Maroc

Leadership industriel. Ryad Mezzour : “L’hydrogène vert est une opportunité pour le Maroc”

Dans un contexte international marqué par la course à la décarbonation, le Maroc mise sur l’hydrogène vert pour transformer son tissu industriel et renforcer sa compétitivité. Rencontré en marge de la 4e édition du Power to X, Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, esquisse les contours de l’offre Maroc visant à positionner le Royaume en tant qu’acteur incontournable de cette filière d’avenir.

Le Maroc ambitionne de devenir un leader dans la production d’hydrogène vert, mais cette technologie reste extrêmement énergivore. Comment envisagez-vous de concilier cette réalité avec les impératifs de décarbonation, tout en garantissant un approvisionnement en énergie propre pour alimenter cette production ?
Le monde a fait de la lutte contre le changement climatique l’une de ses grandes priorités, mobilisant des moyens internationaux sans précédent. L’hydrogène vert, obtenu à partir d’énergies renouvelables, occupe désormais une place centrale dans la décarbonation de l’économie mondiale. Chaque jour, de nouveaux projets émergent, en particulier dans les pays du Nord, où la demande de solutions durables ne cesse de croître. Toutefois, ces pays doivent faire face à des contraintes importantes, notamment le coût élevé des ressources. Dans ce contexte, les pays du Sud, et particulièrement le Maroc, bénéficient d’avantages compétitifs indéniables pour produire de l’hydrogène vert à moindre coût, grâce à leurs ressources renouvelables abondantes.

Dans ce cadre, comment le Maroc peut-il capitaliser sur son potentiel en énergies renouvelables pour accélérer cette transition ?
Notre pays se distingue par une position stratégique et une expérience solide dans le développement des énergies renouvelables (ENR), notamment l’éolien et le solaire, qui sont parmi les plus compétitifs au monde. En structurant une chaîne d’approvisionnement efficace, nous pouvons non seulement répondre à nos besoins internes mais également exporter notre surplus d’hydrogène vert vers des marchés internationaux, notamment en Europe, où les besoins se font de plus en plus pressants.

Qu’en est-il des retombées économiques pour le Maroc ?
Les retombées sont multiples. Premièrement, la décarbonation de l’économie nationale. Réduire une partie des 68,8 millions de tonnes de CO2 que nous émettons chaque année est essentiel pour contribuer à la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. Deuxièmement, l’exportation d’hydrogène vert constitue une opportunité économique stratégique. En maîtrisant les coûts de production, nous pourrons renforcer notre position sur les marchés mondiaux, tout en augmentant la compétitivité de nos entreprises locales. Le modèle de développement que nous avons appliqué aux énergies renouvelables peut être reproduit pour l’hydrogène vert.

L’hydrogène vert est perçu comme une solution pour décarboner certains secteurs industriels. À quel point pensez-vous que cette technologie pourrait réellement renforcer la compétitivité de l’industrie marocaine ?
La transition énergétique aura un impact considérable sur la compétitivité de nos entreprises, en particulier à l’égard de l’Union européenne, qui est notre premier marché d’exportation. Avec l’instauration de la taxe carbone aux frontières, la capacité à produire à moindre coût tout en respectant les standards environnementaux sera un avantage compétitif crucial.

Le Maroc se positionne donc comme un acteur clé dans la production d’hydrogène vert, en s’appuyant sur ses ressources naturelles et sa proximité avec les marchés européens. Cela dit, pour maximiser ces bénéfices, il est indispensable de renforcer nos capacités en matière de recherche et développement (R&D), de former une nouvelle génération d’ingénieurs et de techniciens et d’acquérir une indépendance technologique dans ce domaine.

Vous parliez de la nécessité de former des ingénieurs et de développer la R&D. Quels sont les leviers pour accélérer cette montée en compétences ?
La montée en compétences repose avant tout sur des investissements dans l’éducation et la formation. Nous devons renforcer nos écoles d’ingénieurs, promouvoir la recherche, en collaboration avec des acteurs industriels, et encourager l’innovation.

À cet égard, des partenariats avec des institutions internationales, ainsi que des initiatives locales de soutien à la R&D, sont déjà en cours. Nous sommes déterminés à rattraper notre retard en la matière, car l’innovation sera au cœur de la compétitivité dans l’économie de demain.

Au moment où une poignée de pays européens visent une indépendance énergétique grâce à l’hydrogène vert, quelles sont les principales barrières que vous anticipez pour l’exportation marocaine de cette ressource ?
La principale contrainte à l’exportation est le coût. Cependant, le Maroc possède plusieurs atouts, dont sa volonté politique, ses ressources naturelles abondantes et à faible coût, ainsi que son expertise dans l’industrie du phosphate. L’ammoniac vert, produit à partir de l’hydrogène, est en effet un enjeu majeur pour des secteurs comme l’agriculture et l’industrie. À cela s’ajoute notre position géographique stratégique, à la croisée des chemins entre l’Europe et l’Afrique, ce qui nous confère un avantage logistique considérable.

Quels défis subsistent dans le développement de cette filière prometteuse ?
Parmi les défis, je citerais la modernisation des infrastructures énergétiques et logistiques, ainsi que la nécessité d’un financement massif pour soutenir cette transition, avec des investissements se chiffrant en milliards de dollars. Il est également primordial de répondre aux défis liés au stress hydrique structurel auquel nous faisons face, en intégrant des technologies de dessalement d’eau dans nos projets.

Enfin, la concurrence internationale dans ce domaine est féroce, et nous devons nous assurer que le Maroc reste compétitif sur le long terme. Toutefois, le potentiel est immense et nous avons la chance d’être bien positionnés pour capter cette opportunité.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO


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