Maroc

Les soulaliyates gagnent la bataille de l’égalité

Apès douze ans de combat, les femmes des commuautés soulaliyates peuvent enfin crier victoire. Trois projets de lois mettent fin à une inégalité au nom de coutumes,  vieilles de 14 siècles.

«C’est un nouvel acte de naissance pour les femmes soulaliyates. Ce projet de loi change notre vie». Émue et enthousiaste Rkia Ballout, femme membre de la communauté des soulaliyates d’El Hadada près de Kénitra, ne cache pas sa joie pour célébrer l’adoption des trois projets de lois établissant l’égalité entre les hommes et femmes membres des communautés de Soulaliyates. Le Conseil du gouvernement a approuvé, ce jeudi 14 février, ces trois textes qui réglementent la tutelle administrative sur les communautés soulaliyates et la gestion de leurs biens, dont le projet 17-62 amendant le Dahir du 27 avril 1919 qui stipule dans son article 6 que les membres des communautés soulaliyates, hommes et femmes, peuvent se prévaloir des biens de la communauté à laquelle ils appartiennent. Une victoire historique pour ce mouvement de femmes né en 2007. Après douze ans de plaidoyer portés par les ayants droit et l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), ce changement majeur est inscrit dans le marbre. Il attendra sa validation du Parlement lors de la prochaine session.

Combat pour l’égalité
Au lendemain de l’adoption du Conseil du gouvernement, les femmes soulaliyates de la communauté d’El hadada se sont donné rendez-vous au siège de l’ADFM à Rabat. Jointe par téléphone, Rkia Bellout nous décrit l’ambiance de cette rencontre : «nous célébrons notre victoire. Nous mettons fin à 14 siècle d’injustice». L’ADFM, association féministe qui soutient ce mouvement depuis plusieurs années se félicite de ce projet de loi.

Dans un communiqué, l’association annonce que «les femmes soulaliyates gagnent le combat pour l’égalité. Ces nouvelles dispositions consacrent l’égalité des femmes et des hommes aussi bien dans les droits que les devoirs et ceci conformément à la Constitution». Dans le même document, l’ONG présidée par Saida Idrissi ajoute : «Cette initiative qui vient en réponse aux revendications du mouvement des femmes soulaliyates luttant depuis avril 2007 pour la reconnaissance de leurs droits, représente un acquis considérable». Ce projet du gouvernement met fin à des années d’injustices et d’inégalités au nom de coutumes, vieilles de 14 siècles. «Nous vivions une hogra au quotidien. Les hommes bénéficient des terres et construisent des maisons alors que les femmes de la même communauté vivaient dans des taudis, à côté. Le tout sous le prétexte du respect de coutumes ancestrales», fulmine Bellout.

Les luttes menées par ces femmes avaient commencé à donner leurs fruits à partir de 2009. La Direction des affaires rurales au sein du ministère de l’Intérieur avait été sensibilisée à ce sujet par le mouvement associatif. «Je reconnais l’écoute positive des responsables au niveau central sauf qu’au niveau territorial, les responsables locaux n’appliquaient pas les instructions. C’est pour cette raison que nous avions besoin d’un texte juridique clair», insiste Bellout, qui dirige également une des communautés. Même son de cloche de l’ADFM : «Bien que des étapes importantes aient été parcourues depuis 2007, suite à la promulgation par le ministère de l’Intérieur de trois circulaires (en 2009, 2010 et 2012) reconnaissant le droit aux femmes soulaliyates de bénéficier des terres collectives au même titre que les hommes, cette reconnaissance est restée timide et son application limitée en raison des coutumes dominantes et des interprétations erronées de ces circulaires». Ces circulaires donnaient aux agents de l’autorité et représentants des communautés, composées essentiellement d’hommes de faire une interprétation qui ne rend pas justice aux femmes. «Les résistances viennent de toute part, les hommes instruits et dirigeants des communautés font preuve d’une lecture rétrograde de ces circulaires. Tout est fait pour que les femmes soient lésées. Devant les juges, les circulaires ne pesaient pas lourd. Ils n’ont pas le poids d’une loi», raconte Bellout, qui vit ces tractations et la gestion de ces affaires de l’intérieur depuis sa désignation en 2014 en tant qu’une des premières représentantes des femmes soulaliyates. Cette réforme qui démarre avec son lot de discussions au sein du Parlement ne sera pas de tout repos. «Le principal défi consistera à accélérer la promulgation de cette loi et de ses décrets d’application et de mettre en place toutes les conditions requises pour sa mise en œuvre effective», martèle l’ADFM. 


Mobilisation des terres, l’appel royal entendu

Cette réforme législative fait suite à l’appel royal adressé dans le discours du roi Mohammed VI à l’ouverture de l’année législative. Le souverain avait appelé à «la mobilisation des terres agricoles appartenant aux collectivités ethniques pour la réalisation de projets d’investissement agricole. […]. Une telle mesure permettrait de mobiliser pas moins d’un million d’hectares supplémentaires de ces terres». L’opération répondrait «à des critères bien définis alliant, d’une part, l’exigence de garantir la réalisation effective des projets et d’autre part la nécessité de circonscrire la fragmentation excessive des exploitations agricoles et d’assurer l’accompagnement technique et financier requis».


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