même celles de l’économie tout entière. Toutefois, le dynamisme agricole qui emploie près de la moitié de la population active et fournit 23 % des exportations a permis au pays de se hisser parmi les premiers exportateurs mondiaux des produits agricoles.

Or, cette année, si l’on prend en compte les prévisions des professionnels, il sera difficile de surperformer la campagne précédente d’autant plus que la loi de Finances 2022 prévoyait une récolte céréalière de 80 Mq. Les agriculteurs, qui veulent encore croire en leur étoile, tablent sur des pluies miracles avant la fin de la campagne afin de sauver ce qui peut encore l’être. Malgré leur foi, ils se préparent déjà à amortir le choc. Dans cet horizon sombre, l’intervention de l’Etat est plus que nécessaire pour venir en aide au secteur et aux agriculteurs. Récemment, l’Exécutif a annoncé qu’il procédera au lancement d’une série d’initiatives dédiées à l’actuelle campagne agricole mais, selon l’économiste Ben Ali, au-delà d’un plan d’aide urgent, il est grand temps que le Maroc change d’approche en matière de pratique agricole en considérant désormais la sécheresse comme un facteur structurel et non conjoncturel.

«Nous devons mettre en place un plan de travail sur plusieurs années qui prenne en compte le facteur sécheresse dans toutes ses dimensions». Il appelle les décideurs à prévoir trois scénarios dans les lois de Finances, à savoir un scénario optimiste, un scénario pessimiste et un scénario central. Cela éviterait au Maroc, explique le spécialiste, de recourir à des plans d’urgence à chaque fois que les récoltes ne sont pas à la hauteur des attentes.

Il faut rappeler que la dotation allouée à l’investissement agricole culmine à près de 15,5 milliards de DH, soit une progression de 7% en 2022. Au lieu des investissements publics, Ben Ali propose l’instauration d’une commercialisation équitable des produits agricoles, garantissant un revenu juste à chaque producteur, afin de booster le pouvoir d’achat des Marocains les moins nantis, lesquels s’activent généralement dans le secteur agricole. Cette proposition rejoint les récentes recommandations du Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui prône le renforcement de la position de la commercialisation des produits agricoles dans la chaîne de valeur, à travers la mise en place d’une vision intégrée et participative dédiée à la commercialisation, en impliquant tous les acteurs concernés ainsi que l’amélioration du processus de commercialisation des filières agricoles.

Le CESE recommande également de mettre en place des mesures législatives, réglementaires et techniques et un plan de communication pour lutter contre les pertes et le gaspillage des produits agricoles et de procéder d’urgence à la réforme des espaces de commercialisation afin d’éviter les spéculations et la multiplication des intermédiaires, entre autres. Sans cela, poursuit Ben Ali, on risque d’assister à un exode rural qui pourrait davantage accélérer la ruralisation des grandes villes.

Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO


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