Maritime : le match Tanger Med Vs Algésiras
Le port marocain de Tanger Med continue de renforcer sa place dans le commerce maritime mondial. Le choix de Maersk, qui privilégie Tanger Med au détriment d’Algésiras, illustre une stratégie mûrie depuis des années. Najib Cherfaoui, expert portuaire et maritime, décrypte les raisons de ce succès et les perspectives pour le Maroc.
Le port de Tanger Med fait une nouvelle fois la démonstration de sa compétitivité sur l’échiquier mondial. La récente décision de Maersk, l’un des leaders du transport maritime, de consolider ses activités à Tanger Med, au détriment du port espagnol d’Algésiras, n’est pas un coup de théâtre. Depuis février 2025, une nouvelle route maritime relie les ports de l’Inde et des États-Unis en passant par Tanger Med, évitant les ports européens, notamment Algésiras.
Pour Maersk, cette décision s’inscrit dans une stratégie mûrie de longue date. Pour Najib Cherfaoui, expert portuaire et maritime, «cette décision est le fruit d’une stratégie initiée dès 2016, quand Maersk a négocié 2 kilomètres de quais dédiés à Tanger Med». La nouvelle route, qui inclut des escales à Jebel Ali (Émirats Arabes Unis), Salalah (Oman) et divers ports américains comme Newark ou Houston, renforce le positionnement de Tanger Med comme hub intercontinental.
«Ce n’est pas un simple transit, mais un pivot stratégique pour le commerce mondial», ajoute-t-il.
Entre inquiétude et mea culpa
Cette décision de Maersk n’a pas manqué de faire réagir en Espagne, où le port d’Algésiras est directement impacté. La porte-parole de la Junta de Andalucía, Carolina España, a exprimé sa surprise : «Nous sommes étonnés que Maersk trouve une sécurité plus grande au Maroc qu’ici en Espagne. Le gouvernement doit utiliser tous les outils à sa disposition pour éviter la fuite des entreprises».
Malgré ces critiques, Maersk a tenu à rassurer Algésiras par le biais d’un communiqué. «Nous ne quittons pas Algésiras, qui reste un port clé pour nos opérations», affirme l’armateur danois.
Toutefois, l’inquiétude demeure, car l’enjeu va au-delà des simples mouvements de conteneurs. En effet, Maersk s’est récemment engagé avec Cepsa dans un projet de 10 milliards d’euros pour produire du carburant à base d’hydrogène vert en Andalousie.
Une compétitivité fondée sur des atouts solides
Si le choix de Maersk suscite des critiques en Espagne, il repose sur des raisons objectives. «C’est une question économique. Au Maroc, la main-d’œuvre coûte six fois moins cher qu’en Europe», explique Najib Cherfaoui.
Outre ce facteur clé, le port marocain bénéficie d’infrastructures en constante évolution. À l’horizon 2025, Tanger Med disposera de 800 mètres supplémentaires de quais, équipés de radiocontrôles modernes, portant la capacité totale à 2 kilomètres.
Selon l’expert, la décision de Maersk ne résulte pas de récentes réglementations, comme la taxe carbone en vigueur depuis décembre, mais d’une planification anticipée.
«Maersk a étudié cette stratégie dès 2016. Ce n’est pas une improvisation, mais une action programmée depuis des années», précise-t-il.
Ce travail en amont a permis au port marocain de se positionner comme un hub intercontinental incontournable.
Des perspectives prometteuses
Ce repositionnement de Maersk pourrait inspirer d’autres géants du secteur. Toutefois, pour Cherfaoui, certains acteurs comme MSC ont déjà fait des choix différents.
«MSC a misé sur le canal de Suez et le port d’Alexandrie, mais cela lui a coûté cher. Aujourd’hui, Maersk bénéficie de sa stratégie cohérente avec Tanger Med», souligne-t-il.
Au-delà de l’impact immédiat, cette évolution consolide le rôle du Maroc dans le commerce mondial.
«Tanger Med est la preuve qu’une politique claire et des investissements bien dirigés peuvent transformer un pays en acteur clé du commerce intercontinental», conclut Najib Cherfaoui.
Avec des infrastructures modernes et une vision à long terme, le port marocain s’impose comme un modèle à suivre, renforçant ainsi la position du Royaume dans la logistique maritime internationale.
La taxe carbone européenne, un levier pour le Maroc ?
Depuis le 1er décembre 2024, l’Union européenne applique une taxe carbone aux émissions de CO2 générées par le secteur maritime, dans le cadre de son système d’échange de quotas d’émission (EU ETS). Cette taxe, estimée à 160.000 euros par navire selon IRP Engineering, vise à encourager une transition écologique, mais elle entraîne un renchérissement des coûts pour les entreprises opérant dans les ports européens. Pour le Maroc, cette mesure pourrait se révéler bénéfique.
En effet, Tanger Med, exempté de cette réglementation, offre une alternative économique et stratégique aux grandes compagnies maritimes comme Maersk. La compétitivité marocaine est renforcée par cette taxe, car elle met en avant les avantages financiers et logistiques qu’offre Tanger Med, estiment les experts.
De plus, la taxe carbone pousse les armateurs à repenser leurs routes pour réduire leurs émissions, ce qui favorise des hubs situés en dehors de l’Union européenne. Le Maroc, avec ses investissements dans les énergies renouvelables et ses infrastructures portuaires de pointe, pourrait ainsi capitaliser sur cette transition pour attirer davantage d’acteurs internationaux, tout en renforçant son rôle dans les chaînes logistiques mondiales.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO